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Actualités - INTERVIEWS

INTERVIEW - Lire en français et en musique 2001 - Jean-Paul Enthoven : « Le roman est le corps de l’auteur »

Jean-Paul Enthoven est relativement un nouveau venu au bataillon des auteurs français, tout en étant paradoxalement une figure très connue du microcosme parisien littéraire. En effet, l’auteur d’Aurore, premier roman, mais second livre après Les enfants de Saturne (un essai sur douze écrivains), est éditeur (directeur de collection) chez Grasset, critique au magazine hebdomadaire Le Point, après avoir été rédacteur en chef du Nouvel Observateur. C’est dire si son roman abondamment annoncé était attendu. Par ses ennemis, autant sinon plus que par ses amis. Au Liban, Aurore sera disponible en librairie, à partir du mois de novembre, à l’occasion du Salon «Lire en français et en musique 2001» auquel Jean-Paul Enthoven est invité. Ce sera sa première visite à Beyrouth. Bien qu’il connaisse le pays du Cèdre à travers des amitiés libanaises : Georges Schéhadé, André Bercoff, ou encore un troisième ami libanais dont il taira le nom pour cause de terrible brouille. Rencontre Rencontre, début septembre à Paris, dans son bureau aux éditions Grasset. Silhouette longiligne, cheveux plus sel que poivre, regard bleu séducteur, «total look» noir (pardon monsieur Toubon !), manières et vocabulaires élégants, un brin précieux. L’homme est à l’image de son roman. Celui-ci, publié chez Grasset – bien-sûr –, est revêtu d’une pochette noire qui le démarque des couvertures simples de la maison, et annonce d’emblée la couleur de son… contenu. Journal de bord d’un amour noir. Le narrateur, la quarantaine sans histoire, riche héritier d’un collectionneur de tableaux, est envoûté dès la première rencontre par Aurore, une mystérieuse jeune femme, qui va chambouler son existence avant de disparaître, sans laisser d’adresse. Le narrateur tombe alors dans la spirale infernale de la douleur, du manque, et part à la recherche de cette sombre Aurore. Une passion dévastatrice. Qui, sous les mots choisis, les effets de style et les analyses de sentiments, porte l’empreinte du récit autobiographique. L’auteur ne dément pas. «Je n’ai pas choisi le thème de ce roman. C’est lui qui m’a choisi», dit-il. «C’est la vie, “ma” vie, qui m’a donné l’envie impérieuse d’écrire ce livre». «D’ailleurs, je n’aime pas les romans qui auraient pu ne pas être écrits. En tant qu’éditeur, je reçois tous les jours des romans qui auraient pu ne pas être écrits, précisément parce que leurs auteurs ont délibérément décidé du sujet. À ceux-là je dis souvent : pour écrire attendez qu’un sujet vous choisisse». Il est clair que pour Jean-Paul Enthoven l’inspiration vient toujours du vécu, mais la narration de ce vécu est «torsadée, nouée, corsetée, déplacée… Pour reprendre la formule d’Aragon, un roman c’est du “mentir vrai”». Analyse et polar Ancien professeur de philosophie, Enthoven apprécie «les romans avec de la pensée». Ses modèles absolus : Proust, Stendhal, ou encore Benjamin Constant, auquel la critique parisienne l’a beaucoup comparé. Certains chroniqueurs ayant même été jusqu’à dire qu’Aurore «est un pastiche de roman d’analyse psychologique comme on en publiait sous l’Ancien Régime». Son écriture est, il est vrai, classique, recherchée, très travaillée. «Mais, se défend-il, mon écriture, c’est moi. Je pense que le style est comme une empreinte digitale. Un roman c’est un corps». Récit d’une trahison, d’une déception amoureuse, Aurore n’est ni le premier livre ni le dernier à aborder ce thème. Même si son auteur, en y disséquant les différentes phases du sentiment amoureux de son héros, cherche à en faire un récit universel, il n’est emblématique que de la vulnérabilité des hommes les plus cyniques. Son originalité réside surtout dans ce mélange d’analyse psychologique, d’intrigue construite en polar. Cette écriture «cinématographique» (on y retrouve des images et des découpages en séquences) ne pouvait manquer d’aboutir au cinéma. C’est chose faite, Bernard Bertollici planche déjà sur l’adaptation d’Aurore. Ce sera la deuxième collaboration du romancier avec le cinéaste italien. «J’ai déjà travaillé sur le scénario du Jour et la nuit, avec Alain Delon et Lauren Baccall. Le film avait été un des grands échecs du cinéma, un naufrage absolu», raconte-t-il, avec amusement. «Je suis quand même très heureux d’avoir participé à cette aventure, qualifiée par les Cahiers du cinéma du plus mauvais film de l’histoire du cinéma. On avait fait fort pour une première expérience», lance-t-il dans une dernière boutade. Décidément, Jean-Paul Enthoven travaille son «style» ! Le Salon «Lire en français et en musique» se tiendra du 9 au 18 novembre 2001, au Beirut Hall, Sin el-Fil.
Jean-Paul Enthoven est relativement un nouveau venu au bataillon des auteurs français, tout en étant paradoxalement une figure très connue du microcosme parisien littéraire. En effet, l’auteur d’Aurore, premier roman, mais second livre après Les enfants de Saturne (un essai sur douze écrivains), est éditeur (directeur de collection) chez Grasset, critique au magazine...