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Actualités - REPORTAGES

Le Conseil administratif du Mont-Liban balayé par les vents de la division -

Le Conseil administratif du Mont-Liban avait, à plusieurs reprises, revendiqué et voté à l’unanimité la formation d’un Grand-Liban indépendant sous la protection de la France, et notamment le 22 mars 1920, pour protester contre la proclamation de l’émir Fayçal comme roi de Syrie. Cependant quatre mois après, le 10 juillet, un revirement s’opère auprès de sept membres du Conseil administratif : Khalil Akl, Saadallah Hoyek, Soleiman Kanaan, Élias Chouéri, Fouad Abdel-Malek, Mahmoud Joumblatt et Mohammed Husseini. Ces représentants justifient leur nouvelle attitude par les raisons suivantes : ils craignent que Beyrouth, Tripoli et Saïda ne fassent pas partie du Grand-Liban, estiment nécessaire une entente économique avec le gouvernement de Damas et sont irrités par la lenteur que met la France à statuer définitivement sur le sort du Liban. Leurs doléances sont exposées dans un mémorandum qui demande : 1) – l’indépendance complète et absolue du Liban ; 2) – sa neutralité politique ; 3) – la restitution des «territoires qui en ont été détachés» et cela par un accord conclu entre les gouvernements syrien et libanais ; 4) – la constitution d’un comité chargé de résoudre les questions économiques communes de la Syrie et du Liban ; 5) – la formation d’une délégation libano-syrienne qui se rendrait auprès des puissances pour faire prévaloir des revendications élaborées en dehors de toute contrainte et de toute influence étrangère. Les sept signataires de ce mémorandum constituent une majorité au sein du Conseil administratif composé de treize membres ; ils déclarent par conséquent représenter l’opinion du peuple libanais. Ils seraient prêts à se rendre s’il le faut à la conférence de la paix, où le sort du Liban n’est pas encore nettement défini. Le 10 juillet 1920, les autorités militaires françaises arrêtent à Sofar les membres du Conseil administratif qui comptaient se rendre clandestinement à Damas. Le général Gouraud estime que : «Leur but était de prêter hommage à l’émir Fayçal disposé à reconnaître le Grand-Liban pourvu que le mandat de la France soit répudié… Avec l’émir Fayçal sans doute, les conseillers devaient s’embarquer à Caïffa pour l’Europe après avoir télégraphié à Mgr Khoury que sa mission était terminée, puis venir présenter à la conférence leur demande de reconnaissance d’un Grand-Liban incorporé dans la Syrie dont l’émir Fayçal serait le roi». Cette démarche pro-fayçalienne suscite dans le même temps de vives réactions. Antoun Gemayel, président de «l’Alliance libanaise» du Caire explique qu’il respecte l’idéologie de conseillers pro-chérifiens, mais réprouverait leur attitude au cas où ils auraient été soudoyés : «S’ils ont reçu de l’argent pour aliéner l’indépendance du Liban en faveur de l’émir, nous, Alliance, nous les considérons aussi traîtres que ceux qui veulent aliéner notre indépendance pour la France». Or, précisément, une enquête révèle que ces membres du Conseil administratif ont été approchés par le gouvernement chérifien. Le général Gouraud précise : «Il a été attribué aux conseillers et de source chérifienne une allocation de 40 000 livres égyptiennes sur laquelle un acompte de 1 500 a été payé d’avance». Le père Sarloutte écrit de son côté à Mgr Abdallah Khoury, alors à Paris : «Des patriotes à rebours empochaient la grosse somme chez Fayçal, pour lui livrer le Liban. Sept membres du Conseil administratif, dont Saadallah bey (de suite désavoué par le patriarche) avaient résolu de vous évincer à Paris et de donner le Liban aux Arabes…». Habib Pacha el-Saad, en tant que président du Conseil administratif du Mont-Liban et au nom des quatre autres membres n’ayant pas fait partie du mouvement fayçalien (à savoir Daoud bey Ammoun, Nicolas Ghosn, Abdel-Halim Hajjar et Mohammed Sabra) s’adresse le 12 juillet 1920 à P. Deschanel, président de la République française : «Le président du Conseil administratif du Liban et les conseillers administratifs flétrissent la conduite de ceux de leurs collègues qui, sans aucun mandat et oubliant les traditions de leurs ancêtres, les aspirations des populations qu’ils représentent ont trahi leur pays en tentant de le vendre et de le jeter entre les bras du chef ennemi irréductible de la nation libanaise. Ils expriment leur attachement et leur amour indéfectibles à la France». Des messages de protestations contre le mouvement pro-chérifien, accompagnés de déclarations d’attachement à la France, sont envoyés notamment par le patriarche maronite E.P. Hoyek, par Mgr I. Mobarak, archevêque maronite de Beyrouth, par Nassib pacha Joumblatt au nom des druzes du Liban et par le «Comité du groupement chrétien» de Beyrouth. Les sept membres du Conseil administratif arrêtés, poursuivis non pour crime politique mais pour corruption de fonctionnaires, sont condamnés à la dégradation civique. Ils sont exilés en Corse en septembre 1920 et pénalisés sous forme de restitutions et d’amendes. Deux jours après leur arrestation, soit le 12 juillet 1920, le général Gouraud dissout le Conseil administratif par l’arrêté 273 : «Attendu que l’accusation qui pèse actuellement sur certains membres du Conseil administratif ne leur permet pas de remplir leur fonction et que par suite le quorum dans les délibérations du Conseil ne peut plus être atteint…». «Le Conseil administratif du Liban, dans l’impossibilité d’exercer son mandat, est dissous». «En attendant que le statut politique du Grand-Liban soit défini et qu’on puisse procéder aux élections générales, une commission administrative provisoire remplacera le Conseil administratif et aura les mêmes attributions». «Les membres de cette commission seront désignés ultérieurement». « Daoud Ammoun et la création de l’État libanais »
Le Conseil administratif du Mont-Liban avait, à plusieurs reprises, revendiqué et voté à l’unanimité la formation d’un Grand-Liban indépendant sous la protection de la France, et notamment le 22 mars 1920, pour protester contre la proclamation de l’émir Fayçal comme roi de Syrie. Cependant quatre mois après, le 10 juillet, un revirement s’opère auprès de sept membres...