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Actualités - OPINIONS

Bloc-Notes - Boucler le monde - À Marwan Hamadé et PMG

Un bouclage, en jargon de presse écrite, est chose sacrée : Sadate fût-il mort le matin même, on ne peut tricher, dans un hebdomadaire, qu’en reculant à trois heures du matin la guillotine après laquelle rien ne va plus, comme au jeu, en amour, après la première pluie. Sans guillemets pour les familiers des journaux, le bouclage-guillotine est l’instant à partir duquel personne ne peut plus intervenir sur le temps du monde, même si le temps des rédacteurs se prolonge à l’aube par un «Ras Nifa» à la place des Canons (in memoriam), ou un «patcha» à Bourj Hammoud. Les guillotines des périodiques mensuels, quand on en a la responsabilité, sont des fantômes. Une au moins de leurs grandes sections est bouclée avec un mois et demi d’avance (pour les moins dynamiques d’entre eux). Ainsi un rédacteur en chef adjoint, tenant à tout prix à la contribution d’un écrivain ou d’un critique de haut rang, peut-il être tenté de payer de sa poche – le propriétaire n’ayant pas le geste – une précieuse collaboration dont l’auteur exige d’être payé à la livraison : trou dans le budget du responsable, satisfaction affichée de la dame qui donnait, à Paris, pour un périodique de couleur arabe, un ensemble remarquable sur la grande poétesse préislamique al-Khansaa. Non, ce ne sont pas que des souvenirs. C’est un rythme qui, de rythme de travail, devient rythme de vie pour ceux qui ont la charge du papier et de l’encre encore humide (qui avait trouvé de beau titre d’une ancienne autobiographie de Lacouture, intitulée Un sang d’encre, l’éditeur ou celui qui était grand journaliste, pas encore historien ?). On parle d’une «grande famille de la presse» libanaise. Elle compte des ancêtres, des aînés, des fils d’aînés et ainsi de suite. On peut haïr les familles («portes fermées volets clos…») les idolâtrer (comme en Méditerranée du Sud, voir la Mamma d’Aznavour tant applaudi ici), on peut ne voir dans cette «grande famille» qu’une bataille de patrons de presse, enfin, mille et une choses. Reste qu’au Liban qui se veut toujours, aujourd’hui, terre de libertés et de liberté, la solidarité de ces patrons de presse et de ces rédacteurs, beaucoup plus difficile qu’ailleurs, parce qu’impérative, si elle ne fait pas merveille, est un avatar que, toutes confessions, toutes langues (quatre, avec l’arménien ?) confondues, nous sommes bien obligés de pratiquer, et parfois de subir… Mais, vite, on va boucler, passons à autre chose sans tarder ! *** «Du sang, de la sueur et des larmes», ce que le grand Britannique promettait à son peuple en 1940 c’est un peu ce que nous dessinent, depuis le 11 septembre, au Proche et Moyen-Orient, le stylet de l’islam fondamentaliste, l’obstination israélienne, la paralysie des anciens Afghans. Tandis que les États-Unis engagent leur pays et leurs hommes dans une relative mais réelle incertitude. Au Liban, en attendant le croissant du ramadan, qui sera annoncé par les wahhabites, des musulmans jeûnent déjà, et des chrétiens appréhendent de passer «Noël dans la nuit», si l’on peut emprunter ce titre à Jean-François Six, prêtre catholique, qui fut secrétaire aux non-croyants, et le donna au «Monde», il y a longtemps, au cours d’un hiver où l’humanité se portait mal.
Un bouclage, en jargon de presse écrite, est chose sacrée : Sadate fût-il mort le matin même, on ne peut tricher, dans un hebdomadaire, qu’en reculant à trois heures du matin la guillotine après laquelle rien ne va plus, comme au jeu, en amour, après la première pluie. Sans guillemets pour les familiers des journaux, le bouclage-guillotine est l’instant à partir duquel...