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Actualités - ANALYSES

Sharon pourrait être tenté par l’ouverture d’un front de diversion - La menace d’une agression israélienne se fait plus pesante

La date du 11 septembre marque certes un tournant pour le monde. Mais encore plus pour cette partie du monde, de l’Afghanistan à la Palestine en passant par le Liban-Sud, mise au centre de cette brusque embardée de l’histoire. La focalisation, on le sait, s’effectue cependant à des degrés variables. Pour le moment, la cible principale reste Ben Laden. Qui occupe les esprits et cristallise les psychoses au point de reléguer au second plan, pratiquement à l’ombre, les autres points cardinaux de la région. Une occultation relative que Sharon a tout de suite cherché à exploiter. En lançant ses troupes à l’assaut des Territoires et de l’Autorité palestinienne. Et en n’hésitant pas à qualifier Arafat de second Ben Laden, pour susciter un amalgame de couverture dans une opinion occidentale traumatisée. Mais la double manœuvre, militaire et médiatique, a été de suite contrée. Par les Américains d’abord. Qui, en dépit ou à cause même de leur malheur, ne se laissent pas détourner des impératifs de stabilisation au Moyen-Orient. Car s’ils ne calment pas le jeu, leur souhait de coalition antiterrorisme, avec participation arabe, vole en éclats. Par Arafat lui-même ensuite, qui a su se gagner l’Occident meurtri, et ses médias, en donnant une pinte de son sang. Dans les conditions actuelles, Sharon, encore une fois confronté à l’échec dans son rêve impossible de venir à bout de l’intifada par la force, peut derechef être tenté par la fuite en avant. C’est-à-dire par l’ouverture d’un front de diversion contre ce pays, contre le Hezbollah et contre la Syrie. En commençant au Sud comme dans la Békaa-Ouest, pour finir dans la Békaa tout court. C’est ce que redoutent des officiels libanais. Qui espèrent que, comme à l’occasion des précédentes menaces israéliennes ou des frappes contre le radar syrien du col de Beydar, les Occidentaux, Américains en tête, sauront dissuader Sharon de ses éventuelles visées. Ce qui implique, notent ces responsables, qu’il faut donner l’alerte de façon insistante, pour bien se faire entendre de Washington, malgré la polarisation des Américains autour de leur propre drame. Un appel de protection préventive qui a de sérieuses chances, s’il parvient vraiment à destination. Dans la mesure, précédemment citée, où Washington ne tient pas du tout à ce que l’on trouble actuellement une carte où il s’efforce d’installer ses pions pour la guerre dans laquelle il s’engage lui-même. Disposition délicate et complexe, qui implique, comme les dirigeants US le soulignent, des orientations diplomatiques, policières, logistiques, économiques autant que militaires. Il leur faut en effet marier le chaud et le froid, concilier des parties opposées, tenir compte des opinions publiques autant que des régimes en place, obtenir même l’aide ou la neutralité de certains de leurs propres adversaires. Et minimiser le handicap certain que présente pour eux, à différents niveaux comme dans la plupart des sites, leur alliance avec Israël. Nécessité prouvée, comme premier exemple, par la condition tout de suite posée par l’un des pays dits de première ligne, le Pakistan. Qui a précisé qu’on ne devrait pas compter sur lui pour une coalition englobant l’État hébreu et, accessoirement, l’Inde. Il est encore plus évident que les pays arabes, qui ne se sont pas jusqu’à présent prononcés sur la proposition US, exigeront en tout cas, comme lors de la guerre du Golfe, qu’Israël reste sur la touche. Une raison de plus, peut-on relever, pour que Washington ne permette pas à Sharon de lui compliquer la tâche en se lançant dans une agression inconsidérée contre le Liban et la Syrie. Cependant, cet ex-général sanguinaire, appelé à comparaître devant les tribunaux de Bruxelles pour le massacre de Sabra-Chatila, est-il contrôlable, à l’heure actuelle ? Certes, il doit tenir compte de sa propre opinion publique et des positions, plus souples, de ses partenaires gouvernementaux travaillistes. Mais dans la situation psychologique, pour ne pas dire dans la psychose, découlant des attentats du 11 septembre, c’est plutôt la ligne de Sharon qui contre-pèse dans la balance intérieure aux dépens, par exemple de Pérès. Auquel il interdit de rencontrer Arafat. Alors ? Alors, les responsables ici craignent que Sharon n’en fasse qu’à sa tête. En attaquant sous prétexte que le Hezbollah, comme le Hamas ou le Jihad islamique, n’est pas à ses yeux un mouvement de résistance, mais de subversion. Quitte à se faire tout de suite taper sur les doigts par les Américains, comme ce fut le cas pour ses incursions dans les Territoires. Une sourde appréhension règne donc dans certains cercles de responsables à Beyrouth. Où on estime, de manière sans doute pertinente, que le fiasco politique qu’entraînerait pour Israël l’éventuel aventurisme de son Premier ministre, serait une piètre consolation pour les dégâts humains ou économiques que le Liban agressé subirait. Au cas où Washington, qui s’y efforce, ne réussirait pas à réhabiliter rapidement le processus de négociations de paix. Entre les Palestiniens et les Israéliens, comme entre ces derniers, les Syriens et les Libanais. Qui doivent se prémunir au mieux. En renforçant l’unité de leurs rangs intérieurs, par un consensus raisonnable (et rapide) autour des constantes nationales. Et en montrant autant que faire se peut patte blanche au camp occidental susceptible d’empêcher l’agression israélienne. En acceptant, par exemple, de coopérer dans la recherche, la capture et le jugement d’auteurs d’anciens attentats ou actes terroristes, comme les prises d’otages restés impunis. En tout cas, sur le plan des suites directes des frappes contre Manhattan et le Pentagone, Beyrouth attend de voir ce que les Américains vont faire au juste dans les deux prochains mois. Pour voir quelles en seraient les retombées, directes ou indirectes, sur la scène locale.
La date du 11 septembre marque certes un tournant pour le monde. Mais encore plus pour cette partie du monde, de l’Afghanistan à la Palestine en passant par le Liban-Sud, mise au centre de cette brusque embardée de l’histoire. La focalisation, on le sait, s’effectue cependant à des degrés variables. Pour le moment, la cible principale reste Ben Laden. Qui occupe les esprits...