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Actualités - ANALYSES

Hezbollah - Les officiels s’interrogent sur les insinuations de Battle - De l’eau dans le gaz entre Beyrouth et Washington

M. Vincent Battle, nouvel ambassadeur américain à Beyrouth, n’a eu droit à aucun délai de grâce. Par une de ces coïncidences dont la petite histoire a le secret, c’est en effet le jour même des attentats de Manhattan, le 11 septembre, qu’il a débarqué chez nous. Pour présenter ses lettres de créance, par dérogation aux usages, au débotté et au lendemain même de son arrivée. Depuis lors, c’est dans l’urgence et dans la tension que ce diplomate aguerri tâche de concilier l’inconciliable. C’est-à-dire d’être le porte-parole fidèle d’une Administration Bush tout à fait à cran. Sans gommer la souplesse qui permet à un ambassadeur de s’acquitter au mieux de sa mission. À savoir servir avant tout la cause des bonnes relations entre son gouvernement et le pays où il se trouve accrédité. Généralement, et c’est normal, dans les périodes de tension, les professionnels tentent de s’en tirer en jouant sur le flou de petites phrases à double sens. C’est bien ce que M. Battle, technicien expérimenté qui a déjà été en poste chez nous à un degré inférieur, s’efforce de faire. Mais le contentieux est déjà si chargé que les allusions répétées du diplomate agacent nos dirigeants bien plus qu’elles ne les calment. D’autant que sa dernière sortie porte un jugement indirect, mais sévère, sur l’attitude libanaise. On sait en effet que pour M. Battle, il est désormais «évident qu’il y a un léger changement dans le climat de coopération avec le Liban». Pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que cela va mal. Et que cela risque d’empirer, car le ton d’avertissement, pour sous-entendu qu’il soit, reste nettement audible. Le verbe s’accompagne d’ailleurs d’actes tout à fait significatifs. Le dernier geste officiel de l’ambassadeur a été de remettre au ministre libanais des Affaires étrangères (qui est M. Mahmoud Hammoud et non pas M. Rafic Hariri comme l’affirment des envieux), une réquisition de 22 noms incluant le Hezbollah libanais, aux côtés du Hamas, du Jihad islamique, du FPLP et autres groupes radicaux palestiniens. Cette liste s’accompagne, comme nul ne l’ignore car nul n’est censé ignorer la loi (du plus fort), d’une injonction de gel des avoirs du Hezb comme de ses cadres. Une sommation aussitôt rejetée par le pouvoir, le Premier ministre ordonnant à la Banque centrale de n’en tenir aucun compte. Urbi et orbi M. Hariri a répété le refus de tout amalgame entre résistance et terrorisme. Il a condamné sans appel les attentats du 11 septembre. Pour souligner que le Liban a été le premier à y réagir, car ce pays a dû faire face lui-même au fléau, qu’il a combattu avec l’aide de la Syrie. M. Hariri a répété qu’il faut distinguer entre résistance et terrorisme, ce qui nécessite un accord général sur une définition bien précise. Il a redit également que le Hezbollah est un mouvement de résistance qui a permis de libérer la plus grande partie du Sud. Le Premier ministre s’étonne que l’on cesse de reconnaître la légitimité de l’action du Hezbollah, consacrée selon lui par les accords d’avril 1996 conclus après les massacres terroristes sionistes de Cana. Des accords parrainés par les États-Unis comme par la France et la Syrie. Sans compter, autre quitus de taille, la visite rendue au secrétaire général du Hezb par son homologue des Nations unies, M. Kofi Annan, lors de son passage au Liban. M. Hariri ajoute que, dans le bras de fer occurrent avec Washington, le Liban mise sur le soutien des Arabes comme de ses nombreux amis, sous-entendu occidentaux. Et, autre sous-entendu, amis du milliardaire lui-même, comme le président Chirac qu’il va voir samedi. Le pouvoir ajoute qu’outre son propre aval, le Hezbollah bénéficie, en tant que bras armé de la résistance, du soutien unanime du peuple libanais. En en donnant pour preuve les protestations émanant de tous les bords qui ont suivi le verdict US rendu à l’encontre du Hezb. La palme revenant dans ce domaine, à tout seigneur tout honneur, au patriarche Sfeir. Qui de Buenos Aires a lancé un vibrant appel pour plus d’équité en ce bas monde. Pour relever, après avoir encore une fois fustigé les attentats du 11 septembre, que le Hezbollah a prouvé pour sa part, jusqu’à présent, qu’il s’intègre dans un cadre de résistance légitime. Le prélat, faisant écho au pouvoir, a écarté l’idée qu’on puisse demander quelque chose au Liban sur le plan international pour affronter le terrorisme «car que peut encore offrir ce pays qui a déjà tout donné ?». Toujours est-il, pour en revenir à M. Battle, qu’un cadre sécuritaire autorisé s’étonne que le diplomate puisse se plaindre d’un manque de coopération de la part des autorités libanaises. Cette source affirme que la coordination policière a toujours existé entre les deux pays et s’est trouvée naturellement intensifiée après les attentats de Manhattan. Le responsable souligne ensuite que lorsque le Liban a liquidé les activistes de Denniyé liés à Ben Laden, les USA ont cru devoir protester (!) contre la méthode musclée suivie. Parce qu’il s’est trouvé que l’une des têtes visées, le chef de la cellule dite Abou Aycha, Moustapha Kanje, avait la nationalité américaine. La même source souligne que, par sa fermeté, le Liban s’est immunisé contre les mouvements de rue (antiaméricains) que l’on a pu observer dans plus d’un pays après le déclenchement de la guerre d’Afghanistan.Il reste qu’à Beyrouth l’on est conscient du fait que Washington cherche à faire pression sur le Liban, sur la Syrie et sur l’Iran au sujet du Hezbollah, simplement pour être mieux en mesure de faire pression sur Sharon. Mais cette tactique de balancier est modérément appréciée par les autorités libanaises.
M. Vincent Battle, nouvel ambassadeur américain à Beyrouth, n’a eu droit à aucun délai de grâce. Par une de ces coïncidences dont la petite histoire a le secret, c’est en effet le jour même des attentats de Manhattan, le 11 septembre, qu’il a débarqué chez nous. Pour présenter ses lettres de créance, par dérogation aux usages, au débotté et au lendemain même de son arrivée....