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Actualités - CHRONOLOGIES

Francophonie - C’est ce matin, en principe, que Boutros-Ghali publiera un communiqué annonçant le report - Le IXe sommet se tiendra à Beyrouth dans un an ; d’ici là, les activités culturelles se poursuivront

Avant le 11 septembre 2001, le IXe sommet des chefs d’État et de gouvernement des pays francophones, dont le thème est le très beau mais très vague «Dialogue des cultures», allait se tenir comme prévu les 27, 28 et 29 octobre à Beyrouth. Au cœur du Proche-Orient. La planète francophone dans son ensemble louait les efforts du Liban, admirait ses réalisations, appréciait les mesures prises. Puis il y eut le 11 septembre, New York mutilé George W. Bush plus décidé que jamais à combattre tous les terrorismes, la coalition internationale qui s’étoffe jour après jour, les bruits de bottes, et puis ce (vrai-faux) thème devenu leitmotiv : le choc des civilisations, celui des cultures, l’islam et le christianisme… Tout cela pour dire que, du coup, la tenue du IXe sommet est devenue bien hypothétique, mais également, excepté la parenthèse Esbat el-Ansar, le seul sujet de conversation populaire : même les arabophones et les anglophones se sont mis à penser que leur pays avait vraiment la poisse. Et depuis près de deux semaines, dans les plus hautes sphères de l’État, on tergiverse, on atermoie, on use et abuse de la langue de bois, parfois de fierté ou d’obstination mal placées. Tout et n’importe quoi a été dit, jusqu’à ce que le dernier Conseil des ministres décide, jeudi dernier, de s’en remettre à Boutros Boutros-Ghali. C’est lui qui a donc été chargé d’officialiser un secret de Polichinelle, d’annoncer le report du IXe sommet. Les trois points essentiels du communiqué Et il le fera, en principe, dès ce matin. D’après des informations recueillies par L’Orient-Le Jour, le secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) publiera à 9h heure locale un communiqué dont les trois points principaux seraient les suivants : – Le IXe sommet de la francophonie est reporté à l’automne 2002, il se tiendra sans doute aux mêmes dates que celles initialement prévues. (Le délai s’explique notamment par le fait que le calendrier diplomatique de l’année à venir est très lourd : sommet franco-africain, sommet euro-africain, sommet de l’OUA, sommet de Johannesburg, etc. Et par la présidentielle française, bien sûr). – Le IXe sommet se tiendra à Beyrouth. (C’est, en gros, une façon de remercier le Liban. Et où l’on a également appris que les rumeurs autour de la proposition marocaine d’accueillir le IXe sommet sont purs fantasmes. «L’agence Reuters mène une réelle et inexplicable campagne contre le sommet. Elle a fait dire à Ghali, Chirac, Chrétien, des choses qu’ils n’avaient pas dites», a-t-on entendu du côté du ministère chargé de la francophonie). – Les activités culturelles se poursuivront jusqu’à la tenue du sommet. (Notons à ce propos que c’est sur l’insistance de la France, et de l’OIF, que ce troisième point a été ajouté au communiqué). Notons également que le fait de demander à Boutros Boutros-Ghali d’annoncer lui-même le report – après moult contacts avec les dirigeants francophones (voir encadré) – est clairement inspiré de la décision prise, au début du mois, par l’organisation jumelle de l’OIF, le Commonwealth. Lequel avait décidé, après les attentats du 11 septembre, et par la voix de son secrétaire général, d’ajourner la rencontre anglo-saxonne. Sauf que les différences entre le Commonwealth et l’OIF sont notables : la seconde n’a que quatre ans d’âge, contrairement à la première, et le secrétaire général de l’OIF n’a pas les mêmes compétences, la même autorité que son collègue du Commonwealth. Les raisons du report Quoi qu’il en soit, comment ne pas se demander, à l’instar du Libanais lambda, pourquoi le Liban, au lieu de se noyer dans tous ces détours, tous ces faux-fuyants, n’a pas tout simplement argué du fait qu’aucun pays au monde, quel qu’il soit, ne pourrait assurer, en ces circonstances, la sécurité de 55 chefs d’État ? «Parce que le Liban avait un point d’interrogation qui lui pendait au nez, les grands pays francophones se demandaient dans quelle mesure il serait capable d’assurer la sécurité du sommet. Et le Liban ne veut pas donner l’impression, après avoir tellement fait pour assurer la sécurité, qu’il avait peur à son tour, ou qu’il ne pouvait pas l’assurer. Les plus hauts dirigeants du pays sont très sensibles à l’image d’un Liban où prévaut la sécurité», ont indiqué à L’Orient-Le Jour des sources au ministère chargé de la francophonie. Quant aux raisons du report – outre, évidemment, le côté sécurité – elles sont multiples. Il semblerait d’abord, et surtout, que l’analyse du comportement des chefs d’État au moment de crises internationales a montré, dans le passé, qu’ils avaient une tendance à rester chez eux. Les Africains, notamment. Il ne faut pas non plus négliger l’effet boule de neige. Le sommet du Commonwealth a été ajourné, de même que le Star Summit de Dubaï. Et celui de la Fao est de plus en plus hypothétique. Troisième raison : la crainte de certains gouvernements (arabes, européens, canadien) qu’en cas de tenue du sommet dans les circonstances actuelles post-11 septembre, il y ait un malentendu sur le sens du mot terrorisme. «Il faut éviter un nouveau Durban, expliquent les sources précitées. Au lieu du “dialogue des cultures”, nous aurions été en plein “choc des civilisations”…». Autre raison enfin, entendue dans les coulisses d’une grande capitale arabe plutôt modérée : le président américain aurait usé de son influence auprès de Jacques Chirac et surtout de Jean Chrétien pour que l’on ne parle plus désormais, dans les cénacles internationaux, que de la (ou des) façon(s) de combattre les terrorismes. Pertes, manques à gagner, etc. À combien peuvent être estimées les pertes dues à ce report ? «Il n’y a pas beaucoup de pertes. Il y a un manque à gagner certes, mais qui a été reporté. C’est un report de gains. Et il ne faut pas oublier que les routes ont été asphaltées pour deux millions de dollars, le pavillon d’honneur a été construit à l’AIB, tout cela restera. Les aides canadiennes sont venues, le centre de presse français se fera au moment opportun, donc dans un an, et tout est à l’avenant. Quant aux hôtels, il faudrait impérativement qu’ils réfléchissent un peu, qu’ils se rendent compte que c’est un cas de force majeure auquel nous devons tous faire face. Et politiquement, nous avons pris le même risque, avec eux. Ce n’est pas nous qui avons changé d’avis. Le sommet est simplement reporté… Maintenant, il est vrai qu’il y avait une occasion de booster une économie locale. Mais ça aussi c’est reporté». Sauf que le prix le plus dur est politique, diplomatique. «Effectivement. Le pays en avait réellement besoin». Gageons cependant qu’il subsiste suffisamment de volonté, d’envie et de hargne chez certains des responsables libanais pour se lancer dans l’organisation, d’ici à l’automne 2002, d’autres mini-événements. À caractère international. Il y a, enfin, l’équipe. Les fonctionnaires et les centaines de bénévoles qui ont travaillé d’arrache-pied, et qui ont cru, férocement, en ce sommet. «Ce qu’il faut que tout le monde sache, c’est que cette équipe n’a pas été uniquement formée pour le sommet. Elle est désormais capable d’organiser n’importe quel événement international qui se déroulerait au Liban. La structure est maintenant en place. Reste à savoir quelle institution en héritera…». Maintenant que la guerre a commencé – hier en Afghanistan – et que le communiqué de Boutros Boutros-Ghali sera publié, en principe, ce matin, le Liban se retrouve de facto devant une urgente nécessité : celle de se recentrer, de trouver quelque chose, une raison d’agir. Pour essayer de sortir de la crise planétaire, comme de la sienne propre, avec le moins de plumes perdues.
Avant le 11 septembre 2001, le IXe sommet des chefs d’État et de gouvernement des pays francophones, dont le thème est le très beau mais très vague «Dialogue des cultures», allait se tenir comme prévu les 27, 28 et 29 octobre à Beyrouth. Au cœur du Proche-Orient. La planète francophone dans son ensemble louait les efforts du Liban, admirait ses réalisations, appréciait les mesures...