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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

Environnement - Jour III et fin du colloque de l’Unesco - L’homme abuse, la terre se réchauffe

Au troisième jour du colloque organisé par le Comité consultatif national libanais pour la bioéthique sur le thème : «Éthique de sciences et des technologies», une attention particulière a été accordée à l’environnement : énergie, eau douce, indéniable enjeu du siècle, et changement climatique. Avec une aspiration à l’éthique et au développement plus équitable qui tiennent compte des contraintes d’environnement vitales pour l’avenir de l’humanité. Les séances de travail à l’hôtel Bristol ont été dirigées par M. Georges Tohmé, président du Conseil national de la recherche scientifique. La recherche scientifique, son orientation et son financement ; la protection de la nature et de son écosystème ; le réchauffement de la planète et son impact destructeur sur les changements climatiques et les ressources d’eau : voilà les grandes lignes de l’intervention de M. Robin Attfield. Professeur de philosophie à l’Université de Cardiff, membre de la Société internationale pour l’éthique environnementale et auteur d’articles et d’ouvrages sur l’éthique, M. Attfield a mis en exergue le fossé qui se creuse inexorablement entre ce qui a déjà été entrepris par l’homme et les mesures prises pour prévenir les risques de ses actions. Se référant au code d’Uppsala ( 1984), le conférencier met l’accent sur certaines recherches scientifiques qui ont contribué à aggraver la situation présente. À titre d’exemple et au vu des potentialités, lourdes de conséquences de la guerre, il se demande si on peut encore se permettre d’appuyer les recherches dans le domaine de l’armement. M. Attfield ajoute que les besoins internationaux en eau propre et potable se chiffrent en trillions de dollars. Et pourtant : les pays, et plus particulièrement ceux appelés développés, ne font rien pour réduire le réchauffement de la planète ou pour reconstituer la couche d’ozone, opération pourtant reconnue possible. En bref, les gouvernements ignorent le consensus établi en vue de limiter leurs émissions de gaz toxique (dioxyde de carbone par exemple), qu’il faudrait réduire de 60 % selon l’avis des IPCC scientifiques ! Le conférencier indique également qu’une proposition a été faite pour limiter les émissions de gaz par habitant. Les pays développés pourront acheter des droits aux pays qui n’utilisent pas leur quota «droit à polluer». Toutefois, il faudrait établir des «règles» pour ne pas abuser de ce commerce. «Car l’introduction d’un tel mécanisme se retournerait contre l’équilibre climatique», a dit M. Attfield, en signalant que «d’un point de vue éthique, la balle est dans le camp des instances scientifiques et politiques». Sauver ce qui reste Prenant ensuite la parole, M. Waddah Nasr, professeur de philosophie et doyen associé à l’Université américaine de Beyrouth, a mis l’accent sur les conséquences dramatiques de l’étouffement de la terre et se demande si nous n’avons pas raté le coche pour remédier aux ravages faits sur la planète et, par conséquent, sur les droits de l’homme, «si nous prenons en considération que 20 % de la population mondiale font main basse sur 80 % des ressources de la nature», dit-il. Exposant ensuite la théorie de l’anthropocentrisme, qui fait de l’homme le centre du monde, l’intervenant souligne que Dieu a fait d’Adam «un gérant de la terre et non pas un tyran» violant le végétal et l’animal. En alternative à la théorie de l’anthropocentrique, M. Nasr cite le Norvégien Nass qui a introduit la notion d’«écologie profonde (Deep Ecology ), sorte de communauté écologique où toute créature, ou forme de vie, possède une valeur intrinsèque». Pour conclure, le conférencier appelle les Libanais, et plus particulièrement les «passifs», habitués à rejeter le blâme sur les «autres», à «réclamer haut et fort» une légalisation. Pour sauver ce qui reste à sauver. Eau : des chiffres éloquents M. Fadi Comair, directeur général des Ressources au ministère de l’Énergie et de l’Eau, a présenté ensuite un aperçu de la situation au Liban. En résumé : «Déficiences dans le domaine de la conservation, du contrôle et de la gestion des eaux superficielles et souterraines». Mais commençons par le début. La balance annuelle de la pluviométrie au Liban se présente comme suit : 2 700 m3/an dont 2 200 en eau de surface et 500 en eau souterraine. Dans une quinzaine d’années, les besoins seront estimés à 3 750 m3/an dont 600 m3/an pour un usage domestique ; 2 650 m3/an pour l’irrigation ; et 500 m3/an pour les besoins industriels. Le déficit serait donc de 1 550m3/an. «La surexploitation des eaux souterraines est le facteur le plus important du problème de l’eau au Liban», signale le conférencier. Il a eu pour effet la diminution des débits des sources ; le «rabattement de 75 %» du niveau de l’eau dans les réservoirs souterrains, surtout dans la plaine de la Békaa ; et l’intrusion de l’eau marine dans les puits exploités sur la côte. À la lumière de cet exposé, «l’éthique serait d’appliquer l’adage : pas une goutte d’eau à la mer», dit M. Comair. «Il est urgent de stocker les eaux de la période des crues pour les utiliser en période d’étiage», ajoute-t-il. Pour cela, un planning a été conçu pour contrôler et protéger les eaux souterraines et réaliser les recharges artificielles des aquifères, «ce qui n’a pas été fait depuis une quarantaine d’années», souligne le directeur général des Ressources hydrauliques ; mais aussi pour emmagasiner des eaux superficielles dans des petits barrages ou dans des lacs collinaires. Côté eau potable. «Le réseau d’adduction et de distribution est dans un état vétuste. Il date de 25 ans», indique l’intervenant. Les connexions illicites ont atteint un taux très élevé. De même, 50 % du réseau de distribution accusent des fuites et subit des infiltrations d’eau usée. Aussi, un programme de réhabilitation des infrastructures d’eau potable a été lancée il y a cinq ans. Malheureusement, il ne couvre pas encore toutes les villes et les villages du pays. Quant au secteur des eaux usées, des schémas directeurs concernant leur collecte et leur traitement ont été préparés par des bureaux d’études. Faute de financement, seulement six stations ont été adjugées : Tripoli, Batroun, Byblos, Ghadir, Dora et Saïda. Elles vont pouvoir traiter 70 % de la production des eaux usées. Par ailleurs, M. Comair signale que le plan décennal préparé en 1998 et mis sur rails en 2001 prend en compte les recommandations de la Comest (Commission mondiale d’éthique des connaissances scientifiques et des technologies). Ce plan dont le budget a été ratifié au Parlement comprend la construction d’une trentaine de barrages et de lacs dont la capacité de stockage pourrait atteindre 700 millions de mètres cubes répartis sur tout le territoire. Des barrages dans le Kesrouan et le Mont-Liban ont été adjugés récemment. Mais aussi, la recharge artificielle des eaux souterraines, opération qui va stopper l’intrusion des eaux salines dans les nappes côtières, et remplir les aquifères intérieurs vidés par les pompages intensifs. Nous profiterons ainsi de quelque 1 500 millions de mètres cubes, en période hivernale. Ce programme est axé également sur les projets d’irrigation qui absorbent actuellement 80 % des ressources en eau disponibles, c’est-à-dire 50 % de la consommation. Le financement sera assuré par plusieurs protocoles. En outre, le ministère s’est doté d’un nouveau «code de l’eau» : les 22 offices existants ont fusionné en cinq grands offices qui vont «travailler sous une certaine forme de privatisation. Gestion déléguée ; affermage ; concession. La participation du secteur privé, en même temps que celui du secteur public, permettra d’encourager l’investissement pour résoudre les problèmes, et constitue de la sorte un défi d’ordre éthique», a conclu M. Comair. Le Dr Hratch Kouyoumdjian, directeur du département Environnement au Conseil national de la recherche scientifique, a mis quant à lui l’accent sur la dégradation de l’environnement dont les conséquences sur la longue durée, et ses effets peuvent être irréversibles ; les multitudes menaces qui pèsent sur l’eau douce ; le bétonnage sauvage de la côte et son impact sur la biodiversité. M. Kouyoumdjian a également soulevé la question du «pollueur payant» et le paradoxe existant entre la législation et son application sur le terrain. En bref, pillage. Gaspillage. Activités industrielles trop gourmandes en énergie. L’homme abuse. La terre mécontente se réchauffe. La nature réplique en déchaînant ses éléments : inondations, sécheresse… Rien ne sera épargné à l’homme s’il n’y prend garde.
Au troisième jour du colloque organisé par le Comité consultatif national libanais pour la bioéthique sur le thème : «Éthique de sciences et des technologies», une attention particulière a été accordée à l’environnement : énergie, eau douce, indéniable enjeu du siècle, et changement climatique. Avec une aspiration à l’éthique et au développement plus équitable...