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Actualités - CHRONOLOGIES

FESTIVAL - « Kronos Quartet » dans la cour intérieure du palais de Beiteddine, vendredi et samedi derniers - Combats de bruits

Décidément, le Liban est un pays où l’on ne s’ennuie pas. En effet, il y a deux petites semaines, le patriarche maronite Sfeir annonçait sa visite historique au Chouf, avec pour point de ralliement le patriarcat de Beiteddine. Autrement dit à quelques lacets du palais de l’émir Béchir, dans lequel se déroule, depuis le début du mois de juillet, le festival animé par des stars internationales et locales. Vendredi soir, quand la foule et les cheikhs de la région ont envahi la route pour acclamer et accueillir le prélat maronite, le comité organisateur a vu la chose d’un œil inquiet, évidemment. Quant aux spectateurs, ils se sont répartis en trois groupes : les inconditionnels prévoyants, arrivés à destination un bon moment avant l’heure prévue (une poignée); les curieux retardataires, bloqués sur la route (cinq poignées); les tièdes et les agnostiques enfin, découragés par les images diffusées en direct à la télévision, et qui ont préféré faire autre chose, quitte à perdre leurs billets (la majorité). Bref, à 21h20, le Kronos Quartet, en montant sur scène, a été applaudi par 200 amateurs de musique contemporaine emmitouflés dans des pulls et des écharpes pour se prémunir contre un brouillard épais et bas, et qui ont apprécié la tournure pour le moins intime que prenait la soirée. Changement de programme Les quatre musiciens, menés d’une main de maître (et de fer) par David Harrington, violoniste et fondateur de l’ensemble en 1973, ont fait preuve d’une patience et d’une tolérance assez impressionnantes, teintées, le premier soir, d’un humour efficace : à peine le concert commencé, le patriarche est arrivé à Beiteddine, précédé, entouré et suivi d’un cortège de sirènes, de cloches, de feux d’artifice et de haut-parleurs enthousiastes. David Harrington a alors annoncé un léger changement dans le programme pour «faire autant de bruit». Le Potassium du compositeur contemporain américain Michael Gordon a tenu ses promesses. Deuxième imprévu : un court entracte de 10 minutes au cours duquel le violoniste a échangé quelques mots avec l’ingénieur du son pour adapter la balance à un environnement sonore que toutes les arcades de la cour (dont la délicate beauté souffre d’un éclairage violemment multicolore) n’arrivaient pas à maîtriser. Et pendant la soirée du lendemain samedi, le musicien a évoqué le plaisir que prenaient les compositeurs de son pays à s’entourer de sons nouveaux pour agrémenter leurs œuvres : «C’est ce que nous essayons de faire, nous aussi, ici». Une façon élégante de désamorcer le côté étrange de la situation. Voilà pour la petite histoire, celle du festival, et pour la grande, celle des balbutiements de l’unité nationale. Préférences personnelles Kronos Quartet a offert deux programmes très «world» où les origines des 17 compositeurs choisis étaient très présentes dans l’écriture musicale, ce qui pouvait donner parfois une impression de «déjà entendu». Et comme le constatait lucidement un musicien libanais dans le public, la plupart de ces partitions ne marqueront pas à tout jamais l’histoire de la musique contemporaine. Cependant, une préférence personnelle est allée aux créateurs américains, certains confirmés comme Steve Reich – qui a écrit pour Kronos un magnifique Triple Quartet joué en final de la première soirée- ou John Cage, d’autres à suivre comme Michael Gordon précédemment cité, Jack Body – qui a rapporté de Chine une très belle pièce intitulée Long-ge – et Terry Riley, qui a écrit pas moins de 13 pièces pour le quatuor américain, dont Sunrise of the Planetary Dream Collector, jouée le second soir et écrite en 1979. Quant au Chinois P.Q. Phan, il a écrit pour Kronos une pièce intéressante, qui inclut des sons gutturaux et des percussions extrême-orientales émis et joués par le quatuor, donnant un bon exemple de son immense flexibilité : les deux extraits d’An Duong Vuong : Submersion in Trust and Betrayal sont d’authentiques créations expérimentales. Sans oublier Ecstacy, le second mouvement d’une suite écrite par le oudiste libanais Jihad Racy, venu des États-Unis pour l’occasion et Oasis de l’Azerbaïdji Franghiz Ali Zadeh. Ce qui est sûr, c’est que les vaillants auditeurs de ces soirées à haute turbulence ne se seront pas déplacés sans récolter le fruit de leurs efforts et que chacun d’entre eux a quitté Beiteddine avec une préférence ou une découverte musicale forte. Avec un peu de chance et un vent orienté dans la bonne direction, le président de la République et le patriarche maronite aussi.
Décidément, le Liban est un pays où l’on ne s’ennuie pas. En effet, il y a deux petites semaines, le patriarche maronite Sfeir annonçait sa visite historique au Chouf, avec pour point de ralliement le patriarcat de Beiteddine. Autrement dit à quelques lacets du palais de l’émir Béchir, dans lequel se déroule, depuis le début du mois de juillet, le festival animé par des...