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Actualités - OPINIONS

Fragments de mémoire

«Sans Béchir Gemayel, le Liban s’appellerait aujourd’hui Palestine». En une formule lapidaire, Nadim Gemayel a résumé, sur un ton juvénile qui correspond à son âge, un des aspects du conflit irrésolu de la guerre. Nadim Gemayel et ses camarades sont les dépositaires d’un fragment de la mémoire de la guerre, qui cherche sa place dans la mémoire collective des Libanais et dans l’histoire du Liban, sans la trouver. Le plus paradoxal étant que le conflit dont témoigne cette mémoire, celle de la guerre des deux ans (1975-76), a été résolu. En effet, grâce à une action d’Israël d’abord, de la Syrie ensuite, l’hydre palestinienne au Liban avait fini par être vaincue, en 1983, avec le départ de l’OLP du Liban, puis la prise de contrôle de Tripoli par la Syrie. Beyrouth et le Sud furent «nettoyés» par Israël, la Békaa et le Nord par la Syrie. Toutefois, cette résolution militaire du conflit se fit pour le compte d’un autre idéal que celui qui avait animé le premier combat contre les Palestiniens armés. Les Kataëb de Béchir Gemayel furent laissés pour compte. Il y eut rupture dans la mémoire collective et le sacrifice d’une génération demeura non reconnu. Il fut même dénaturé par certains épisodes ultérieurs de la guerre contre les Palestiniens, qui confondirent cette résistance avec les massacres de Sabra et Chatila. Il est normal qu’aujourd’hui, ce sacrifice réclame reconnaissance, réclame sa place dans la mémoire collective. Tant qu’on la lui refusera, la génération qui porte ces souvenirs se considérera exclue de l’histoire, étrangère dans son propre pays. Voilà ce que nous avons vu et senti. Ce conflit non résolu s’ajoute à tous ceux qui alourdissent notre passé et empêchent la conscience nationale libanaise de se former. Il saute aux yeux que la répression policière est la pire réponse qui puisse être apportée à cette revendication, qui est plus historique que politique. C’est, une fois de plus, par la mémoire et non par la censure et l’amnésie que ce conflit peut être résolu. Maintenant que les passions immédiates nées de la présence armée palestinienne sont retombées, il serait utile que les élites libanaises, les jeunes générations, se penchent sur cette période de l’histoire, s’en fassent le récit, la jugent à distance et en établissent le bilan. C’est par un travail de mémoire et d’histoire élargi à tous les Libanais que le Liban parviendra à intégrer cette période de son histoire et à la dépasser.
«Sans Béchir Gemayel, le Liban s’appellerait aujourd’hui Palestine». En une formule lapidaire, Nadim Gemayel a résumé, sur un ton juvénile qui correspond à son âge, un des aspects du conflit irrésolu de la guerre. Nadim Gemayel et ses camarades sont les dépositaires d’un fragment de la mémoire de la guerre, qui cherche sa place dans la mémoire collective des Libanais...