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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

SEMAINE SINISTERRA - Conférence autour de la « nouvelle textualité théâtrale » et représentation de « Ñaq » ce soir, 20h - Petits monstres de scène

Le dramaturge espagnol José Sanchis Sinisterra s’est fait connaître du public libanais mercredi soir, lors de la conférence qu’il a donnée autour du thème de la «nouvelle textualité théâtrale», à la salle Béryte de l’Iesav. Un thème qu’il a abordé selon trois aspects qui se soutenaient l’un l’autre : le sien tout d’abord, en tant qu’auteur, celui du théâtre espagnol ensuite, depuis la période d’occupation franquiste jusqu’à son accession à la démocratie jusqu’à donner enfin, une définition de la nouvelle textualité théâtrale. Auteur et metteur en scène : une bataille rangée José Sanchis Sinisterra a commencé par rappeler que «dans les années 60, en Europe, le milieu dramaturgique a été marqué par le discrédit du texte». En effet, après la découverte d’un texte capital, celui d’Antonin Artaud rédigé dans les années 30 et intitulé Le théâtre et son double, l’idée selon laquelle le metteur en scène et les acteurs devaient être le moteur du changement dans le théâtre s’est fortement ancrée. Si bien que l’auteur est devenu un «poids mort» donnant son droit de création au seul metteur en scène. Et Sinisterra de rappeler l’émergence de personnes et de groupes comme Peter Brook ou le Leaving Theater, pour lesquels le texte est tout à fait secondaire par rapport à l’expression corporelle. Cette réaction violente au texte de théâtre trouve sa source dans l’excès inverse qui dominait avant les années 60 ; le dramaturge rappelle qu’alors «les textes dramatiques contenaient tout le langage dans une sorte de perfection linguistique, et le travail du metteur en scène comme celui du comédien était réduit à une simple illustration, une redondance du travail de l’auteur». Théâtre frontalier Les années 60, jusqu’au début des années 90, ont fait du metteur en scène un personnage incontournable et tout-puissant, dont le pouvoir est devenu quasiment despotique lorsque les années 70 ont vu les pouvoirs publics soutenir les théâtres. Bref, rappelle Sinisterra, «le metteur en scène est obèse». L’auteur espagnol, qui a commencé à écrire durant cette période tourmentée, raconte brièvement son parcours : il se qualifie tout d’abord de «schizophrène», c’est-à-dire ayant opté d’être à la fois auteur et metteur en scène dramatique. «En 1970, j’ai commencé un trajet d’investigation tant théorique que pragmatique en me demandant quel pouvait être le nouveau texte théâtral», poursuit-il. Confiant son respect pour la littérature en général et pour la nouvelle en particulier, il crée en 1977 le «théâtre frontalier» et met en scène des textes narratifs comme le Récit de Gilgamesh ou le monologue de Molly Bloom extrait de l’Ulysse de James Joyce. «Avec ce “théâtre frontalier”, j’explorais les zones de perméabilité, de passage entre l’épique et le dramatique», explique-t-il. «En fait, j’ai cherché à déconstruire l’architecture parfaite de “la pièce bien faite” et à créer de petits monstres», dit-il en guise de provocation. Poétique de la soustraction Le dramaturge rappelle avec simplicité que certains de ces essais ont été de «brillants échecs» et d’autres de véritables succès comme Ñaq ou de poux et d’acteurs, écrit en 1980 et joué dans toute l’Espagne pendant plus de 15 ans, «dans les lieux les plus variés et les plus incongrus» : «Avec cette pièce, j’ai compris qu’on pouvait changer les habitudes mentales du public», poursuit-il en précisant que «depuis 1983, il y a une demande d’un retour de textes dramaturgiques en Espagne, mais aussi en Amérique latine», si bien qu’il se dit «optimiste» quant à l’émergence d’une nouvelle littérature dramatique espagnole. C’est avec beaucoup de fierté qu’il mentionne, à titre d’exemple, le nom de son jeune collègue Juan Mayorga, «excellent dramaturge mais aussi philosophe et professeur de mathématiques», ce qui lui permet d’affirmer que «lorsque, comme moi, on n’est pas un génie, il faut regarder en dehors du théâtre pour trouver l’inspiration». José Sanchis se dit ainsi influencé par les partitions musicales et surtout par Samuel Beckett et Harold Pinter, qui ont «magnifiquement mis en scène une parole qui se caractérise par le manque». Il se considère, dans cette lignée célèbre, comme «le défenseur de la parole impropre, celle qui renonce au logos voire à l’omniscience du personnage». Il confie préférer la «poétique de la soustraction» au théâtre plutôt que l’accumulation avant de conclure : «Mes quatre points cardinaux sont le vide, l’immobilité, le silence et le noir».
Le dramaturge espagnol José Sanchis Sinisterra s’est fait connaître du public libanais mercredi soir, lors de la conférence qu’il a donnée autour du thème de la «nouvelle textualité théâtrale», à la salle Béryte de l’Iesav. Un thème qu’il a abordé selon trois aspects qui se soutenaient l’un l’autre : le sien tout d’abord, en tant qu’auteur, celui du...