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Actualités - OPINIONS

Et quand bien même... -

«Je hais vos idées, mais je me ferais tuer pour que vous ayez le droit de les exprimer». Voltaire Michel Rocard est à redécouvrir d’urgence. Un ancien Premier ministre français, un homme grand, un grand démocrate. Il dit : «Je suis convaincu qu’il est impossible de faire de la bonne politique sans une éthique forte. Mais en tenant compte de la guérilla permanente du monde politique. L’angélisme, on n’en a rien à foutre. Nous sommes dans la société des hommes et le Créateur s’est pris les pieds dans le tapis : la bête est imparfaite». Au Liban, ici et maintenant, c’est l’union sacrée. Pour que survive le pays, et surtout son économie. Pour qu’au sein de celle-ci, on puisse remettre «de l’ordre». Impératif si l’on veut Paris II – l’ambassadeur de France dixit. Qui dit union sacrée dit grand rassemblement, évidemment conjoncturel, des pôles politiques libanais dits décisionnaires qu’habituellement tout oppose ou presque. Et qui dit union sacrée dit aussi : grand oubli. On oublie, momentanément, tout le reste, on remet dans la poche les autres dossiers, on ravale ses couleuvres, on ajourne au risque de voir se répéter encore, bien plus gravement, les dérives des jours noirs pas si lointains que ça, et l’on se concentre. Sur le dossier économique cela s’entend, sur «la survie du Liban». Soit. C’est une façon de faire. Même si l’on est en droit de se demander dans quelle mesure il est possible de gérer et de mener à bien l’économie en laissant, «pour l’instant», le politique au fond du vestiaire. Ou au bon plaisir, au bon vouloir, des décideurs, quels qu’ils soient. Et c’est là que vient la belle surprise. Au moment où l’on s’y attendait le moins, elle vient du président de la République, en personne. Deux jours après que l’on eut eu vent, détournée de son contexte ou pas, de cette phrase qui, effectivement, peut se prêter à toutes les interprétations – des plus porteuses d’espoirs aux pires : «Le Liban est un pays du tiers-monde, il ne faut donc pas toucher à son armée». Quarante-huit heures plus tard, et trois jours durant, Émile Lahoud – qui a reconnu la nécessité, en accord avec Rafic Hariri, d’accélérer l’accouchement du budget 2002 – niera catégoriquement les rumeurs autour de la volonté de certains de voir mis sur pied un cabinet militaire. Rappelant par là la volonté de Baabda comme de Koraytem – les deux composantes d’un Exécutif bicéphale dont on ne connaît que trop bien les rapports souvent conflictuels, les prises de bec, les coups donnés bas tant par l’une que par l’autre, les caprices de l’une comme de l’autre – de rétablir «le climat de confiance». Et mardi, le chef de l’État a été bien plus loin. Tout en confirmant les sanctions prises, certes en famille, au sein de l’armée à la suite des rafles et de la ratonnade du 9 août dernier, il a exprimé clairement son souci de «préserver les droits de la communauté maronite», chrétienne donc. Et qu’il était le président de tous les Libanais. Enfin... Parce que d’aucuns le lui avaient, et à maintes fois, reproché au chef de l’État : de ne pas être, justement, le président de tous les Libanais. De ne pas avoir vu, ou voulu voir, à quel point les chrétiens, à tort ou à raison, souffrent d’injustice(s) – terrible chose que cette injustice, le sentiment d’être lésés et qui les pousse, trop souvent, vers les extrêmes, qui les pousse au départ. Reproché au chef de l’État de ne pas avoir vu à quel point les Libanais – et notamment les chrétiens – avaient envie, besoin, d’être regardés, écoutés, aimés et surtout, pris en compte. Après toutes leurs divisions, leurs années noires pas encore terminées, et malgré la trempe, le calibre, la présence, le courage, la véracité et la justesse de Nasrallah Sfeir, de ses évêques et de leurs communiqués, ils ont besoin, plus que jamais en ces temps de vaches (politiques) maigres, d’un leader «politique». Et quoi de plus naturel que le locataire de Baabda, à défaut d’être le premier de ces leaders-là, en soit l’un des principaux... Nous voilà justement, et de plain-pied, jusqu’au fond de cette constante politique mondiale qui trouve au Liban, aujourd’hui plus particulièrement, sa pleine résonance : être le président de tous ses concitoyens. Est-il d’ailleurs nécessaire de rajouter ici que si le n°1 de l’État n’avait été que le leader de sa communauté, les Libanais en général, les chrétiens en particulier, auraient redoublé la virulence de leurs reproches. Révulsés qu’ils sont de voir d’autres de leurs grands dirigeants principalement préoccupés soit par leur survie politique au sein de leur communauté – avec tout ce que cela implique comme dérives –, soit par le bon suivi, la fructification, d’une OPA lancée par eux sur la quasi-totalité d’une autre des nombreuses communautés libanaises. Enfin, comment ne pas inscrire tout cela dans l’histoire, une histoire qui se répète à satiété et qui veut que tout président de la République ne trouve grâce aux yeux de son «clan» naturel – et vice versa – qu’aux dernières étapes de son mandat ? Quoi qu’il en soit, il est évident que le chef de l’État a accumulé récemment, concernant quelques sujets, les preuves de sa bonne volonté. Et même si les Libanais sont tout naturellement enclins à contester la validité, la légitimité, l’utilité surtout des sanctions «secrètes», il n’en reste pas moins que c’est des deux mains qu’ils applaudissent le reste des déclarations présidentielles. Parce qu’ils ont eu horreur, pour les avoir vécus souvent dans leur chair, les procès d’intention en tous genres. Et il est indiscutable que les Libanais ont envie de tendre la main en direction du président de la République. Pourvu et à condition que ses mots soient suivis par des actes. Tant il est vrai que pour être validé – pour devenir ce à quoi il est sans aucun doute destiné : remettre le Liban et ses habitants sur la voie du meilleur – le premier pas présidentiel a besoin d’une (et ce ne devra être qu’un début) décision politique concrète, forte, et qui vienne combler les attentes d’une grande, très grande partie des Libanais. Une décision – et l’embarras du choix est impressionnant, à commencer par l’hégémonie syrienne (le dernier communiqué des évêques et celui du Forum démocratique devraient d’ailleurs inspirer tous les responsables), le dossier des libertés et de la démocratie, l’économie, etc – qui devra cette fois, être prise à haute voix. Le Liban, plus que jamais, a besoin de ses femmes et de ses hommes de bonne volonté. Et les Libanais n’aspirent qu’à suivre. À la seule et unique condition qu’on cesse de les occulter, qu’on les prenne en compte. En fait : qu’on les voit, qu’on les regarde, qu’on les entende et qu’on les écoute. Il n’est, souvent, jamais trop tard.
«Je hais vos idées, mais je me ferais tuer pour que vous ayez le droit de les exprimer». Voltaire Michel Rocard est à redécouvrir d’urgence. Un ancien Premier ministre français, un homme grand, un grand démocrate. Il dit : «Je suis convaincu qu’il est impossible de faire de la bonne politique sans une éthique forte. Mais en tenant compte de la guérilla permanente du...