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Actualités - INTERVIEWS

Entretien - Les membres de Kornet Chehwane cette semaine chez Lahoud - Farès Soueid : Les responsables veulent continuer à contrôler les communautés

C’est en principe jeudi que les membres du Rassemblement de Kornet Chehwane seront reçus par le président de la République, dans le cadre d’une amorce de dialogue visant à enrayer les séquelles des derniers événements. Pour les uns, il s’agit d’une capitulation, une façon de rentrer dans le rang et pour d’autres, au contraire, il s’agira de présenter une liste de revendications, l’entrevue avec le président ou avec tout autre responsable n’équivalant nullement à un blanc-seing. Le Dr Farès Soueid, nouveau venu dans la politique mais qui parle avec l’habileté d’un vieux routier, fait partie de ceux qui refusent le compromis. Selon lui, Lahoud et Hariri sont les deux faces d’une même monnaie et ce qu’il faut au Liban, c’est un congrès national réunissant les responsables, le peuple ayant déjà trouvé le chemin de l’unité et de la réconciliation. L’hôpital fondé par son père Antoine et dans lequel il a établi son quartier général est ouvert à tous : les gens entrent et sortent le plus souvent sans rendez-vous et le cardiologue trouve le temps de voir tout le monde. Quelques journalistes parviennent à se glisser entre patients et solliciteurs et le médecin change alors de registre. Sans élever le ton, il s’exprime avec fermeté et un souci du détail. Pour lui, le Rassemblement de Kornet Chehwane n’est nullement menacé d’éclatement, les rumeurs sur des divisions en son sein étant, à son avis, distillées par les services de renseignements. Le jeune homme, qui rappelle sans ostentation n’avoir pas participé à la guerre et n’être rentré au Liban qu’en 1990, n’en tient pas moins un discours plutôt violent. À ses yeux, Lahoud et Hariri sont les deux faces d’une même monnaie. Avec le président de la Chambre, ils sont passés maîtres dans l’art de violer la Constitution, dans le but de maintenir les communautés divisées afin que chacune d’elles se cherche un protecteur auprès de l’un d’eux de préférence. Traduire politiquement les options du patriarche Dans ce cas, pourquoi solliciter des rendez-vous avec ces responsables ? Parce qu’un dialogue est toujours utile, «mais nous continuerons à nous opposer à toute tentative de détourner la loi pour consolider des positions politiques internes et les responsables finiront bien un jour par se rallier à nos positions». Selon le Dr Soueid, le Rassemblement de Kornet Chehwane n’est dirigé contre personne et surtout pas contre le président de la République. Il s’est formé en avril 2001, avec la publication de son premier communiqué, et il représente un regroupement chrétien au sein duquel de nombreuses personnalités indépendantes et représentatives de la société cherchent à établir une collaboration commune dans le sens de la politique du patriarche maronite lancée à travers le communiqué des évêques de septembre 2000. Il s’agissait donc d’exprimer en termes politiques les volontés du patriarche et de représenter une ligne de défense politique. «Contrairement aux regroupements chrétiens de la guerre, précise le député, le communiqué de Kornet Chehwane exprime une volonté d’ouverture aux autres communautés et une volonté de découvrir des espaces communs interlibanais sur les problèmes épineux, tels que la normalisation des relations avec la Syrie, le déploiement de l’armée au Sud, la participation à l’émergence d’une voix arabe en faveur de la paix et le soutien au peuple palestinien dans son intifada et dans la revendication de la création d’un État palestinien souverain ayant Jérusalem pour capitale». Tentatives de «phagocytage» Le Dr Soueid nie catégoriquement l’existence de dissensions au sein du Rassemblement entre proches du chef de l’État et proches du président du Conseil. Selon lui, le Rassemblement a provoqué trois sortes de réactions : «En milieu chrétien, beaucoup auraient préféré la création d’un nouveau Front libanais qui rétablirait les frontières entre les communautés en ayant des sensibilités exclusivement chrétiennes. En milieu musulman, c’était une façon de combler le vide sur la scène politique. Au niveau du pouvoir, aussi bien le chef de l’État que le Premier ministre ont essayé de phagocyter le regroupement, sous des prétextes différents, le premier en essayant de renflouer ses assises politiques et le second en se présentant comme le défenseur des libertés, alors que de 1993 à 1998, ses prestations en ce domaine laissaient à désirer…». En somme, pour lui, le problème n’est nullement dans les sensibilités personnelles ou dans les conflits communautaires, «il est dans l’application de la loi et le respect de la Constitution». C’est d’ailleurs ce que comptent réclamer les membres du Rassemblement – qui comptent être tous présents au rendez-vous – au président de la République. Selon certaines sources, Joumblatt avait réclamé la révocation des ministres Murr et Hraoui et de certains responsables de la sécurité ainsi que la comparution des inculpés devant des tribunaux civils. Comptent-ils reprendre les mêmes revendications ? «Nous demanderons avant tout que la loi soit le seul facteur qui gère les relations entre les responsables. En second lieu, nous demanderons que l’État tienne compte des aspirations de la société libanaise à une normalisation des relations avec la Syrie, conformément aux dispositions de l’accord de Taëf. Troisièmement, nous demanderons que l’union nationale, à l’image de ce qui s’est passé récemment dans la montagne, se généralise, afin que les communautés cessent de vivre séparément leurs angoisses…». Le dossier de Hindi est vierge Le Dr Soueid reconnaît que la tâche n’est pas facile car depuis que Kornet Chehwane a été créé, l’État cherche à le démanteler. Selon lui, c’est dans ce cadre que s’inscrivent les poursuites engagées contre le Dr Toufic Hindi. «Jusqu’à maintenant, son dossier est vierge. Et ce n’est pas moi qui le dis, mais l’Ordre des avocats qui a considéré que les enquêtes préliminaires n’étaient pas légales. On a commencé par parler d’un complot pour diviser le pays et réintroduire le facteur israélien sur la scène chrétienne et cela se termine avec un journaliste israélien, commerçant à ses heures perdues ! Ce qui s’est passé est une honte, surtout qu’on a essayé de faire croire que la communauté chrétienne revenait à ses anciens paris». Accuser deux ou trois personnes ne signifie-t-il pas que l’on s’en prend à toute la communauté ? «Si, parce que le commissaire du gouvernement près le tribunal militaire a accusé le Dr Hindi de vouloir former un groupe politique réclamant le départ des Syriens, sur l’instigation des Israéliens, et comme par hasard, Toufic est membre de Kornet Chehwane». Est-ce vrai que Gebrane Tuéni aurait soumis aux membres du Rassemblement un projet élaboré par le ministre Murr pour réglementer la relation avec le chef de l’État ? «J’ai assisté à toutes les réunions et je n’ai rien entendu de tel. Je doute que cela ait pu se passer à mon insu». Que reste-t-il de Kornet Chehwane après le départ des aounistes et des FL ? «Dès le début, les aounistes n’ont pas signé le communiqué, ayant émis des réserves sur Taëf, qui constitue pour nous la planche de salut. Pour les signataires du communiqué de Kornet Chehwane, tout compromis en dehors de cet accord est un saut dans le vide. Quant aux FL, elles font encore partie du Rassemblement». Pourquoi a-t-on parlé de lever son immunité parlementaire ? «Je l’ignore. C’est Walid Joumblatt qui en a parlé à la Chambre. Mais je n’en sais pas plus et d’ailleurs, cela ne m’intéresse pas». Que faut-il attendre des prochains entretiens avec les responsables ? «À mon avis, ils vont nous faire des propositions, Lahoud va revenir à la rhétorique communautaire et Hariri se présentera comme le défenseur des libertés. Le plus important pour nous est de poursuivre le dialogue avec les autres communautés, à l’instar de ce qui s’est passé au cours du week-end à Laqlouq, qui a porté sur le fond et non sur la recherche de protecteurs». Les membres du Rassemblement se proposent-ils de reprendre à leur compte les revendications de Joumblatt ? «Nous n’avons pas eu de contact avec lui depuis sa dernière visite à Baabda. De toute façon, nous ne voulons pas faire office de boîte postale. Nous demanderons la libération de tous les détenus politiques, la transparence totale dans les enquêtes judiciaires et le châtiment des coupables des exactions. Avec Joumblatt et avec le Forum démocratique, nous voulons créer une assise intercommunautaire qui puisse reprendre nos revendications communes. D’ailleurs, à mon avis, chaque fois que les Libanais essaient de s’unir, on cherche à briser cet élan. Mais ces tentatives ne nous décourageront pas et je peux vous assurer que Kornet Chehwane fera éclater le système avant d’éclater…».
C’est en principe jeudi que les membres du Rassemblement de Kornet Chehwane seront reçus par le président de la République, dans le cadre d’une amorce de dialogue visant à enrayer les séquelles des derniers événements. Pour les uns, il s’agit d’une capitulation, une façon de rentrer dans le rang et pour d’autres, au contraire, il s’agira de présenter une liste de...