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Actualités - CHRONOLOGIES

Libertés - Le domicile du secrétaire de rédaction d’« al-Hayat » minutieusement fouillé - Le journaliste Habib Younès, après Antoine Bassil, arrêté samedi

Après les avocats, les ingénieurs et les enseignants, les services de renseignements s’en prennent aux journalistes. Arrêtés, ils sont directement emmenés au ministère de la Défense. Leurs domiciles sont perquisitionnés. Et, comme dans certains pays qui craignent les ombres d’opposants politiques, leurs livres, leurs blocs-notes personnels, leurs archives, leurs répertoires téléphoniques, voire leurs ordinateurs sont minutieusement fouillés. Samedi soir, Habib Younès, secrétaire de rédaction du bureau du quotidien al-Hayat à Beyrouth, a été conduit de sa maison de Mastita (Jbeil) au ministère de la Défense. Younès n’est pas le premier journaliste arrêté depuis le début des rafles entamées le 7 août. Jeudi dernier, le correspondant de la radio MBC, Antoine Bassil, qui a été déféré hier devant le tribunal militaire, a été embarqué par les services de renseignements de son domicile de Ballouné (Kesrouan). Younès pourrait être déféré aujourd’hui devant le tribunal militaire. Et c’est au tribunal militaire que le conseil du syndicat des journalistes, les familles de Younès et de Bassil et leurs avocats se rendront aujourd’hui «pour réclamer la liberté immédiate des deux journalistes», a indiqué à L’Orient-Le Jour le président du syndicat des journalistes Melhem Karam. Réitérant ses propos de vendredi dernier, le président du syndicat a réaffirmé la position du conseil : «La riposte sera violente et sans précédent, afin que plus personne n’ose accabler un journaliste de telles accusations s’il ne possède pas des preuves solides». La première raison invoquée par le général Raymond Azar, directeur des services de renseignements, quand il a téléphoné au président du syndicat pour l’informer de l’arrestation de Younès, était que le journaliste «devait se rendre dimanche (hier) à Chypre afin de rencontrer Oded Zaray, conseiller de presse d’Uri Lubrani». Karam a vérifié l’information – erronée – auprès d’al-Hayat : Younès devait assurer une permanence de douze heures tout au long de la journée d’hier dimanche au bureau du quotidien à Beyrouth. Dans son édition de dimanche, al-Hayat publie les résultats des contacts effectués auprès des autorités concernées, rapportant que «le nom du secrétaire de rédaction du quotidien a été cité dans l’enquête menée auprès du journaliste Antoine Bassil. Ce dernier devait lui organiser une rencontre avec Zaray dimanche (hier), à Chypre». « On l’emmène pour écrire quelques articles » C’est à 20 heures hier que deux hommes habillés en civil ont fait irruption dans la maison de Habib Younès à Mastita. Le journaliste, qui était en pyjama, venait de quitter son appartement pour se rendre, un étage plus bas, chez ses parents malades. L’immeuble était surveillé depuis plusieurs heures. Mireille, son épouse, également journaliste à al-Hayat, l’appelle. Le secrétaire de rédaction du quotidien arabe remonte chez lui. Il n’a même pas le temps de s’habiller. L’un des hommes en civil lui dit : «Ce n’est même pas la peine de te changer, on veut juste te poser quelques questions au poste de Fidar. Tu seras bientôt de retour». Lynn, 5 ans, la fille unique du couple, se met à pleurer : «Ils vont emmener papa en prison». L’homme habillé en civil est rassurant. Il dit à la fillette : «Pas du tout, ton père va nous écrire quelques articles». Le conducteur du véhicule qui emmène Habib Younès s’arrête quelques minutes à Fidar, pour se diriger ensuite vers Yarzé. Hier matin, les services de renseignements ont perquisitionné au domicile de Younès. Ils ont fouillé la bibliothèque, les livres et les notes (même les plus personnelles) du journaliste. Des archives, dans l’une des pièces de la maison, dont des journaux et des magazines et qui datent des années soixante-dix, ont été fouillées. Les enquêteurs ont emporté le passeport du journaliste, un article sur les ruines phéniciennes de Beyrouth, un autre, datant de 1983, découpé dans l’ancien quotidien al-Amal, tous ses répertoires téléphoniques, l’un des bulletins hebdomadaires du général Michel Aoun, et un ticket aller-retour Jounieh-Larnaca-Jounieh, à bord d’un bateau de plaisance, datant de 1987… «Nous avions pris quatre jours de vacances», indique Mireille, en soulignant que son époux ne jette jamais ses cartes d’embarquement. Il les garde en souvenir. La dernière fois qu’il avait quitté le Liban, c’était en avril dernier, pour se rendre à Chypre afin de participer à une émission télévisée d’une chaîne arabe. «Il ne faut pas aimer le Liban car mon mari a été arrêté à cause de tout l’amour qu’il porte à son pays», lance l’épouse du journaliste. Avant de commencer à travailler pour al-Hayat à la fin des années quatre-vingt, Younès était journaliste au quotidien al-Amal puis à l’hebdomadaire al-Massira. Le domicile d’Antoine Bassil, arrêté jeudi dernier, a été perquisitionné à deux reprises : le jour de son arrestation, puis le lendemain. Jeudi matin, quelques instants après que son épouse Reine, accompagnée de leurs deux enfants Nancy (13 ans) et Serge (11 ans) aient quitté la maison, quatre hommes en civil ont frappé à la porte de l’appartement situé à Ballouné. Vers 11 heures, la voisine de Bassil, qui arrosait ses géraniums, voit des inconnus embarquer le journaliste à bord d’une voiture de marque japonaise. Des livres politiques confisqués À son retour, Reine retrouve la voiture de son époux stationnée devant l’immeuble. Son téléphone portable était dans l’une des pièces de l’appartement. «Il doit être au jardin ou bien il a été à pied à la librairie pour acheter le journal», se dit-elle. Quelques minutes plus tard, la voisine frappe à la porte pour rapporter ce qu’elle avait vu : «Ton époux a été enlevé», lui raconte-t-elle. Ce n’est que quelques heures plus tard que Reine retrouve un bout de papier écrit par Antoine sur la chiffonnière de la chambre à coucher : «Les services de renseignements m’ont arrêté». Le jour même, les SR se rendent encore une fois à Ballouné. Tout est minutieusement fouillé. Les agents emportent avec eux des disquettes souples, l’ordinateur portable, le disque dur de l’ordinateur familial, des notes prises par le journaliste dont certaines datent des années quatre-vingt et des livres sur Israël. Le numéro de compte bancaire du couple est également relevé. Le lendemain, les SR reviennent pour emporter le passeport – qu’ils avaient examiné page par page la veille – du journaliste. Vendredi, Reine réussit à faire parvenir au ministère de la Défense les médicaments de son mari. Bassil souffre de calculs aux reins. L’épouse du journaliste, qui s’est rendue à Dimane pour voir le patriarche, tient à remercier le président du syndicat des journalistes «pour son attitude et pour son implication personnelle depuis qu’Antoine a été arrêté et emmené au ministère de la Défense». «Mon mari est innocent, il n’a jamais été affilié à un parti. Il est tout simplement journaliste», dit-elle. Avant de devenir le correspondant pour le Liban et pour Chypre de la radio MBC, qui émet à partir de Londres, Bassil a travaillé au cours des années soixante-dix au quotidien al-Amal. Jusqu’en 1989, il était le correspondant au Liban de la CBN (Christian Broadcasting Network) qui avait un bureau à Jounieh. Antoine Bassil et Habib Younès ont été emmenés de leurs domiciles sans mandat d’arrêt. Leurs maisons ont été perquisitionnées. Leurs bibliothèques et archives fouillées. Leurs passeports confisqués. Jusqu’à preuve du contraire, Bassil et Younès sont uniquement et simplement journalistes. Certes, le métier est dangereux en temps de guerre. En temps de paix, peut-il être aussi dangereux ?…
Après les avocats, les ingénieurs et les enseignants, les services de renseignements s’en prennent aux journalistes. Arrêtés, ils sont directement emmenés au ministère de la Défense. Leurs domiciles sont perquisitionnés. Et, comme dans certains pays qui craignent les ombres d’opposants politiques, leurs livres, leurs blocs-notes personnels, leurs archives, leurs...