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Actualités - CHRONOLOGIES

Présidence - Sur la présence syrienne, c’est toujours le dialogue de sourds - Quatrième rencontre Lahoud-Sfeir en un an

Le timing et l’image. C’est cela, sans aucun doute ce qu’il faudra retenir de l’entretien d’hier à Baabda entre le chef de l’État Émile Lahoud et le patriarche maronite Nasrallah Sfeir – le quatrième en un an. Le timing et l’image, c’est-à-dire la forme. Parce que question fond, c’est toujours un dialogue de sourds. Ou quelque chose qui y ressemble de près. La forme d’abord, le timing. Le tête-à-tête de 45 minutes entre le premier magistrat et le cardinal devenu le principal leader de l’opposition s’est tenu au lendemain de la visite à Baabda de l’ancien ministre Fouad Boutros (toujours médiateur ?), de l’évêque maronite d’Antélias Youssef Béchara, ainsi que du métropolite de Beyrouth Élias Audeh. Et qu’il a reçu hier, indépendamment du patriarche maronite, le doyen de la Chambre, le député de Bécharré, Kabalan Issa el-Khoury, ainsi que l’ancien député Michel Samaha, l’un des membres fondateurs du mouvement du Renouveau démocratique, celui qu’avait fondé il y a quelques semaines l’un des pôles de l’opposition, Nassib Lahoud. En ajoutant à tout cela une nouvelle rencontre – elle aurait lieu, dit-on, mardi – entre le chef de l’État et l’autre leader de l’opposition, le député Walid Joumblatt. L’image, avec le timing. À la télévision, en manchette des journaux, le chef de l’État – en principe, le fédérateur d’une nation, mais tout naturellement, le leader des chrétiens – en compagnie du patriarche maronite, c’est vendeur. Surtout pour la communauté chrétienne, qui semble, dans sa quasi-totalité, avoir juré fidélité au chef de Bkerké. Et qui, à en croire la rue, accumule depuis près de 36 mois bon nombre de griefs à l’encontre d’Émile Lahoud. Qu’est-ce qui motive le locataire de Baabda – l’un des plus indéfectibles alliés de Damas – à vouloir ainsi intensifier ses contacts avec l’opposition ? À opérer un revirement considérable et somme toute assez spectaculaire ? Outre la question de l’image, il y a l’hypothèse n°1 – la plus empirique : Émile Lahoud arrive bientôt à mi-mandat, et ce triennat qui va bientôt commencer à s’achever à toujours été une étape-charnière dans le parcours et le positionnement politique, voire même politico-confessionnel, de chaque président de la République libanaise. Et visiblement, le onzième d’entre eux semble vouloir ne pas être l’exception qui confirmerait la règle. Seconde hypothèse : le chef de l’État aurait décidé de suivre les conseils d’un homme de... bon conseil. Les visites répétées de Fouad Boutros – par exemple – à Baabda ne doivent pas y être étrangères. Troisième hypothèse – et pas la moins plausible à y penser deux fois : la troïka. L’une des (trop) nombreuses plaies du Liban. L’axe Berry-Hariri est devenu inhabituellement fort et solide, raffermi considérablement même par le dossier des écoutes. Ce qui pousserait tout naturellement le locataire de Baabda à un sursaut, une recherche ex abrupto et assez outrancière de nouveaux alliés, ces derniers étant finalement assez «naturels». Quatrième éventualité enfin, le voyage à Paris du chef de l’État. Les entretiens qu’il a eus tant avec Jacques Chirac qu’avec Lionel Jospin auraient pu avoir comme résultat de l’inciter à cette ouverture-là. Positions respectives inchangées Sauf que tout cela risque fort de ne rester qu’hypothèses. Parce que dans le fond, rien n’a changé, rien n’a évolué. C’est toujours un dialogue de sourds, et chacun continue – c’est la forme répétons-le qui a changé – de camper sur ses positions. Mgr Sfeir a continué, hier, de demander le respect de la souveraineté, de l’indépendance et de la libre décision libanaise. «Ce qui ne veut pas dire “conflit” avec la Syrie. Ce que nous demandons, c’est une relation solide avec la Syrie, sans déséquilibre de forces : c’est ainsi que chacun des deux pays en ressortirait plus raffermi», aurait soutenu le dignitaire religieux. Et le général Lahoud, pour sa part, a continué à insister sur la nécessité de la présence syrienne, réaffirmant que certaines régions en avaient même «besoin». Le résumé – officiel et bien vague – de ces deux positions serait donc le suivant : Les deux hommes ont rappelé la nécessité de «faire face à la prochaine étape de la situation, une étape riche en défis et en échéances importantes, en insistant sur l’unité, l’entente et la franchise». Sauf que les discussions franches, on a bien vu, lundi dernier, ce qu’elles ont donné... Et selon un communiqué – toujours officiel – publié à l’issue du tête-à-tête, l’on apprend que les deux hommes «ont effectué un tour d’horizon général, à la lumière des derniers développements et des dernières positions politiques». Quoi qu’il en soit, l’un des principaux sujets évoqués par le président et le patriarche a été d’ordre spirituel. Puisque l’homme d’Église s’envole aujourd’hui pour le Vatican. Ils ont insisté sur l’importance de la canonisation dimanche prochain de la bienheureuse Rafqa de Himlaya, comme sur le sens de «la participation massive du Liban à cet événement. Ceci confirme une fois de plus que l’unité nationale libanaise est réelle, solide, qu’elle ne subit l’influence d’aucun incident, quel que dur et sanglant qu’il soit. Au contraire. Les Libanais tirent des leçons de cette canonisation, pour insister sur l’importance de leur entente nationale et de la coexistence qui est la leur. Cette canonisation est un événement primordial pour le Liban, un nouveau satisfecit pour le Liban dont le pape Jean-Paul II avait dit qu’il était plus qu’un pays : un message», a assuré le général Lahoud à Mgr Sfeir, avant de le retenir à déjeuner. Le sommet de dimanche et le cas Nabih Berry Il n’empêche, tout cela reste tributaire, en projetant sur le (très) court terme, de plusieurs facteurs. Il y a d’abord, le sommet syro-libanais, qui se tiendra dimanche prochain en marge de la commémoration du décès de l’ancien président syrien Hafez el-Assad. Un sommet qui comprendra, du côté libanais, les trois présidents. Un sommet qui se tiendra soit à Kardaha, soit à Banias, la ville du revenant sur la scène politique libanaise, l’«artisan» (programmé ?) de la dernière réconciliation entre ces mêmes trois présidents. Autre facteur dont il faudra, sans nul doute, tenir compte : Nabih Berry. Le président de la Chambre qui, selon des sources bien informées, aurait décidé de «continuer à bouder» et de prendre le temps qu’il jugera lui-même nécessaire pour arrêter la date de la suite et fin du débat budgétaire. Et surtout de son approbation, une approbation dont le Liban en général, et sa situation socio-économique en particulier, ont bien besoin. Nabih Berry qui a décidé de faire traîner les choses, après avoir décrété que le gouvernement n’avait pas l’air bien pressé d’ouvrir la session parlementaire. Nabih Berry qui a décidé de ne pas se rendre, avant-hier mercredi, à Baabda, pour l’entretien hebdomadaire rituel avec le chef de l’État. Et l’un des plus virulents détracteurs des services, fantômes et autres écoutes a jugé utile, hier, par le biais de son bureau de presse, de publier un communiqué-démenti à l’adresse du quotidien Al-Mostaqbal. Le journal de Rafic Hariri avait indiqué, citant des sources proches du n° 2 de l’État, que «la rencontre de lundi (à Baabda avec Lahoud, Berry, Hariri, Khaddam et Kanaan) a été franche mais n’a débouché sur aucun accord». Bref. Trois choses restent à relever. L’initiative de Issam Farès d’abord, à laquelle beaucoup de responsables politiques, notamment parmi les modérés, semblent adhérer. Le vice-président du Conseil, qui tente lui aussi de participer au rapprochement entre l’Exécutif et le Législatif, avait proposé que «le Conseil des ministres tienne des réunions ouvertes pendant les prochains jours pour passer en revue ce qui a été appliqué et ce qui ne l’a pas été de la déclaration ministérielle». Le Conseil des ministres justement, qui s’est tenu hier, et au cours duquel, très étrangement, tous ces sujets politiques primordiaux n’ont pas été évoqués. Comme quoi, les questions de fond ne semblent vraiment pas faire partie des priorités des responsables politiques. Du moins, de l’Exécutif... Troisième «détail», enfin. Le chef de l’État a décidé de raccourcir son voyage prévu au Maroc dans le courant du mois. Il ne restera au royaume chérifien que 24 heures. La raison ? C’est l’agence Markaziya qui l’avance. Le général Lahoud ne souhaiterait pas «rester trop longtemps absent du Liban». En se remémorant ce qui s’est passé lorsqu’il était à Paris, on peut comprendre... Enfin presque.
Le timing et l’image. C’est cela, sans aucun doute ce qu’il faudra retenir de l’entretien d’hier à Baabda entre le chef de l’État Émile Lahoud et le patriarche maronite Nasrallah Sfeir – le quatrième en un an. Le timing et l’image, c’est-à-dire la forme. Parce que question fond, c’est toujours un dialogue de sourds. Ou quelque chose qui y ressemble de près. ...