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Actualités - INTERVIEWS

ENTRETIEN - Le leader syndicaliste français a participé à deux forums sur la mondialisation - José Bové : Les Occidentaux doivent oser - dire que leur politique est destructrice

Il a beau se déplacer aux quatre coins de la planète pour développer ses idées, José Bové reste avant tout un paysan attaché à son Larzac natal, doté du bon sens des gens simples. Cela ne l’empêche pas de réfléchir sur l’avenir de la planète et d’avoir une vision précise de son évolution. En participant à deux colloques sur l’antiglobalisation au Liban, il met surtout l’accent sur l’importance de l’ouverture d’un tel débat dans cette région du monde. Il compte d’ailleurs se rendre bientôt au Maroc, en Tunisie et en Égypte. Pour lui, le monde actuel est divisé en deux : les partisans de l’OMC et du libre-échange et ceux qui rejettent le déséquilibre ainsi créé. Chemise à carreaux à manches courtes, sandales aux pieds et pipe au coin de la bouche, José Bové a pratiquement fait le tour du Liban en quelques jours. Pas le parcours touristique habituel, mais les régions défavorisées, les terres oubliées et ceux qui cherchent à en tirer de quoi vivre. Normal, direz-vous, pour un leader de la Confédération paysanne française, mais Bové va bien plus loin. Il s’intéresse réellement aux gens et aux pays qu’il visite. «Du Liban, j’avais en tête les images véhiculées par la télévision : les bombardements, l’occupation israélienne, les immeubles détruits. Mais venir sur le terrain c’est autre chose». Il a désormais des moments forts en tête. «La misère de ceux qui vivent dans le camp de Chatila, Palestiniens et Libanais et qui sont dans une situation d’exclusion. Ce qui m’a aussi frappé c’est la situation des agriculteurs, totalement dépendants d’autant que la plupart d’entre eux ne possèdent pas leurs terres. Ils sont dans une grande fragilité et il n’y a pas de politique de soutien de ce secteur. C’est le marché mondial qui approvisionne le pays, aux dépens des agriculteurs». L’important, c’est le débat N’a-t-il pas été gêné de devoir participer à deux forums au Liban, parce que les groupes n’ont pas pu s’entendre entre eux ? «Ce que je trouve important, c’est que des personnes aient compris la nécessité d’un tel débat dans le monde arabe. Qu’il y ait des divergences entre elles ne me concerne pas et ce n’est pas à moi de juger. L’important, c’est de parler et chacun choisit sa structure. En France, notre mouvement est né dans la société civile, ce n’est pas un parti avec des structures rigides. Il se construit lui-même». Ne trouve-t-il pas qu’on parle trop dans ces congrès ? «Si on ne parlait pas dans un congrès, qu’y ferait-on ? C’est normal de prononcer des discours. Mais si le mouvement s’arrêtait là, c’est alors qu’il faudrait s’inquiéter. Il faut donc, ici, que les gens se mettent au travail, élargissent leur champ de vision et prennent des mesures concrètes, comme intégrer les syndicats, établir une action commune, notamment décider comment les organisations libanaises doivent interpeller leur gouvernement, puisque ce sont les gouvernements qui signent les accords de l’OMC. Bref, créer un véritable contre-pouvoir des citoyens. En tout cas, notre objectif n’est pas de prendre le pouvoir, mais de poser des problèmes plus larges». Un combat fondé sur le droit N’a-t-il pas le sentiment que son discours au Liban devient très politisé ? «Chaque région du monde est différente de l’autre et chacune vit différemment la globalisation. En fait celle-ci est basée sur plusieurs logiques : celle représentée par l’OMC, celle mise en place par les zones de libre-échange et qui ressemble à une politique néocolonialiste et puis une forme de globalisation militaire, dont on ne peut faire abstraction». Mais en quoi son engagement aux côtés des Palestiniens s’intègre-t-il dans la lutte contre la globalisation ? «Le fondement de notre combat, c’est de faire triompher le droit et il s’inscrit dans le cadre de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Nous aspirons à la mise en place d’institutions multilatérales ayant pour objectif le développement à long terme et non à court terme car il entraîne la domination. Si on veut construire un avenir et réduire les écarts entre le Nord et le Sud, nous devons, nous, Occidentaux, avoir le courage de dire que nos politiques sont destructrices pour l’économie de la planète et œuvrer pour une meilleure répartition des ressources». Depuis le temps qu’il a lancé son mouvement, a-t-il enregistré des succès ? «Il n’y a jamais eu un mouvement aussi important dans le monde. On parle beaucoup de nos militants en Europe et aux États-Unis. Mais en Amérique du Sud, en Inde, aux Philippines, en Afrique, les militants antiglobalisation sont partout. De plus en plus de groupes et même des chefs d’Etat sont conscients d’organiser et d’encadrer la mondialisation. Le monde est désormais divisé en deux : ceux qui veulent imposer le libre-échange et l’OMC et ceux qui estiment que de cette façon, on détruit la planète». Ne mène-t-il pas un combat inégal ? «C’est sûr. Nous n’avons pas de moyens, ni d’armée, mais la société civile est de plus en plus entendue comme un interlocuteur. D’ailleurs, en France, tout le monde parle aujourd’hui d’encadrer la mondialisation. Cela signifie qu’apparemment, nous représentons des électeurs, qui intéressent les acteurs politiques». Cela lui donne-t-il envie de faire de la politique ? «Pas du tout. Ce n’est pas mon rôle. Mon but, c’est de faire avancer mes idées et d’aider à la création de réseaux internationaux». Comment, lui, le paysan du Larzac, est devenu une figure internationale ? «Ecoutez, ce n’est pas moi qui ai décidé de mettre l’agriculture dans l’OMC. Nous avons été obligés de continuer notre action et j’assume cette situation, mais quand je suis en voyage j’aspire à rentrer chez moi le plus vite possible». Qui finance ces mouvements ? «Nous, ce sont nos adhérents qui le font et ils sont nombreux en France. Au Liban, il faut demander aux organisateurs». Nos gouvernements n’ont pas le courage d’envoyer des missions en Palestine Ne craint-il pas d’être critiqué pour ses prises de position ici, lorsqu’il rentrera en France ? «La majorité des Français soutient l’application des résolutions de l’Onu. C’est d’ailleurs pour cette raison que depuis juin, nous envoyons des missions civiles de protection des Palestiniens. Nos gouvernements n’ont pas le courage politique de dépêcher une mission officielle de protection. Nous envoyons donc chaque mois des personnes dans les villages et aux checks points. C’est modeste, mais c’est notre participation, afin de protéger les gens et préparer l’avenir avec les mouvements qui, en Israël, luttent contre la colonisation. Pour nous, l’avenir dans cette région ne peut se construire qu’avec les deux peuples et il faut aider à faire avancer les choses». Après les événements du 11 septembre, sa lutte est devenue plus compliquée. Ne craint-il pas un amalgame entre les antiglobalisation et les Arabes et musulmans ? «C’est parce qu’il y a un problème qu’il faut être là et en parler. Plus les choses se compliquent et plus il faut expliquer. Personnellement, je me suis toujours réclamé d’une action directe non violente». Détruire un McDo, n’est-ce pas une action violente ? «Nous l’avons démonté, c’est tout à fait différent. En fait, ce que nous voulons, c’est utiliser les méthodes de Gandhi». Il y a eu pourtant de la violence à Gênes ? «En Italie, cela a été prouvé, la police a manipulé des groupes pour criminaliser et discréditer le mouvement. Il y a quand même eu 200 000 manifestants à Gênes, après les incidents de la veille. Il y a eu aussi le mois dernier 200 000 personnes qui ont défilé contre la guerre à Assises, sans le moindre incident» Bové triture lentement ses longues moustaches. «Je les ai depuis 30 ans. Je n’aime pas changer de tête». Ni de combat. Dans l’Orient compliqué, il garde les idées claires…
Il a beau se déplacer aux quatre coins de la planète pour développer ses idées, José Bové reste avant tout un paysan attaché à son Larzac natal, doté du bon sens des gens simples. Cela ne l’empêche pas de réfléchir sur l’avenir de la planète et d’avoir une vision précise de son évolution. En participant à deux colloques sur l’antiglobalisation au Liban, il met...