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Actualités - CHRONOLOGIES

LITTÉRATURE - Dix pages, critiques à l’égard du PCI, ont atterri chez Christie’s - Le chapitre perdu du « Mépris »

Un chapitre inédit d’un des meilleurs romans d’Alberto Moravia, «Le Mépris», adapté à l’écran par Jean-Luc Godard, a refait surface à Rome onze ans après la mort du grand écrivain italien et ouvert une double énigme. Comment le manuscrit dactylographié dans lequel figure ce chapitre a-t-il pu atterrir chez Christie’s à Londres avant d’être récupéré en juin grâce à l’aide de la sœur de l’écrivain, Elena Pincherle ? Et pourquoi Moravia, compagnon de route de la gauche et du Parti communiste italien (PCI), a-t-il cru bon expulser, peu avant la parution du roman en 1954, ce passage d’une dizaine de pages qui réserve quelques piques contre le PCI ? «Quelqu’un l’a apporté à Christie’s. Qui, on ne sait pas, un fantôme. Il a dit “J’offre le manuscrit et j’en veux tant”», raconte Elena. Pour les proches et les amis de Moravia, pour ses admirateurs et les critiques, le mystère le dispute à l’émotion. En tout, une quarantaine de personnes se sont retrouvées le 26 septembre, jour anniversaire de la mort de l’écrivain (1907-1990), dans le décor de l’appartement romain où il passa les trente dernières années de sa vie : du mobilier simple, quelques cadres et natures mortes au mur et une terrasse dominant la ville parcourue par le Tibre. L’affaire a été rapidement conclue, compte tenu de la rareté du manuscrit. L’auteur du Mépris avait pour habitude de tout jeter et il n’existe plus aucune trace de ses romans antérieurs. Un peu didactique Elena et le Fonds Alberto Moravia ont dû s’unir pour acquérir les 230 pages raturées de la main de Moravia. Après une mise à prix de plus de 16 000 dollars, le manuscrit a été adjugé 29 000 dollars, ce qui est «assez cher» selon un connaisseur. Le manuscrit original est de retour dans le salon de Moravia, dans un coffret transparent, et il est seulement permis de spéculer sur son odyssée. L’existence d’un quatorzième chapitre est attestée par la correspondance échangée entre l’auteur et l’éditeur Bompiani, ne laissant aucun doute sur l’authenticité du manuscrit. «Il est possible que cette version ait été envoyée en Grande-Bretagne au moment où la traduction était en préparation. Moravia avait déjà beaucoup de succès à l’étranger dans les années 50 et ses œuvres étaient immédiatement traduites», suggère Simone Casini, qui coordonne les éditions complètes de Moravia chez Bompiani. Quant à la partie autocensurée, «elle est détricotée comme une maille de chandail et son absence ne se sent pas dans la version publiée», souligne Enzo Siciliano, critique et ami de Moravia. Le passage – à découvrir dans le mensuel littéraire Nuovi Argomenti d’octobre – fait dialoguer les deux protagonistes du récit. D’un côté, un producteur de cinéma à succès et, de l’autre, un jeune scénariste désargenté et au ménage tourmenté. Au premier, Moravia fait dire que le Parti communiste n’est pas seulement le parti des ouvriers et des pauvres mais aussi des bourgeois «pessimistes, insatisfaits et méfiants». Moravia aura-t-il eu peur de gêner ses amis politiques ? L’hypothèse ne tient pas la route, selon Enzo Siciliano. Il rappelle que l’écrivain, connu pour sa langue dépouillée, «détestait les longueurs et mêlait la politique aux œuvres de fiction, à moins que cela ne serve à connoter la psychologie d’un personnage». Il aura finalement traité par le mépris le dialogue au ton «un peu didactique».
Un chapitre inédit d’un des meilleurs romans d’Alberto Moravia, «Le Mépris», adapté à l’écran par Jean-Luc Godard, a refait surface à Rome onze ans après la mort du grand écrivain italien et ouvert une double énigme. Comment le manuscrit dactylographié dans lequel figure ce chapitre a-t-il pu atterrir chez Christie’s à Londres avant d’être récupéré en juin grâce à...