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Actualités - CHRONOLOGIES

DÉVELOPPEMENT - Des produits traditionnels biologiques en vente - Les villages autour de la réserve du Chouf vers l’écotourisme

La réserve des cèdres du Chouf représente aujourd’hui une réussite certaine en matière de gestion et de protection environnementales. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que la belle forêt nichée dans les hauteurs du Mont-Liban constitue depuis toujours un prolongement naturel pour les habitants des villages voisins. Afin que le classement de la réserve profite à tout le monde et que les familles de ces localités puissent assurer une rentrée supplémentaire en ces temps difficiles, un projet a été conçu par la responsable du développement durable à l’Association des cèdres du Chouf, Maha el-Kadi. L’idée du projet est toute simple : la confection par des mères de famille de produits alimentaires traditionnels, mieux connus au Liban sous le nom de «mouné» (provisions). Comme de plus en plus de visiteurs font le trajet pour le site exceptionnel des cèdres, ils peuvent compléter leur journée par l’achat de produits biologiques d’excellente qualité. Plus encore : l’entreprise a le potentiel de devenir un véritable projet d’écotourisme, avec possibilité pour les touristes de passer une journée ou plus dans l’un des villages, en participant à la vie encore très traditionnelle des habitants. C’est depuis 1999 que la jeune et dynamique Maha el-Kadi sillonne inlassablement les villages pour mettre au point ce petit réseau de production artisanale. Grâce à un don du Fonds canadien d’un montant de 25 000 dollars, l’entreprise a pu être mise en marche. «J’ai choisi de m’intéresser à la production de nourriture parce que j’ai senti que c’était ce que les habitantes des environs de la réserve pouvaient offrir de mieux», explique-t-elle. «C’est, de plus, un moyen de faire travailler le plus grand nombre possible de personnes : l’agriculteur écoule mieux ses produits, qui acquièrent ainsi une vie plus longue que s’ils devaient être vendus frais, les femmes au foyer bénéficient d’un débouché, les producteurs de pots ou de conteneurs de toute sorte trouvent acheteur pour leurs produits…» Confitures, compotes, eau de rose, mélasse, miel, raisins secs, noix, olives, huile, thym, «kechek», cornichons… les produits couvrent un champ important des besoins essentiels de chaque maison. «Cinquante-cinq familles profitent aujourd’hui de cette activité», précise Mme Kadi, qui, avec le financement du projet, achète la matière première de même que la production finale des femmes, et se charge de la vendre. Il faut préciser que les bénéfices réalisés sont versés aux productrices et servent à l’achat des matières premières, et que cette entreprise reste indépendante de la gestion de la réserve. Comment la marchandise est-elle écoulée ? «Au début, nous avons commencé à en vendre aux portes du village de Maasser el-Chouf, avant d’ouvrir un centre à Barouk», explique-t-elle. «L’an dernier, à Noël, j’ai convaincu une grande entreprise d’acheter ses coffrets cadeaux de chez nous. À Beyrouth, nous avons deux points de vente, à la Maison de l’artisan et au Racket Club. Nous avons aussi notre site Internet que les personnes intéressées peuvent consulter, avec une possibilité de délivrer des coffrets aux acheteurs». Et d’ajouter avec fierté : «Nous avons remarqué que des personnes qui avaient visité la réserve font dorénavant le trajet rien que pour la “mouné” ! De nouvelles municipalités protestent contre le fait que je ne les ai pas encore incluses dans ce cercle». Le site est à l’adresse suivante : www.shoufcedar.org Il est possible également de contacter l’association au numéro 05/503230. L’écoulement des marchandises : pas si facile ! Sanaa Abou Hamzé, l’une des premières femmes à s’intéresser au projet, aujourd’hui coordinatrice, explique ainsi le succès de l’entreprise dans sa maison traditionnelle du village de Khreibé : «Il s’agit d’éléments d’une “mouné” que nos familles n’ont jamais cessé de produire pour elles. Cela fait partie de la tradition, encore très présente dans nos villages. Ce qui a changé, c’est qu’aujourd’hui, avec la proclamation de la réserve, ces femmes ont la possibilité de profiter de leur savoir». Tous les produits manufacturés par les familles portent le label de la réserve des cèdres du Chouf. Pourquoi ne se retrouvent-ils pas dans plus de centres commerciaux ? «J’ai essayé d’établir des contacts à cet effet, avant de me rendre compte qu’une entreprise trop vaste pouvait aisément dépasser nos moyens», affirme Mme Kadi. Il existe donc clairement un problème de marketing : s’il y a de la production, elle n’est pas facilement écoulée. Si, par contre, de nouveaux contacts sont établis, Mme Kadi a peur que les femmes ne puissent assurer les stocks demandés, et qu’elle ne puisse, elle, leur fournir la matière première nécessaire. «La demande a certainement augmenté depuis que les clients ont goûté nos produits, mais l’achat de matières premières s’est réduit depuis la fin du financement canadien», souligne Sanaa. «Bref, la demande est supérieure à l’offre». Mme Kadi renchérit : «Les femmes n’ont pas les moyens de se retrouver avec des stocks, surtout que le produit, étant entièrement naturel et fait main, il n’est pas bon marché, quoique les prix aient été récemment réduits. Le projet a beaucoup de potentiel au niveau de la production et de la vente, mais ce sont les coûts de transport et le paiement de salaires éventuels qui posent problème». Les organisateurs du projet se trouvent-ils pris par conséquent dans un cercle vicieux ? Mme Kadi déclare qu’elle essaie d’obtenir un nouveau financement des Canadiens ou de toute autre source susceptible d’aider. Pourquoi, si la production est si bien accueillie du public, ne pas autofinancer le projet et même l’agrandir, pour inclure de nouvelles familles ? «Nous faisons de notre mieux», assure-t-elle. «Nous avons participé à des expositions, comme à Deir el-Qamar. Mais il ne faut pas oublier que le pays traverse une grave crise économique. La première réaction des clients, comme nous l’avons remarqué, est de se plaindre du prix de la marchandise. Mais, à la longue, je suis sûre que ce projet a de l’avenir : les consommateurs recherchent de plus en plus le produit naturel». Mieux percevoir la réserve Le principal attrait du projet, pour les habitants de ces régions éloignées, où il n’est pas toujours facile de subsister, est certainement financier. Sanaa assure que l’apport aux familles est «substantiel». Mais l’intérêt d’une telle initiative ne s’arrête pas là. Elle est susceptible de modifier le regard que portent les habitants sur la réserve naturelle toute proche, alors qu’elle avait auparavant toujours fait partie de leur vie et de leurs activités économiques (abattage d’arbres, chasse…). «Il est malsain que les autochtones ressentent de la frustration envers la réserve, qu’ils considèrent que l’accès de la forêt leur a été interdit, qu’ils n’en profitent plus», explique Mme Kadi. «Leur prouver qu’ils peuvent profiter de la proximité d’un tel site est essentiel. Ils deviendront alors plus enthousiastes que les gérants pour le protéger». Elle affirme que même le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), qui a financé durant cinq ans la gestion de trois réserves naturelles au Liban, dont celle des cèdres du Chouf, a compris et apprécié la portée d’un projet de développement durable dans les environs du site, comme un complément indispensable à sa protection. «Nous sortions d’une guerre et n’avions aucune idée de l’importance de l’environnement», avoue Sanaa. «La proximité de la réserve nous a ouvert les yeux sur l’impact qu’elle pouvait avoir sur les aspects les plus fondamentaux de notre vie, notamment sur notre santé et sur l’état de nos finances». Il reste aujourd’hui à faire en sorte que ce projet de développement durable vole de ses propres ailes…
La réserve des cèdres du Chouf représente aujourd’hui une réussite certaine en matière de gestion et de protection environnementales. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que la belle forêt nichée dans les hauteurs du Mont-Liban constitue depuis toujours un prolongement naturel pour les habitants des villages voisins. Afin que le classement de la réserve profite à tout le...