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Actualités - REPORTAGES

L’engagement du peuple libanais

Le régime de l’émirat ayant cessé d’exister au mois de novembre 1841, la succession administrative des émirs échoit aux gouverneurs du régime de 1861. Mais dès la chute de Béchir, le peuple libanais a atteint un degré remarquable de conscience nationale, comme en témoignent les documents relatifs à la révolution déclenchée contre les alliances de l’émir. Cette évolution de la conscience nationale va permettre aux Libanais de poursuivre la lutte soutenue pendant des siècles par les émirs. Le manifeste lancé le 8 juin 1840 par les insurgés exprime un loyalisme obstiné à l’égard de l’autorité nationale, une hostilité à l’oppression, un vif sentiment de dignité nationale et une protestation contre la politique qu’on vient d’inaugurer pour diviser les Libanais : «Si nous n’avons pas pris les armes jusqu’à maintenant, c’est que nous mettions notre confiance dans l’intervention de notre prince Béchir, qui aurait obtenu un répit à nos peines ; malheureusement ce gouvernement [celui de Méhémet Ali] toujours coupable et inique ne fut pas reconnaissant envers notre prince du service qu’il lui avait rendu en nous apaisant et commença une tactique funeste à notre pays en nous désunissant par les mensonges et par les promesses fallacieuses». Exhortant leurs compatriotes à une guerre de libération, les auteurs du manifeste appellent à une imitation des Grecs «qui, à force de bravoure, ont obtenu avant nous leur complète liberté». Cette référence aux Grecs est une évidente revendication d’indépendance. Une indépendance que les Libanais vont chercher à conquérir à partir de 1861 par tous les moyens : mouvements populaires, action des partis, comités, presse, sans oublier les moyens légaux. Le principal mouvement populaire a été engagé par Youssef Karam en 1866. Après sa défaite et son exil, la Montagne est complètement désarmée. La paix aidant, les Libanais finissent par désapprendre le métier. Ce qui explique qu’en 1915, lorsque l’armée ottomane occupera le pays, elle n’y rencontrera aucune résistance. Mais loin de leur pays, les émigrés s’agitent en faveur de l’indépendance. Ils forment des comités et des organes de presse qui ne cessent de proclamer leurs revendications : l’Alliance libanaise d’Égypte, fondée en 1908 ; la Renaissance libanaise de New York en 1911 ; le Comité libanais de Paris en 1912 : le Centre de renaissance libanaise de São Paulo. Au Liban même, quelques organismes se fondent, comme le Comité des Cèdres et le Comité des Réformes, constitués en 1908, mais surtout la Renaissance libanaise. Les membres de ces comités travaillent sans relâche pour faire connaître l’idée libanaise aux milieux européens et américains. Parmi eux, on retiendra les noms de Khairallah Khairallah (collaborateur de la rédaction diplomatique du Temps, à Paris), Naoum Mokarzel, Chucri Ghanem (auteur du drame Antar), les deux frères Philippe et Farid el-Khazen, Rizkallah Arcache, Auguste Adib, Daoud Ammoun, Daoud Barakat... En 1913, Iskandar Ammoun, président de l’Alliance libanaise du Caire, et Khairallah Khairallah, secrétaire du Comité libanais de Paris, se présentent au Liban, délégués par les sociétés libanaises de l’étranger. Sur une population globale de quatre cent mille habitants, ils recueillirent trois cent mille signatures soutenant leurs revendications nationales. Ce sont ces mêmes comités qui protestent auprès des gouvernements étrangers contre l’occupation ottomane du territoire libanais en 1915. Eux qui redoublent d’activité en 1918 et en 1919 en faveur du Liban. Le troisième champ d’action possible est celui prévu par les lois en vigueur : les Libanais harcèlent les chancelleries pour une modification de leur statut dans un sens toujours plus national. Des incidents éclatent même entre le Medjliss, les gouverneurs et la Sublime Porte. En 1915, les autorités ottomanes envoient à l’exil tous les membres du Medjliss, organe officiel représentatif de la population libanaise. Celui-ci se reconstitue aussitôt après la chute de l’empire, et s’empresse de dépêcher à la conférence de la Paix de Versailles une délégation chargée d’assurer la restitution au Liban de ses frontières géographiques (motion du 9 décembre 1918). Quelques mois plus tard, le même Medjliss vote la proclamation de l’indépendance politique et administrative du Liban dans ses frontières géographiques et historiques, ainsi que l’étude et la préparation d’un statut organique du Liban. Le patriarche Hoyek est chargé d’obtenir de la conférence de Paix la reconnaissance de l’unité et de l’indépendance libanaises. Le 25 octobre 1919, muni de mandats réguliers émanant de tous les villages et de toutes les villes du Liban, l’illustre prélat présente à la conférence de Versailles, en sa qualité de président de la deuxième délégation libanaise, un mémoire écrit exposant la doctrine politique de ses compatriotes et expliquant les droits du Liban à l’extension de son territoire et à l’indépendance.
Le régime de l’émirat ayant cessé d’exister au mois de novembre 1841, la succession administrative des émirs échoit aux gouverneurs du régime de 1861. Mais dès la chute de Béchir, le peuple libanais a atteint un degré remarquable de conscience nationale, comme en témoignent les documents relatifs à la révolution déclenchée contre les alliances de l’émir. Cette...