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Actualités - REPORTAGES

Mues par l’alléchante perspective d’obtenir le passeport français - Elles partent, pleines d’espoir, entamer une carrière plus valorisante

Comme elles, des dizaines de blouses blanches libanaises ont répondu à l’appel des institutions hospitalières françaises. Alléchées par la perspective d’une carrière valorisante, d’un salaire motivant, mais aussi d’un avenir meilleur, elles ont quitté famille, emploi et pays, pour exercer leur profession en France dans des cliniques privées paliant ainsi à la pénurie d’infirmières qui sévit dans l’ensemble des secteurs de soins, tant public que privé. Trois infirmières s’apprêtent à plier bagage et à entamer une nouvelle carrière en France. Elles partent pleines d’espoir et d’enthousiasme, convaincues qu’elles ne le regretteront pas. Reviendront-elles un jour travailler au pays ? Seul l’avenir nous le dira. N.A. est mariée et mère de trois enfants. À 39 ans, elle a pris une décision qui a bouleversé la vie de sa petite famille. Elle vient d’accepter une proposition de travail dans une clinique privée à Paris et compte les jours qui la séparent de sa nouvelle vie en France, où elle compte bien emmener mari et enfants. Cette proposition de travail, elle la voit comme une aubaine. Car elle appréhendait trop de voir ses enfants grandir dans un pays «où les libertés individuelles sont bafouées», alors que par ailleurs, elle se déclare insatisfaite de son emploi d’infirmière qu’elle exerce depuis 5 ans dans un hôpital de la région de Jbeil, après avoir consacré 8 années à l’éducation de ses enfants. Une insatisfaction professionnelle, à tous les niveaux Responsable d’un service privé polyvalent, elle avoue travailler 180 heures par mois pour un salaire de 833 000 LL, sans compter les frais de déplacements qui s’élèvent à 2 000 LL par journée de travail. «Je n’avais pas le choix, dit-elle. J’ai été obligée d’accepter de travailler dans ces conditions déplorables, car je ne voulais pas m’éloigner de mon lieu d’habitation, même si la direction de l’hôpital a refusé de tenir compte de mes années d’expérience». En effet, avant d’avoir ses enfants, N.A. avait exercé son métier durant 6 ans à l’hôpital du Sacré-Cœur à Hazmieh. Quant à l’aspect pratique de sa profession, la jeune femme l’aborde avec la même insatisfaction : «L’organisation est défectueuse, la définition des tâches inexistante, la gestion de carrière utopique. De plus, le manque de communication règne entre la direction et les employés, alors que l’infirmière travaille pour deux, car l’hôpital ne peut assumer les frais d’un nombre d’effectifs plus élevé», explique-t-elle. Licenciée en 1982 de la faculté de sciences infirmières de l’USJ et détentrice du DEF (Diplôme d’État français), N.A. est persuadée qu’elle et sa famille n’auront aucun mal à s’adapter à la vie parisienne. «Je suis certaine que mes enfants, qui font leurs études dans une école francophone, s’adapteront facilement à la vie de lycée. Mon époux, employé dans une organisation internationale a déjà demandé son transfert en France ou en Suisse. D’ailleurs, ajoute-t-elle, nous ferons la demande de naturalisation française dès que possible». Quant à l’offre faite à N.A. elle semble alléchante, d’après les dires de la jeune femme. Un salaire de 17 000 FF pour un poste d’infirmière responsable d’étage, un logement à Neuilly-sur-Seine entièrement gratuit durant les trois premiers mois, un horaire de jour de 35 heures par semaine. «On m’a proposé un poste de surveillante générale, dit-elle, mais je l’ai refusé car je connais mes limites». N.A. ne veut pas brûler les étapes. Elle tient à obtenir sa maîtrise avant de s’expatrier, afin d’avoir la possibilité de continuer ses études en France, pour mieux évoluer dans sa carrière. Elles ont choisi après avoir examiné plusieurs propositions Diplômées de la faculté des sciences infirmières de l’USJ, Belinda et Madona. ont toutes deux 25 ans, et trois années d’expérience à l’Hôtel-Dieu de France. Elles ont été engagées à Aubervilliers-La Roseraie, une clinique privée de 380 lits, située à 10 minutes de leur futur logement dans le 19e arrondissement à Paris. Un logement gratuitement assuré pour trois mois, qu’elles partageront avec une infirmière libanaise, expatriée, comme elles. Quant au salaire qui leur sera versé, «il varie entre 11 000 et 13 000 FF net, car nous aurons la possibilité de faire des heures supplémentaires et de travailler en week-end», précise Belinda, ajoutant que la proposition mentionne 30 jours de congé annuel, ainsi que le remboursement du billet d’avion et des frais de visa. Poussées par le désir d’aller travailler en France et mues par l’alléchante perspective d’obtenir un passeport français, qu’elles jugent plus sécurisant pour elles et pour leurs familles, les deux jeunes filles ont obtenu cette offre d’emploi après avoir mis leur CV sur Internet. «Nous avons reçu plusieurs propositions, mais avons jugé celle-là plus intéressante que les autres», explique Belinda. «D’ailleurs, reprend-elle, le directeur de la clinique est venu personnellement à Beyrouth pour nous rencontrer ainsi que les autres candidates». Quant à la raison qui a entraîné les deux camarades de promotion à démissionner de leur emploi et à s’expatrier, elle réside dans la déception qu’elles ressentent face à la lenteur de leur avancement, non seulement financier, mais surtout professionnel. «Notre salaire s’élève à 1 069 000 LL, après déduction de taxes, affirme Bélinda, mais nous ne recevons que 30 000 LL d’augmentation annuelle. Cela m’a profondément déçue». Et pourtant, l’argent n’est pas la motivation principale des deux infirmières. En effet, elles avouent stagner dans leur profession et ne pas être appréciées à leur juste valeur, malgré le travail acharné qu’elles fournissent, parfois au détriment de leur vie personnelle. «Nous n’avons jamais le temps de boire ou de manger un bout, note Madona, même durant notre pause déjeuner, car le travail est réellement stressant. De plus, nous n’avons jamais été payées pour les heures supplémentaires. Quant aux possibilités de formation, on ne peut y prétendre avant 5 ou 6 ans d’ancienneté, déplore-t-elle». Et d’ajouter que certaines de leurs collègues ont attendu 8 ans avant d’être inscrites par l’hôpital à un session de formation. «À présent, nous avons la chance de ne pas attendre. Autant saisir cette chance, car notre potentiel est actuellement à son maximum», conclut Belinda. Certes, les deux blouses blanches sont conscientes des difficultés qu’implique l’expatriation. Si Belinda a l’habitude de s’éloigner de sa famille, Madona appréhende la séparation d’avec ses parents qu’elle n’a jamais quittés. «Ils ont accepté l’idée de mon départ, dit-elle, car ils réalisent que je me tue à la tâche pour pas grand-chose, et savent pertinemment bien, qu’en France, je serai mieux qu’ici». Car Madona et Belinda rêvent de continuer leurs études une fois installées en France, pour briller dans leur profession et se tailler une place au soleil. Et puis pourquoi pas, retourner un jour au bercail, passeport français en poche, sécurité oblige, pour faire profiter les autres de leur expérience, et contribuer au développement du pays. En espérant que Belinda, Madona et N.A. ne déchanteront pas une fois sur place, à l’instar des ô combien nombreuses infirmières françaises qui ont rendu leur tablier !
Comme elles, des dizaines de blouses blanches libanaises ont répondu à l’appel des institutions hospitalières françaises. Alléchées par la perspective d’une carrière valorisante, d’un salaire motivant, mais aussi d’un avenir meilleur, elles ont quitté famille, emploi et pays, pour exercer leur profession en France dans des cliniques privées paliant ainsi à la pénurie...