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Actualités - CHRONOLOGIES

JUSTICE - Le président de la Cour de cassation criminelle présente sa démission - Ralph Riachi place le CSM face à ses responsabilités

Déjà mis à rude épreuve par la récente vague d’arrestations et les violations de la loi qui les ont accompagnées, le système judiciaire au Liban vient d’essuyer un nouveau coup, peut-être le plus grave de ces dernières années. Ralph Riachi, président de la Cour de cassation, chambre pénale, et un des magistrats les plus stricts dans l’application de la loi, a présenté hier sa démission au Conseil supérieur de la magistrature, provoquant un véritable séisme parmi les juges. Ce qui pourrait être perçu comme une réaction impulsive est en fait l’expression d’une vive protestation contre des irrégularités de plus en plus flagrantes et une campagne le visant personnellement à la suite de ses arrêts sur l’incompétence du tribunal militaire dans les affaires concernant 75 aounistes et membres des Forces libanaises. Après plus de 20 ans de carrière, dont des nuits passées à rédiger à la main des jugements de plus de cent pages, le magistrat a tiré en quelques lignes un trait sur un passé riche en moments forts et en décisions courageuses, alliant le sens de l’équité à l’application de la loi. Sa lettre de démission froide et impersonnelle, mais qui en dit long sur son amertume, a été déposée hier matin au greffe du CSM, une copie ayant été remise au ministre de la Justice Samir el-Jisr. En trois phrases, Riachi a exposé les motifs et présenté sa démission : «Le tribunal que je préside a été humilié à deux reprises en une semaine. D’abord lorsqu’il a été accusé, dans la presse, de stocker les dossiers et ensuite par le recours présenté contre notre décision sur l’incompétence du tribunal militaire dans les affaires concernant les aounistes et les membres des FL. C’est pourquoi, je vous prie d’accepter ma démission de mes fonctions à la Cour de cassation, à la cour de justice et au conseil supérieur de la magistrature». Abonnés absents... Une décision sans appel, comme sont en principe les jugements de la cour qu’il préside ? Le magistrat Riachi n’a voulu répondre à aucune question, préférant méditer dans le silence et le calme sur l’avenir de sa carrière. Mais au Palais de justice, la nouvelle a provoqué un profond bouleversement, même si certains magistrats cherchent déjà à minimiser l’impact de la décision, l’attribuant au surplus de travail de Riachi depuis son élection par l’Assemblée générale de l’Onu au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. Ceux qui suivent les affaires judiciaires de près s’attendaient toutefois à un coup d’éclat de ce genre. La Cour de cassation criminelle étant compétente pour recevoir les recours contre les décisions du tribunal militaire, Riachi s’est attiré les foudres de certaines autorités en déclarant ce dernier incompétent dans les cas des 75 aounistes et membres des FL récemment condamnés (entre autres) pour adhésion à des associations sans permis légal. Mais il ne pouvait imaginer que le commissaire du gouvernement près le tribunal militaire irait jusqu’à présenter un recours contre cette décision. Ce qui, selon les experts juridiques, constitue une véritable hérésie, les décisions de la Cour de cassation étant sans appel. Au cours de la réunion extraordinaire du CSM samedi dernier, Riachi s’attendait à ce que ce recours soit déclaré irrecevable, mais le CSM a préféré publier un communiqué appelant à la retenue les magistrats et surtout à cesser de divulguer à la presse des informations sur des affaires en cours. Pour ce magistrat très strict et peu loquace, cette décision a eu l’effet d’un camouflet et il a réagi en présentant sa démission, provoquant le désarroi des magistrats. Hier, aucun d’eux n’était joignable, tous préférant éviter de commenter la décision de Riachi. Même le ministre de la Justice ne répondait plus à son téléphone, préférant multiplier les contacts discrets avant d’adopter une décision définitive. Lyan et la confiance dans la justice D’ailleurs, le CSM devrait se réunir rapidement pour étudier la démission. S’il la refuse et que Riachi la maintienne, le problème restera entier, le départ de l’un des plus importants magistrats du pays étant un coup porté à la crédibilité de la justice. Riachi conservera ses fonctions au TPI, mais les tribunaux perdront en lui une belle figure. Le bâtonnier Michel Lyan l’a d’ailleurs lui-même souligné, précisant que Riachi a redonné aux Libanais confiance dans leurs juges et c’est au CSM et au Conseil des ministres de leur rendre leur confiance dans la justice en refusant cette démission. Le bâtonnier de l’Ordre des avocats du Liban-Nord Georges Mourani a abondé dans ce sens, pressant Riachi de revenir sur sa démission. Une hypothèse que certaines sources n’écartaient pas hier, affirmant que Riachi pourrait bien retirer sa démission au cours des prochaines 24 heures. Toutefois, ce quinquagénaire discret, entièrement dévoué à son travail et souvent invisible derrière ses piles de dossiers, a trop souvent lutté pour concilier les dispositions de la loi avec ses convictions. Il peut donc difficilement accepter des compromis. C’était lui qui avait osé déclarer son opposition à la loi de mars 1994 abolissant les circonstances atténuantes dans les cas de peine capitale, et, dans un arrêt célèbre, il avait affirmé qu’il était contraint de condamner le coupable à la peine de mort, bien qu’à ses yeux, il ne la mérite pas. C’était lui aussi qui avait condamné en dernier recours l’employeuse tortionnaire de la petite Fatmé ; lui encore qui essayait toujours d’humaniser autant que possible un droit parfois trop strict. Membre de la cour de justice, Riachi a eu à traiter les dossiers les plus délicats de ces dernières années et membre du Conseil supérieur de la magistrature, il a toujours défendu l’idée d’une justice indépendante. Aujourd’hui, il a refusé de se taire sur ce qu’il considère comme une violation grave de la loi, mais il garde le silence face aux journalistes. Une manière de laisser la porte ouverte aux négociations ? La balle est en tout cas dans le camp du CSM et des autorités. À eux de sauver ce qui reste du prestige de la magistrature.
Déjà mis à rude épreuve par la récente vague d’arrestations et les violations de la loi qui les ont accompagnées, le système judiciaire au Liban vient d’essuyer un nouveau coup, peut-être le plus grave de ces dernières années. Ralph Riachi, président de la Cour de cassation, chambre pénale, et un des magistrats les plus stricts dans l’application de la loi, a...