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Actualités - ANALYSES

L’Amérique ne plaisante pas au sujet de la lutte antiterrorisme - Efforts libano-syriens pour faire passer la pilule Hezbollah

Il faut être aveugle pour ne pas le voir et complètement bouché pour ne pas le comprendre : après le 11 septembre, les Américains n’ont plus du tout envie de plaisanter. Frappés au cœur de leur entité par le terrorisme, leur riposte se résume en une devise héritée de leurs anciens ennemis mexicains d’Alamo ou de Rio Bravo : pas de quartier (deguello). Ils ne s’encombrent pas de détails sémantiques et mettent désormais dans le même panier toutes les fractions qui manifestent à leur encontre une hostilité ouverte, active. En prenant d’abord pour cible les groupes qui les ont attaqués physiquement, récemment ou jadis. En prenant en outre à leur propre compte les formations dont Israël, leur allié organique, exige la neutralisation. Tout cela pour souligner qu’au sujet du Hezbollah, Washington est on ne peut plus sérieux, qu’il ne parle pas en l’air à des fins purement tactiques. Cette attitude rigide, Damas et Beyrouth en prennent conscience et acte. Comme, sur le plan du droit ou de la morale, personne n’est en mesure après le 11 septembre de contester la position dominante des États-Unis, les deux capitales voisines et sœurs s’efforcent de sauver les meubles. Et leur politique de fond, dont le Hezb est une carte maîtresse, sans braquer les USA. C’est dans cet esprit que s’inscrit la visite de coordination rendue à Baabda par M. Farouk el-Chareh. L’ordre du jour des entretiens peut dès lors se résumer dans cette interrogation double : qu’attend-on du Liban et de la Syrie pour que le Hezbollah, et accessoirement les organisations palestiniennes basées à Damas, cessent d’être considérés comme des groupements terroristes ? Sur le terrain, les USA, fidèlement suivis du reste par l’UE, l’Onu et la Russie, demandent aux deux pays arabes de respecter la ligne bleue, jusqu’à la conclusion d’un traité de paix régional. C’est-à-dire de veiller à ce que le Hezbollah renonce pour de bon à toute opération dans l’enclave de Chebaa. Toute infraction à cette injonction serait considérée comme un acte de terrorisme et non pas de guerre. Arrondissant diplomatiquement les angles, la délégation européenne qui s’est pointée récemment à Beyrouth et à Damas a soutenu que le maintien du calme dans la bande frontalière est dans l’intérêt direct des deux gouvernements. Car, à son avis, des incidents armés serviraient de prétexte facile à Sharon pour continuer à bloquer le processus de paix, en dépit des fortes pressions internationales qu’il subit pour le redémarrage des pourparlers. La délégation européenne a émis le souhait de voir le président Bachar el-Assad user de son influence pour assurer le calme. De fait, indique-t-on dans les cercles officiels locaux, le chef de l’État syrien serait disposé à jouer le jeu. À condition qu’on réenclenche les négociations sur tous les volets, non pas uniquement sur le volet palestinien, pour appliquer les résolutions de l’Onu et les principes de Madrid. Auquel cas ni l’intifada ni la résistance n’auraient plus lieu d’être. Toujours est-il que Chebaa pose pour le Liban un problème très difficile sur le plan diplomatique. Car l’Onu, l’Europe et la Russie sont d’accord avec l’Amérique pour affirmer que cette enclave reste juridiquement placée sous l’autorité de la 242, non de la 425, même si elle relève territorialement du Liban. Témoignage historique Ce qui reste d’ailleurs à prouver ou à établir dans les règles, ajustement qui n’a toujours pas été réalisé. À cause, explique le président Assad, du fait que la présence militaire israélienne empêche les relevés topographiques nécessaires à l’homologation du tracé des frontières entre son pays et le Liban. Dont les propres preuves se fondent simplement sur des témoignages historiques, respectables certes, mais insuffisants sur le plan juridique. On relève de la sorte, à titre d’exemple, le récit suivant puisé dans les mémoires du président Sami Solh : – «Les relations libano-syriennes n’ont cessé de se détériorer entre 1956 et 1958. Ce qui a entraîné des problèmes aux frontières. Ainsi les autorités syriennes ont établi un poste de gendarmerie et une permanence pour les moudjahidine dans les hameaux de Chebaa. Dont la population a été mise en demeure par les autorités syriennes en septembre 1957 d’avoir à présenter des pièces familiales aux fins de se voir octroyer l’identité syrienne au lieu de la libanaise. Des civils libanais ont été agressés à de multiples reprises. Ce qui a porté les habitants à envoyer à Damas une délégation qui a été reçue par le président du Conseil Sabri Assli et par le président de la Chambre Akram Haurani. Cette démarche n’a rien donné. La même délégation de notables est alors venue me voir. J’ai insisté pour que les habitants restent attachés à leur identité libanaise. J’ai ordonné aux responsables de la zone, par arrêté numéro 493 du 14 décembre 1957, de dresser procès-verbal des incidents qui se produisent. Et de tout faire pour que Chebaa s’ancre au Liban avec les localités d’alentour, dont Kfardouha, les hameaux de Malloul, Kafwa, Ramta, Khallet Ghazalé, Machkoul, Jouret el-Akareb, Rabaa, Beit el-Zemma, Ardata. Je pensais qu’il s’agissait d’un simple nuage d’été». Aujourd’hui bien évidemment dissipé, pour être remplacé par de sombres nuées israéliennes. En tout cas, en termes concrets, aucune action libanaise hostile sur le terrain à l’occupation israélienne ne peut être mise au compte d’une résistance légitime, légale, affirment l’Onu et les Occidentaux. Par voie de conséquence, aucune rétorsion éventuelle israélienne ne serait formellement condamnée ou réfrénée. La France elle-même nous a dernièrement envoyé un émissaire. Pour nous faire savoir qu’elle est d’accord avec les USA sur la nécessité de calmer le jeu à la frontière Sud. Ajoutant qu’il faut régler les problèmes en suspens avec Israël par la voie diplomatique. C’est-à-dire en excluant toute solution militaire et a fortiori paramilitaire. Paris précise qu’il ne pourra pas empêcher la classification terroriste qui serait désormais attribuée à toute action armée sur le terrain. Du moment que les hameaux de Chebaa sont protégés par la ligne bleue. Ce message français, il faut le souligner, ne fait aucune mention de la 425. Que la France, comme le reste du camp occidental, considère comme accomplie. Par contre, dans sa dépêche au président Lahoud pour le 22 novembre, le président Bush a bien parlé pour sa part de la 425. Certains officiels veulent y voir une reconnaissance implicite du fait que cette résolution n’est pas complètement appliquée, ni sur le tracé de la ligne bleue qui laisse Israël grignoter du territoire ni dans Chebaa. Mais d’autres cadres estiment, sans doute plus justement, que, tout au contraire, si la Maison- Blanche se réfère à la 425 c’est pour rappeler au Liban qu’il n’a pas exécuté pour sa part les obligations que cette résolution implique. C’est-à-dire qu’il n’a pas déployé son armée ni neutralisé le Hezbollah.
Il faut être aveugle pour ne pas le voir et complètement bouché pour ne pas le comprendre : après le 11 septembre, les Américains n’ont plus du tout envie de plaisanter. Frappés au cœur de leur entité par le terrorisme, leur riposte se résume en une devise héritée de leurs anciens ennemis mexicains d’Alamo ou de Rio Bravo : pas de quartier (deguello). Ils ne...