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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

Idées - Jour II du colloque des Filles de la Charité sur les valeurs - Recharger les mots dévalués par l’usage

Les Filles de la Charité ont poursuivi hier leur exploration du sens de leurs gestes quotidiens et des mots qu’elles utilisent pour les désigner, en se mettant à l’écoute d’un certain nombre de spécialistes venus les aider à «déconstruire» leurs certitudes. On pourrait critiquer l’approche trop rationnelle de cette démarche, qui couronne un cheminement de plusieurs années, si l’on ne savait pas que derrière tout cet effort de réflexion, il y a sincère volonté de refonder les valeurs, ou disons les retrouver et s’en assurer. Sœur Marie-Claire Saad, visitatrice de la Province Proche-Orient des Filles de la Charité, s’en explique. Engagée dans un travail quotidien souvent répétitif et fastidieux, toute personne religieuse est tentée de tomber dans la routine de la fonction, et de perdre le sens du «lien social» qui doit se tisser entre elle et la personne qu’elle assiste, que ce soit un «cas social» qu’elle envoie à l’école, une classe qu’elle donne ou un vieillard malade qu’elle soigne. C’est pour retrouver le «lien social» créateur de valeurs, que le colloque existe, explique sœur Marie-Claire. Au second jour du colloque, ce sont sœur Marie-Claire Saad et M. Abdo Kahi, directeur du projet, qui ont pris la parole, suivis du père Henri Boulad, supérieur des Jésuites à Alexandrie et vice-président de Caritas Internationalis, de Roland-Ramzi Geadah, un Libanais vivant à Paris, directeur du Centre international de consultations, d’études, de recherches et de formation, Jean-Daniel Rémond, président de la société Europe et Culture, et Jean-Jacques Ballan, fondateur d’un institut d’entraînement et de communication. En début de séance, le directeur du colloque Abdo Kahi et sœur Marie-Claire Saad présentent leur projet. Pour l’essentiel, il s’agit de redécouvrir des valeurs, ou des normes universelles par une démarche rationnelle de désappropriation du pensé et de réappropriation du vécu. Toucher l’autre, c’est toucher Dieu. Des spécialistes de tout ordre sont convoqués pour «recharger de sens» des mots – comme charité et responsabilité – dévalués par l’usage. Les responsables du colloque sont suivis par le père Henri Boulad qui, prenant le contre-pied de cette démarche, va jusqu’à en contester l’utilité. «Ce qui me gêne beaucoup dans ce genre de colloques, c’est l’abstraction», affirme un peu abruptement le supérieur des Jésuites d’Égypte. «Nous nous posons des questions sur des évidences. Les réponses sont dans les questions. Le problème n’est pas dans les valeurs, mais dans le passage à l’action», dit-il aussi. L’intervention décapante du père Boulad se résume dans le sens du conte de Charles Perrault La Belle et la Bête, dont il a fait une parabole. C’est uniquement l’amour qui rompt la malédiction, et transforme la Bête hideuse en Prince. Nous naissons d’un regard d’amour. « Kiyam » et « Kâm » Suit Roland-Ramzi Geadah, qui remet les pieds au Liban pour la première fois depuis vingt-six ans. Au terme d’une série de digressions étourdissantes qui passent par Freud et Lacan, eros, philia et agape et un rapprochement entre «kiyam» (valeurs) et «kâm», (se mettre debout), Ramzi Geadah conclut sans conclure : «La seule charité qui compte est la charité joyeuse». Avec Jean-Daniel Rémond, l’assistance va, pour la première fois, se rendre compte que seul le «charisme», qui est don, ou encore un «état de grâce», va permettre à un chrétien d’aimer son ennemi. Mais Rémond insistera aussi sur la nécessité d’un aménagement concret de l’espace et du temps, qui rendra possible le lien social. Au sein de l’Europe, souligne-t-il, il existe d’énormes différences culturelles, et il faut «une volonté politique permanente» et un ajustement perpétuel pour faire avancer ce projet. Rémond cite Jean Monnet, «père de l’Europe» et grand chrétien, disant : «D’abord continuer, ensuite commencer». La séance d’interventions matinale s’achève par un exposé de Jean-Jacques Ballan qui évoque les cas des orphelins du génocide au Rwanda (1994), pour souligner que l’ennemi public numéro un est «l’indifférence». «L’argent n’est pas une finalité en soi. Il faut refaire de l’économie la science de l’échange et de la création du lien social», conclut-il. Il n’était pas facile, au terme de cette séance passionnante, de trouver une cohérence à cet ensemble des présentations. Les ateliers de discussions qui, organisés l’après-midi, ont permis au public, environ 700 religieuses de diverses congrégations, ainsi que de nombreux laïcs, de débattre de ce qu’ils ont entendu, de s’écouter les uns les autres et d’en tirer profit pour leur vie intérieure. Mais le risque existe d’en demeurer au plan horizontal, et d’oublier le rapport personnel au Christ, qui éclaire nos liens sociaux et leur donne un sens. En marge du colloque, il n’est pas indifférent de noter combien des manifestations de ce type confirment que la langue française, comme langue de communication, de réflexion et même d’identification, continue d’avoir de l’importance dans les congrégations religieuses féminines.
Les Filles de la Charité ont poursuivi hier leur exploration du sens de leurs gestes quotidiens et des mots qu’elles utilisent pour les désigner, en se mettant à l’écoute d’un certain nombre de spécialistes venus les aider à «déconstruire» leurs certitudes. On pourrait critiquer l’approche trop rationnelle de cette démarche, qui couronne un cheminement de plusieurs...