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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

CONFÉRENCE - Au Collège des Saints-Cœurs (Kfarhabab) à l’occasion de la projection du documentaire « L’Histoire est dans les rues » - Alexandre Najjar : « Le ministère de la Culture souffre - de trop d’ingérence politique »

À l’occasion du sommet francophone, les élèves de 6e du Collège des Saints-Cœurs de Kfarhabab ont travaillé à la réalisation d’un documentaire sur l’histoire du Liban à travers le nom des rues de Beyrouth. Un film de 35 minutes qui les a occupés une année scolaire durant, entre les recherches de documents, les informations tirées du cadastre officiel et l’enquête sur le terrain. Grâce au soutien de Souad Chami, responsable du Centre de documentation et d’information du collège, et d’Eliane Geagea, en charge de la division, L’Histoire est dans les rues est une approche originale et intelligente de la longue épopée du pays, qui commence 4000 ans avant J-C. La plupart des rues de Beyrouth portent un nom en rapport direct avec un des nombreux épisodes de son évolution. De la rue Justinien rappelant la présence byzantine jusqu’aux avenues aux noms de présidents d’une République enfin reconnue et constituée, en passant par celles qui rendent hommage aux écrivains, poètes et philosophes, les grandes étapes de l’histoire du pays sont signalées grâce à un plan de la ville à la fois clair et ludique. Le texte, dense et composé, en partie, d’extraits de poèmes de Nadia Tuéni, Georges Schehadé et quelques autres écrivains francophones, même s’il aurait gagné à être un peu plus exhaustif, est malgré tout intéressant et globalement objectif. Un exemple à suivre, qui sensibilise finement la jeune génération à un début de semblant de ce qu’on pourrait appeler «éducation civique». « L’écrivain doit être libre d’aborder tous les sujets » «La culture au Liban, réalités et perspectives» : c’est le thème qu’Alexandre Najjar a abordé dès la fin de la projection. Le représentant du ministre de la Culture, qui est également avocat et écrivain, a commencé son allocution en évoquant les réalités «positives» du pays : sa position géographique le plaçant au «carrefour de trois continents» mais aussi ses 17 civilisations et ses 18 communautés religieuses qui constituent «un message» selon Jean-Paul II et «un pari sur la diversité» selon Amine Maalouf. À placer au rang des faits encourageants, M. Najjar rappelle également que «la jeunesse libanaise, au milieu de celle des autres pays arabes, est autant éduquée que créative». Mais pour rester objectif, il a mentionné «l’absence d’une bibliothèque nationale, d’un musée d’art contemporain et de bien d’autres lieux de culture, les mesures de censure» et «la baisse du mécénat due à la crise économique», et a enfoncé le clou en dénonçant «une bureaucratie étouffante, des lois pesantes et contradictoires, des paiements lents et près des trois quarts des fonctionnaires sans bagage culturel.» Mais à tout seigneur tout honneur : le représentant des ministres Mohamed Youssef Beydoun et Ghassan Salamé a mentionné qu’«avec le punch de l’un et le style de l’autre», l’institution gouvernementale dont il dépend avait fait de grands pas en avant. Enfin, il a évoqué très clairement les difficultés financières du ministère, qui bénéficie d’un budget qu’il «n’ose pas mentionner», en donnant l’exemple évocateur de celui réservé au cinéma : «200 000$, l’équivalent, en France, de la somme allouée à un court-métrage». Alexandre Najjar, devant une assemblée de quelque 150 personnes, n’a pas mâché ses mots. Questionné sur son statut d’écrivain francophone publié en France, il évoque sans détour la discrimination des auteurs arabes auprès des grands éditeurs (Gallimard, Grasset, pour ne citer qu’eux) tout comme le repli de l’intelligentsia arabe sur elle-même : «Je considère que tout auteur doit être libre d’écrire sur le sujet qui lui plaît», déclare-t-il en faisant allusion à son dernier ouvrage Le procureur de l’Empire (Balland, 2001), qui évoque Ernest Pinard, l’homme de loi qui a poursuivi en justice Baudelaire et Flaubert. Certains critiques lui auraient reproché de s’approprier un sujet «français». La censure et la bêtise dans la littérature ne manquent pas plus qu’ailleurs : c’est ce que l’intervenant a lucidement et courageusement affirmé, laissant de côté la langue de bois trop souvent employée par la classe politique.
À l’occasion du sommet francophone, les élèves de 6e du Collège des Saints-Cœurs de Kfarhabab ont travaillé à la réalisation d’un documentaire sur l’histoire du Liban à travers le nom des rues de Beyrouth. Un film de 35 minutes qui les a occupés une année scolaire durant, entre les recherches de documents, les informations tirées du cadastre officiel et l’enquête...