Émigration - Le sommet de la francophonie va aider les Libanais d’Afrique

Comme le souligne volontiers le ministre de la Culture, M. Ghassan Salamé, le sommet de la francophonie, auquel participent nombre de pays du continent noir, va permettre de mieux soutenir les Libanais d’Afrique. Qui se plaignent tout à la fois d’être une cible facile en cas de troubles et de rester largement ignorés par Beyrouth. Dont l’intérêt est pourtant d’investir dans ce capital (capital) que sont les riches colonies d’expatriés. D’autant que s’ils se sentent mal à l’aise désormais dans leurs pays d’accueil, il vaut mieux leur donner l’envie de rentrer, avec tout leur potentiel, plutôt que d’aller ailleurs entretenir leur fortune. Dans le cadre de la campagne d’appui à ces émigrés qui s’ouvre actuellement, en même temps que la saison de chasse (au trésor) se déroulent de discrets mais intensifs échanges de messages comme de visites. Ainsi, mandaté par un groupe de colonies libanaises installées dans des contrées africaines anglophones aussi bien que francophones, un notable émigré (conseiller spécial d’un président africain) se trouve actuellement au Liban. Porteur d’un volumineux dossier confidentiel qui énumère les différents épisodes de vexations, de rapines, de pillages, de spoliations, de vandalisme, de captures, voire de tueries auxquels les Libanais d’Afrique ont pu être confrontés ces dernières années. Dans leurs entreprises, leurs magasins ou même à domicile. Comme on sait, ils font souvent l’objet d’une chasse aux sorcières, à l’occasion de troubles intérieurs ou même en temps ordinaire. Bien évidemment, les Libanais d’Afrique ne manquent pas de souligner qu’Israël apporte fréquemment son grain de sel à l’oppression qu’ils subissent. Dans l’espoir qu’ils lui laissent le champ libre pour s’emparer des nombreux marchés qu’ils contrôlent plus ou moins. Ces émigrés, et les autorités libanaises, comptent donc sur le sommet de la francophonie pour obtenir de meilleures garanties de protection. Étant entendu d’avance qu’il faudra profiter de l’occasion pour organiser tout un programme de visites officielles ultérieures au plus haut niveau. C’est-à-dire que lors de leur présence à Beyrouth, les chefs d’État ou chefs de délégations africains se verront tous remettre des invitations pour des séjours subséquents à Beyrouth. Cartons que, par courtoisie, ils pourraient difficilement refuser. Comme il leur serait malaisé de ne pas rendre la pareille aux autorités libanaises, tout à fait disposées à les en croire à prendre à tour de rôle leur bâton de pèlerin. Pour aller resserrer des liens plus importants pour nous, tout compte fait, que pour les Africains. Des protocoles, des projets d’accords commerciaux, culturels ou autres sont, dans ce cadre, en cours de préparation à Beyrouth. L’opération comprend également, indiquent des sources informées, un volet visant à contrer l’agit-prop israélienne. Car dernièrement, l’État hébreu a organisé un tour en Galilée pour différents dirigeants cadres africains. Afin de leur montrer à la jumelle, affirment les sources citées, les villas construites au Liban-Sud grâce aux fonds envoyés par les émigrés libanais. Et de leur dire en quelque sorte : «Voyez, c’est là, dans ce territoire qui est sous la coupe du Hezbollah, qu’aboutissent vos ressources. Alors que nous autres Israéliens nous sommes prêts à investir chez vous plutôt que de vous prendre vos sous». Dès lors, on l’aura compris, les autorités locales et les émigrés concernés ont l’intention, avec le concours éventuel des pays arabes producteurs de pétrole, de proposer aux Africains tout un assortiment de projets pouvant leur être profitables. Afin qu’en retour, ils promettent de veiller à l’arrêt du cycle de persécutions frappant les Libanais et leurs intérêts. Dans cette perspective d’offres précises, le président de l’Association des industriels, M. Jacques Sarraf, a fait récemment la tournée des ministres des Affaires étrangères, de l’Économie, du Commerce et de la Culture. Pour suggérer l’envoi d’une importante délégation panachée, comprenant des officiels et des hommes d’affaires. Cette délégation visiterait successivement, et prochainement, le Nigeria, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Libéria et d’autres pays. Bien entendu, les industriels libanais pensent qu’en ce qui concerne leur créneau propre, un renforcement des liens avec l’Afrique comme avec nos émigrés se répercuterait par un accroissement du volume des exportations de produits libanais en direction des pays d’accueil. Les industriels ont d’ailleurs initié une véritable stratégie d’expansion ces dernières années. En relançant avec insistance des points de chute (et de vente) jusque-là négligés, comme l’Irak, le Yémen, la Libye et le Soudan. Selon M. Sarraf, un tel effort a donné des résultats nettement positifs puisqu’il a permis de relever de 12 points le taux des exportations libanaises au premier semestre de l’année en cours. Dans ce cadre, l’association invite ses membres à profiter du sommet de la francophonie pour organiser une foire de présentation de leurs produits. Tandis qu’un bureau spécialisé se chargerait de détailler aux hommes d’affaires africains les possibilités d’investissement dans ce pays. Notamment dans les domaines de production, comme l’industrie ou l’agroalimentaire. Pour en revenir aux émigrés, ils se plaignent qu’il n’y ait pas en Afrique assez d’ambassades ou de consulats libanais. Ils affirment que si l’État doit faire des économies, encore faut-il qu’il comprenne que dans certains cas dépenser équivaut à investir. En aidant les émigrés, en leur facilitant la vie, on les encourage en définitive à rendre à la mère-patrie la monnaie de sa pièce. Et cela compte.