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Actualités - BOOK REVIEWS

PORTRAIT - Antoine el-Doueihy, ou le témoin des instants lumineux

Fidèle à son parcours littéraire et à son inspiration, Antoine el-Doueihy, fervent témoin des «instants lumineux» d’une vie (comme il le souligne), aborde avec la même sereine mélancolie les rivages de son dernier et quatrième écrit al-Khaloua el-Malakiya (Royale solitude) – Dar an-Nahar – 171 pages. Cet ouvrage oscillant entre réflexion et observation, méditation et description, confidence et rêverie, rejoint l’écho des autres livres précédemment publiés et formant une sorte de trilogie. On cite volontiers Hadikat el-fajr (Jardin de l’aurore) et Ritbat al-Ghiyab (Rite de l’absence), absolument de la même veine. Dans une écriture arabe éthérée, raffinée et élégante, où le mot sonne juste et la phrase ciselée est toute musicalité, dans un mélange adroit de poésie et d’un regard captif de certains souvenirs, l’auteur évoque avec douceur et lyrisme les images poignantes de la mort (toujours scandaleuse !), les déchirures de la guerre, les illusions et les mirages de l’amour et du bonheur, les impressions de plénitude et de désarroi, le choc amoureux et les éblouissements des voyages. Rapport minutieux, paradoxalement à la fois ambigu et clair, des lieux et des êtres pour cette prose somptueuse nourrie des odeurs de l’enfance et des promesses de l’âge adulte. Formules heureuses pour un texte romantique et jubilatoire, attestant en toute évidence du plaisir d’écrire. Mais aussi, bien entendu, du plaisir de lire un texte lisse aux aspérités savamment et soigneusement limées, aux sonorités riches, aux images feutrées, aux sensations et émotions passées au tamis d’une introspection toujours en éveil. Un texte grave, aux dimensions multiples, un texte habité d’une impalpable sagesse… Professeur d’anthropologie, Antoine el-Doueihy n’en confesse pas moins une double formation universitaire en littérature et sciences sociales. Et pourtant, au-delà de ce qui est académique, l’écriture est dans le sang et dans la famille (à garder en mémoire distinctement le nom de son frère, le romancier Jabbour el-Doueihy), écriture omniprésente qu’il qualifie d’ailleurs dans un sourire mi-amusé mi-fataliste de «vocation absolue et incontournable». Vocation qui remonte à l’adolescence, lui qui considère «qu’écrire, c’est témoigner de la vie intérieure. Non toute la vie intérieure, précise-t-il, mais de ces instants lumineux où ce qui se passe en soi reste gravé à jamais dans la mémoire et mérite qu’on s’y arrête...». À l’intercession de tous les genres (récit, poésie, biographie, aphorisme…), cette écriture, sans influence étrangère, ne suivant que son propre rythme et pouls, est le reflet d’un univers intérieur que l’auteur juge comme le «terreau» essentiel de son inspiration. Une inspiration où viennent converger tous les détails liés à des «obsessions majeures» saisissant sélectivement le temps, le passé, les lieux et les êtres. Paru en 1983, le premier texte «poétique» intitulé Kitab al-halat (toujours à Dar an-Nahar) d’Antoine el-Doueihy atteste certes de son «implication» littéraire mais ceci était déjà le résultat d’un travail latent qui remonte à plus d’un quart de siècle de recherches, d’annotations, d’essais et de sensations épinglés sur le vif. Familier des ouvrages de Flaubert, Maupassant, Baudelaire, Verlaine et Rimbaud, Antoine el-Doueihy, en quête intransigeante du «livre unique», n’en a pas moins cédé à son désir de se «livrer» à lui-même et aux lecteurs. Mélancolique cette écriture ? «Je ne peux être affirmatif et je ne peux le nier», répond cet homme du Nord transcrivant en termes purement litteraires le bruit du frémissement des trembles d’Ehden… Et d’ajouter, dans cette sagesse qui caractérise sa «voix» : «Plus que la mélancolie, il y a une grande angoisse. Mais il y a aussi le plaisir d’être en vie…».
Fidèle à son parcours littéraire et à son inspiration, Antoine el-Doueihy, fervent témoin des «instants lumineux» d’une vie (comme il le souligne), aborde avec la même sereine mélancolie les rivages de son dernier et quatrième écrit al-Khaloua el-Malakiya (Royale solitude) – Dar an-Nahar – 171 pages. Cet ouvrage oscillant entre réflexion et observation, méditation et...