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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

Religion - Colloque des Filles de la Charité - « Dieu est-il une valeur sûre ? »

Les valeurs, entre la raison et le cœur, le contingent et le nécessaire, l’histoire et la révélation, sont au centre d’un colloque organisé par la province du Proche-Orient des Filles de la Charité. Inauguré hier, le colloque a été l’occasion, en cette première journée, d’une réflexion sur l’engagement, les «impératifs catégoriques», la tolérance, le pluralisme, la liberté. Ces questions et d’autres ont fait l’objet d’une série d’exposés du ministre de la Culture Ghassan Salamé, qui a inauguré le colloque, du P. Naoum Atallah, directeur de la province Proche-Orient des Filles de la Charité et de Sr Marie-Claire Saad, leur visitatrice, du directeur de la revue Esprit, Olivier Mongin, ainsi que de Mgr Grégoire Haddad, Joël Roman, conseiller de la direction à la revue Esprit, Bernard Lassus, architecte-paysagiste, Charbel Nahas, ingénieur, anthropologue et économiste, et Jacques Ladsous, vice-président du conseil français supérieur du travail social. L’après-midi a été consacrée à des ateliers de réflexion où des questions-pièges comme «Dieu est-il une valeur sûre ?» et «L’homme a-t-il un sens ?» ont été posées. Comme on pouvait le prévoir, le spectre du «choc des civilisations» n’a pas manqué de hanter le colloque. Dès l’ouverture, M. Ghassan Salamé, ministre de la Culture, a tenté d’exorciser une menace qui risque de plonger le monde dans un nouveau Moyen Âge. «Pour avoir fait, avec un quart de siècle d’avance, l’expérience dramatique des épurations ethniques, le Liban, a-t-il dit, n’a plus d’autre choix que de défendre sa raison d’être et sa vocation historique». (VOIR ENCADRÉ). Olivier Mongin, directeur de la revue personnaliste Esprit, fondée par Emmanuel Mounier, prend le relais. Nous sommes toujours à la même altitude. Mongin parle de la «crise du fondement des valeurs» et du «nihilisme». En substance, dit-il, les questions qui se posaient à la fin du XIXe siècle sont celles qui se posent à l’aube du XXIe. «Réfléchir sur les valeurs, ajoute Mongin, c’est réfléchir sur ce qui va nous permettre d’être en conflit sans être en guerre». Car il y a, pour Mongin, des principes intangibles, des «impératifs catégoriques». La torture, comme mal absolu, en est une. Le directeur de la revue Esprit fait part de son indignation à la lecture d’un article dans Newsweek dans lequel l’auteur s’interrogeait sur la légitimité d’un usage «ponctuel» de la torture, sur les suspects islamistes emprisonnés aux États-Unis. Mongin parle aussi de la nécessité de l’engagement, en dénonçant les risques d’un pacifisme assimilé à «une utopie», et souligne que cet engagement doit être consciemment fait, même au service de «causes imparfaites». Il conclura sur un historique de l’apprentissage de la tolérance par l’Europe et du degré le plus élevé de cette tolérance, celle où «l’on partage l’universel dans les convictions de l’autre». Pour Mgr Grégoire Haddad, fondateur du Mouvement social, la problématique des valeurs passe par le renoncement à l’unicité de l’interprétation des Écritures, et l’acceptation de l’historicité de l’Évangile, et donc de l’incarnation des valeurs. Joël Roman, conseiller à la revue Esprit, parle, quant à lui, de «l’irréductibilité des différences» et constate que le XXe siècle a ruiné les espoirs du siècle des Lumières, qui était de tout unifier sous la bannière de la Raison, avec un grand «R». C’est pourquoi Roman considère le «pluralisme» comme «une valeur en soi» et même «peut-être l’une des valeurs fondamentales de l’humanité». Bref moment de rêve, le paysagiste Bernard Lassus commente, diapositives à l’appui, son travail dans ce domaine, établissant des correspondances entre un «paysage ouvert» sur le rêve et l’indéfini, et la culture ouverte à l’acceptation de l’autre et de la différence. L’économiste Charbel Nahas, pour sa part, dénonce l’économie marchande basée sur «la nécessité de l’inégalité», et explique la résurgence du «besoin de sens» par une évolution économique où, explique Max Weber, «les moyens deviennent des fins». Jacques Ladsous ramène l’auditoire sur terre et, parlant le langage du cœur, un peu trop évacué dans ce colloque, rapporte l’expérience d’une «cité du bonheur» vers laquelle le réaménagement urbain français a expulsé les insolvables de Paris. Cette cité apparemment mal nommée, rapporte Ladssous, a été transfigurée par une centaine d’habitants qui décident d’en faire leur ville, en prenant l’initiative de… tisser entre eux des liens d’amitié et de solidarité. Il est difficile de rendre justice au colloque et à son organisateur, Abdo Kahi, chercheur et professeur d’université, autrement qu’en applaudissant à ce feu d’artifice intellectuel, mine d’idées et antidote salutaire à la prose abrutissante que nous servent, à longueur de journée, nos députés. Mais il n’est pas sûr que les Filles de la Charité soient toutes à l’aise dans des discussions qui auraient fait trembler André Malraux !
Les valeurs, entre la raison et le cœur, le contingent et le nécessaire, l’histoire et la révélation, sont au centre d’un colloque organisé par la province du Proche-Orient des Filles de la Charité. Inauguré hier, le colloque a été l’occasion, en cette première journée, d’une réflexion sur l’engagement, les «impératifs catégoriques», la tolérance, le pluralisme, la...