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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

SÉMINAIRE - Le vice-président iranien et Mgr Grégoire Haddad à la Fondation Moussa Sadr - Dialogue des civilisations : place à la modération et au retour à la foi

D’importants intervenants ont pris la parole hier au cours de la première séance du congrès de la Fondation Moussa Sadr sur le «dialogue des civilisations», qui se poursuivra aujourd’hui à l’hôtel Marriott. Mais c’est la voix de l’imam lui-même, disparu un jour de 1978, qu’on a entendu juste avant le début des débats : un film sur l’un de ses discours était projeté sur des écrans de télé. Cette voix qui avait maintes fois appelé au dialogue et mis en garde contre l’inanité des conflits : des paroles d’une éternelle actualité… «Du conflit au dialogue», c’est ainsi qu’était intitulée la première séance, présidée par Ghassan Salamé, ministre de la Culture. Deux intervenants de marque ont pris successivement la parole, le vice-président iranien Mohammad Abtahi et l’évêque Grégoire Haddad, fondateur du Mouvement social et ancien évêque grec-catholique de Beyrouth. La modération, la nécessité du dialogue, le retour à la foi sont toutes des notions qui ont prédominé dans les interventions, donnant cependant lieu à des débats passionnés par la suite, qui ont porté sur la définition même du mot «civilisation». C’est M. Salamé qui a conclu, soulignant que «le dialogue des civilisations n’est pas un substitut au conflit, mais une autre face de celui-ci, dans le sens d’un conflit avec soi pour apprendre à accepter l’Autre». M. Abtahi a axé son discours, improvisé en arabe, sur quatre points essentiels relatifs au dialogue. Il a commencé par faire remarquer que le dialogue devait se tenir entre deux parties «sans que l’une d’elles ne donne des ordres à l’autre». «Entre notre monde islamique et l’Occident, l’un des principaux problèmes est le refus en bloc par certains musulmans de l’apport occidental, et l’attitude de supériorité condescendante qu’affichent certains Occidentaux, notamment aux États-Unis, a-t-il fait remarquer. Le dialogue ne peut s’instaurer sans échange». L’autre condition sine qua non d’un dialogue, c’est la connaissance mutuelle entre les deux parties. «L’une des causes de l’impasse dans laquelle se trouve actuellement le monde réside dans cette méconnaissance entre l’Orient et l’Occident», a soutenu M. Abtahi. «Les pays du Moyen-Orient ont pourtant assimilé les valeurs venant de l’Occident, comme la démocratie et le refus des armes de destruction de masse. Mais nous ne comprenons pas pourquoi ces valeurs cessent d’être valables dès qu’elles franchissent la frontière d’Israël...». À la question de savoir qui devait mener un dialogue des civilisations, M. Abtahi a considéré qu’il s’agissait d’une affaire d’intellectuels, pas d’hommes politiques, qui «agissent surtout en fonction de leurs intérêts immédiats». Par ailleurs, un dialogue suppose, selon lui, «une véritable coopération». «Or les deux dernières décennies n’ont été marquées que par des conflits», a-t-il conclu. Accepter les différences Mgr Haddad, pour sa part, a complètement réfuté la qualification du conflit actuel comme opposition entre chrétienté et islam dans le monde. Pour lui, ni le président américain George Bush n’a le droit de parler au nom des chrétiens et de lancer de nouvelles «croisades» ni Oussama Ben Laden n’a le droit de s’exprimer à la place des musulmans, «lui qui ne comprend même pas l’islam». Il faut donc, selon lui, épurer le dialogue et revenir à la foi, «faire prendre au monde le chemin de la spiritualité, et coopérer ensemble, comme nous avons coopéré cinq ans avec l’imam Moussa Sadr». Dialoguer, donc, sur fond de la foi, et non des croyances «qui soulignent les différences qui existent entre nous». Comme stade ultime, il faudrait intégrer ces différences. Mgr Haddad a par ailleurs exprimé son admiration envers le président iranien, Mohammad Khatami, qui «a révolutionné l’esprit du dialogue et appelé les Nations unies à consacrer plusieurs années à ce thème», celle-ci étant la dernière. «Il ne faut pas se suffire de congrès comme celui qui se tient aujourd’hui, mais inclure les échanges dans notre vie quotidienne», a-t-il considéré. La seconde séance du congrès était placée sous le signe de «L’Autre dans le dialogue des civilisations». Elle était présidée par le pasteur Riyad Jarjour, et a débuté avec le témoignage d’un Canadien, Randal Nickel, représentant du Comité central de l’Église mennonite au Liban. M. Nickel a raconté comment un contact plus rapproché avec des collègues et amis musulmans, en Égypte et au Liban, l’a aidé à briser des stéréotypes. Un professeur d’anglais relevant de cette même institution, ayant exercé dans l’une des écoles de la Fondation Moussa Sadr, «a changé non seulement sa perception des peuples du Sud, mais aussi la perception de ses collègues et élèves envers les Occidentaux». Hussein Sobhi Kanaan, professeur et écrivain spécialisé dans les relations internationales, a résumé les courants de pensée en Occident sur la question du dialogue. L’un de ces courants, dit «réaliste», dont Samuel Huntington fait partie, annonce la lutte des civilisations. «Certains penseurs, de nos jours, ont démissionné de leur rôle et n’ont pas compris qu’ils jettent la discorde et le racisme dans les esprits», a déclaré M. Kanaan. «Ce courant n’est ni pacifiste ni respectueux de la légalité internationale». Mais cette ligne de pensée est contestée par d’autres écrivains européens qui affirment que «l’Est et l’Ouest peuvent se rejoindre». Considérant que «la violence appelle la violence» et que «religion et haine n’ont rien en commun», M. Kanaan a souligné que «la haine raciale profite surtout à Israël, puisqu’elle détourne les regards des crimes commis quotidiennement contre les Palestiniens». Enfin, Marlène Abou Chédid Nasr, professeur à l’Université libanaise (UL), a parlé de son étude sur l’image des Arabes et des musulmans dans les manuels scolaires français, en 1987 et à la fin des années 1990. «Il faut savoir que les directives du ministère français de la Culture allaient dans le sens de l’encouragement au dialogue et de la condamnation du racisme», a-t-elle précisé. Selon elle, les textes dans les livres adoptent sur ce sujet un ton poli, et la logique du dialogue l’emporte plus souvent dans les ouvrages de la fin de la dernière décennie.
D’importants intervenants ont pris la parole hier au cours de la première séance du congrès de la Fondation Moussa Sadr sur le «dialogue des civilisations», qui se poursuivra aujourd’hui à l’hôtel Marriott. Mais c’est la voix de l’imam lui-même, disparu un jour de 1978, qu’on a entendu juste avant le début des débats : un film sur l’un de ses discours était projeté sur...