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Actualités - OPINIONS

Les leçons du 11 septembre - Les dangers d’une logique binaire -

Au lendemain de la tragédie du 11 septembre, les Américains, encore sous le choc des images des tours effondrées, ont commencé à s’interroger sur les motifs de la catastrophe. «Pourquoi donc nous détestent-ils ?». Cette question lancée par le Christian Science Monitor continue d’obséder l’ensemble de la presse américaine et suscite des réponses variées et contradictoires. Mais le débat est désormais engagé et les explications ne se limitent plus à des tautologies bruyantes : «L’islam est violent, parce qu’il est de nature violente», ou à des raccourcis historiques : «L’islam en veut à l’Occident à cause de… la défaite de Poitiers». Même Samuel Huntington dont l’ouvrage, Le choc des civilisations, continue d’alimenter les analyses des plus conservateurs parmi les Américains, a révisé ses conclusions à la baisse : «Il est extrêmement important, dit-il, d’identifier et de renforcer les valeurs communes à toutes les grandes civilisations. Il est également essentiel d’engager un dialogue entre elles». Il rappelle, à cette occasion, que c’est à l’initiative de l’Iran que les Nations unies ont décrété 2001 année du dialogue entre les civilisations, avant de conclure que «ce serait un désastre si celle-ci était transformée par Ben Laden en l’année du choc». En période de crise, les analyses sont souvent conditionnées par les objectifs implicites qu’on leur assigne. Justifier la violence est toujours possible, voire même facile. Il suffit pour cela de réduire le champ politique à deux unités : eux et nous, de «désindividualiser» l’adversaire pour substituer à la responsabilité individuelle une responsabilité collective qui ferait de tous les membres d’un groupe donné nos ennemis, et bâtir, à partir de cette logique binaire, un plan de bataille pour faire face à «l’autre» qui, par définition, «personnifie le contraire de ce que nous sommes et de ce à quoi nous aspirons, veut détruire ce à quoi nous tenons le plus, et doit donc être détruit». Pour bien délimiter les camps en présence, il faut marquer clairement le refus de toute empathie : «Nous n’avons rien en commun avec notre ennemi ; aucune information ne peut nous ôter de l’idée que nous avons affaire à un ennemi ; il est dangereux et déraisonnable de nourrir des sentiments humains envers l’ennemi et de lui appliquer des critères éthiques». Cette logique de guerre, qui fait le jeu de tous les extrémismes aussi bien on Occident que dans le monde arabo-musulman, est celle-là même que prône Oussama Ben Laden dont le but, en procédant à cette effroyable tuerie de civils innocents, est justement de la généraliser à l’ensemble de la planète. Même un extrémiste, comme l’ancien candidat à la Maison-Blanche, Pat Buchanan, qui rêve de «faire de la guerre israélienne une vraie guerre américaine», et «d’écraser le Moyen-Orient sous les bombes», a dû reconnaître que «cette guerre est précisément celle dont rêve Ben Laden». La logique de guerre ne peut être dépassée que si, dans les deux camps, se développe une réflexion commune sur notre avenir commun. Et cette nouvelle réflexion commence justement par un double questionnement. À la question que se posent les Américains : «Pourquoi nous détestent-ils» et qui est le prélude nécessaire à une éventuelle remise en question de la politique des États-Unis, doit s’ajouter une autre question, celle-là posée par les Arabes : «Pourquoi en sommes-nous arrivés là, sommes-nous uniquement les victimes impuissantes d’un “complot” permanent ou bien avons-nous également une part de responsabilité ? Et quelle est-t-elle ?». La critique de la politique américaine est chose aisée. Depuis la chute du mur de Berlin en 1989, les États-Unis, vainqueurs de la guerre froide, se sont érigés en «maîtres du monde», faisant prévaloir leurs intérêts sur ceux du reste de l’humanité, et refusant d’assumer les responsabilités qui leur incombaient du fait justement de ce rôle de seule grande puissance dans ce monde devenu unipolaire. La politique des «deux poids, deux mesures» pratiquée au Moyen-Orient est une des manifestations les plus évidentes de ce comportement irresponsable. Mais cette critique, que les Arabes ne sont pas les seuls à formuler, ne peut être crédible et trouver des échos favorables en Occident que si elle s’accompagne d’une autocritique. Et celle-ci doit porter sur l’essentiel, c’est-à-dire sur les raisons de ce ressentiment arabe que provoque la perte de l’estime de soi qui est à la source de toutes les violences : violence contre soi qui se manifeste par les régressions dont nous sommes témoins et violence contre les autres rendus responsables de tous les maux dont souffrent les sociétés arabes. De la réponse à ce double questionnement dépend l’avenir des relations entre le monde arabe et l’Occident.
Au lendemain de la tragédie du 11 septembre, les Américains, encore sous le choc des images des tours effondrées, ont commencé à s’interroger sur les motifs de la catastrophe. «Pourquoi donc nous détestent-ils ?». Cette question lancée par le Christian Science Monitor continue d’obséder l’ensemble de la presse américaine et suscite des réponses variées et contradictoires. Mais...