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Actualités - INTERVIEWS

INTERVIEW - L’ancien conseiller de Jacques Chirac en visite à Beyrouth - Olivier Echappé : La présence des chrétiens - au Liban est nécessaire à l’équilibre de la région

Comme une histoire d’amour, c’est la treizième fois qu’Olivier Echappé visite le Liban. Ce magistrat, ancien conseiller juridique du président Chirac, aime notre pays. Qui le lui rend bien. De Saïda à Amchit, ce Breton sait apprécier tout le charme que cache le Liban. L’Orient-Le Jour est allé à la rencontre de ce navigateur aguerri. Originaire de Bretagne, il a un riche palmarès. Marié et père de quatre enfants, Olivier Echappé fut avant 1998 conseiller juridique du président Chirac. Il est actuellement membre de l’équipe de l’Élysée. Secrétaire général de la Légion d’honneur, député suppléant, il enseigne le droit à l’Institut catholique de Paris. M. Echappé tient à s’exprimer à titre universitaire, secteur dont il connaît tous les rouages, sans vouloir porter un jugement direct sur la politique libanaise. «Ce n’est pas mon rôle», précise t-il. «Ma venue ici au cours des mois de septembre-octobre est liée au colloque organisé par l’AULUF et par M. Walid Arbid, mais il m’arrive de venir fréquemment au Liban pour passer mes vacances. Cela fait six ans que je ne cesse de faire des aller-retour ; j’ai beaucoup d’amis ici», dit-il. C’est donc le climat qui vous attire ? «C’est vrai que c’est agréable de passer ses vacances dans un pays où le soleil brille, mais les pays nordiques m’attirent aussi, j’aime bien Berlin et les pays de culture en fait». Et sa Bretagne natale ? «C’est une très belle région, marquée par la mer, mais aussi par la découverte d’autres terres. Vous savez que les Bretons sont des marins et, si je puis dire, les Bretons et les Corses ont énormément contribué à la présence française outre-mer». Quelles étaient vos activités au sein de l’équipe du président Chirac ? «En réalité, avant 1998, j’étais conseiller technique dans son cabinet et j’étais en charge des questions de justice. Depuis 1998, j’occupe une fonction qui fait que je suis plus proche encore de lui, puisque je suis secrétaire général de la Légion d’honneur dont il est le Grand Maître». Sur le plan de la collaboration entre l’État français et le Liban, M. Echappé espère qu’il pourra apporter son expérience dans le domaine universitaire. «Il y a plusieurs façons d’aborder le problème. On peut organiser de manière régulière des colloques, ou encore essayer de définir un lien avec les autorités universitaires libanaises, mettre en place un certain nombre de programmes qui, actuellement, ne sont pas couverts et aider ainsi à l’innovation. Le but n’est pas, bien sûr, de réformer le système universitaire libanais; il est déjà très bien construit, mais d’aider à le faire évoluer». Et quel doit être, selon lui, le rôle du Liban dans la francophonie ? «Le rôle du Liban est essentiel. D’abord, il existe ici une tradition francophone qui remonte au XIXe siècle. De plus, le Liban occupe une place privilégiée parce qu’il est, on peut le dire, le seul pays ayant un certain niveau culturel francophone au Moyen-Orient. Pour la France, le Liban est la base avancée de la francophonie dans cette partie du monde». M. Echappé, vous connaissez, bien sûr, la politique libanaise et vous avez été informé de ce qui s’était passé il y a quelques semaines, c’est-à-dire les arrestations arbitraires dans les milieux de l’opposition chrétienne. Comment jugez-vous cela et comment réagissez-vous à l’exode de tous ces jeunes Libanais qui cherchent à quitter le pays, faute d’avenir et d’espoir ? «Je n’ai pas connaissance de tous les éléments de la politique libanaise et je ne peux donc formuler un jugement, mais ce que je peux défendre en tant que juriste français, ce sont bien entendu les valeurs auxquelles nous croyons, qui sont des valeurs démocratiques, de droit de l’homme et d’État de droit. S’agissant de la communauté chrétienne, et c’est le deuxième volet de la question, l’exode de tous ces jeunes est regrettable. Je pense que la présence des chrétiens du Liban est nécessaire à l’équilibre de la région, pour la France aussi. Il est important pour démontrer que, dans cette région du monde, la coexistence est possible entre communautés. Le modèle libanais, même s’il a été mis à mal quelques fois, est porteur d’avenir. Et cet avenir ne peut être assuré sans la présence de la communauté chrétienne. Cela dit, il faut s’interroger sur les raisons qui poussent ces jeunes à partir, des raisons c’est vrai d’ordre politique, confessionnel mais aussi économique. Il reste que l’intérêt de la France et de la francophonie est qu’il puisse y avoir dans cette région une communauté chrétienne forte, susceptible de conforter ce modèle de coexistence entre communautés». À propos de l’intégration des immigrés arabes d’Afrique du Nord en France, M. Echappé estime que c’est une question extrêmement complexe. «Les relations anciennes que nous avions avec le Maghreb et les besoins de notre économie à l’époque ont poussé le gouvernement français à faire appel à un grand nombre de travailleurs immigrés autour des années 60. On est quand même maintenant à la deuxième génération et, en soi, ce n’est pas la question de l’immigration qui pose problème, parce que, encore une fois, c’est nous qui avons fait appel à ces travailleurs. La difficulté réside dans le fait que nous n’avons pas bien réussi l’intégration de cette deuxième génération, ni même celle de la troisième qui pointe». Pourquoi ? «À cause de problèmes liés à la conception urbanistique que nous avons eue dans les années 60. Le phénomène de banlieue, les constructions de grands ensembles ont créé ce qu’on peut appeler les ghettos urbains. Très curieusement, dans ces ghettos urbains, s’est développée une culture que l’on appelle la culture de banlieue, qui est délibérément non intégratrice. Avec son vocabulaire, c’est presque une langue en fait. L’enfermement dans des modes de vie, des façons d’aborder la vie, tout cela fait qu’en France, il existe un problème de banlieue, de ville, et c’est cela la difficulté principale. Ce n’est pas le caractère islamique qui entraîne tous ces problèmes d’intégration». Bien que certains jeunes de cette communauté soient tentés, en France, par l’islamisme intégriste ? «On le voit bien, c’est vrai. Ce n’est pas rare. On remarque les différents réseaux qui recrutent mais cela existe aussi dans d’autres pays européens, comme en Allemagne par exemple. Je pense que la grande majorité de cette population, en France, sera confrontée aussi à l’évolution de la société française qui est en voie de rapide sécularisation. L’influence du fait religieux en France a décru considérablement en 40 ans et je pense qu’il en sera de même pour l’islam». Justement, quel va être l’impact de ce fondamentalisme sur la France et sur le Liban ? «En France, il est indiscutable qu’il y a une donne qu’il faut prendre en considération dans le contexte mondial de lutte contre le terrorisme puisque la France, par le passé, a été touchée par ce fléau. Il faut prendre les mesures nécessaires et nous avons remis en vigueur le plan Vigipirate. Il y a donc un climat tendu mais il ne faut rien exagérer. La situation est calme, et nous n’avons pas connu à ce jour d’incidents entre communautés. Pour le Liban, comme pour tous les pays du Moyen-Orient, la montée en puissance de l’extrémisme n’est pas à exclure et les gouvernements doivent être vigilants parce qu’il s’agit d’ une région à risque». Pour conclure, le rêve de cet homme de recherche, passionné par la politique, est finalement très sportif : traverser l’Atlantique à bord de son voilier, actuellement amarré en Bretagne.
Comme une histoire d’amour, c’est la treizième fois qu’Olivier Echappé visite le Liban. Ce magistrat, ancien conseiller juridique du président Chirac, aime notre pays. Qui le lui rend bien. De Saïda à Amchit, ce Breton sait apprécier tout le charme que cache le Liban. L’Orient-Le Jour est allé à la rencontre de ce navigateur aguerri. Originaire de Bretagne, il a un riche...