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Actualités - REPORTAGES

UNIVERSITÉ LIBANAISE - Le principe de la réunification confirmé - Enseignants et étudiants s’interrogent : - Pourquoi maintenant et à quel prix ?

Pourquoi cette préoccupation soudaine pour l’UL ? se demande un ancien professeur universitaire. Il n’est pas le seul d’ailleurs. Il sera rejoint par tous ceux qui se sont élevés contre le «principe» de la réunification de l’université décidé en Conseil des ministres jeudi 10 mai. La réunification de l’UL se fera sur le modèle de l’armée, dans le but de réduire l’impact du confessionnalisme sur la jeunesse estudiantine libanaise, avait affirmé le président de la République. Sitôt après, c’est une véritable polémique qui s’est déclenchée entre les partisans de ce projet et ses détracteurs. Ces derniers ont en effet mis en doute l’intention des responsables, critiquant en outre le principe même d’une déconfessionnalisation «forcée». Cependant, quelle que soit l’intention du gouvernement, il est certain que le timing choisi pour une telle décision n’a pas été heureux. Outre les commentaires de l’opposition chrétienne qui a interprété négativement cette décision, plusieurs voix au sein de l’univesrité se sont élevées pour la condamner la jugeant «infondée» et hâtive». Les raisons politiques d’abord. «Cet intérêt soudain pour une université qui est délaissée par l’État depuis des années ne peut s’expliquer que par un simple calcul politique qui vise à réprimer un certain militantisme politique sur le terrain, l’unification des bâtiments étant, selon eux une des solutions», souligne un professeur de sociologie de l’UL . Un autre renchérit en affirmant que «le timing est malsain et déroutant». En effet, depuis le communiqué des évêques maronites, les mouvements estudiantins ont pris de l’ampleur, particulièrement au sein de l’UL, où les amicales d’étudiants sont en majorité de composantes aounistes et forces libanaises. Ce qui explique d’ailleurs la répression à leur encontre de la part de l’État, qui n’a fait que se enforcer au fur et à mesure que le mouvement a pris de l’ampleur. Par conséquent, la décision de réunifier les deux sections de l’université a été interprétée par plusieurs comme une possibilité d’absorber ces mouvements pour mieux les contenir. Quant aux raisons sociologiques, elles s’expliquent par ces simples interrogations que se pose tout un chacun : peut-on déconfessionnaliser une jeunesse en effervescence au risque d’aller à contre-courant d’un environnement confessionnalisé à outrance ? L’intégration nationale est-elle le simple fruit d’une fusion géographique entre les personnes ? «Tout d’abord, lorsque l’étudiant accède à l’université, il a dépassé l’âge de 18 ans. Il a déjà effectué sa socialisation à l’école et au sein de sa famille. Son univers et son agrégat social sont déjà structurés. Donc, la meilleure façon de maintenir le conflit, est de réunifier l’université», affirme le professeur Melhem Chaoul. Un espace démocratique D’ailleurs, le sytème n’est en aucun point comparable à l’armée, dit-il. Au sein de celle-ci, «le régime est autoritaire, alors qu’à l’université, l’espace est démocratique par excellence. L’étudiant choisit ses cours, ses heures de cours, ses professeurs. L’étudiant chrétien choisira le professeur de la même communauté, et le musulman fera de même. Ils attendront longtemps avant d’en arriver à l’intégration», poursuit M. Chaoul. Pourtant, ce dernier n’est pas contre la réunification de certaines branches dans des campus respectables, mais à condition que la décision ne soit pas parachutée de cette manière. Elle doit être accompagnée par d’autres politiques de développement national, et se combiner à des actions qui incitent à l’unité tout autant sinon davantage. «Une bonne loi électorale contribue à l’intégration plus que la réunification des bâtiments de l’UL»,souligne Melhem Chaoul. Mais encore faut-il savoir ce que nous voulons exactement de cette institution publique que fréquentent près de 60 % des jeunes universitaires libanais. Il faut tout de même savoir que l’université n’est pas le seul espace de dialogue et qu’elle est avant tout ce haut lieu d’acquisition de techniques et de compétences sur un marché de plus en plus spécialisé et compétitif. Alors, qu’attendent exactement nos dirigeants de l’université publique ? Qu’elle devienne un laboratoire vivant dans lequel on opére des essais d’intégration sur une jeunesse en mal de formation ? Un flou total Là c’est le flou le plus total qui entoure la dernière «décision de principe» prise par le gouvernement. Car après la «bombe» lancée lors de la réunion ministérielle, le communiqué présidentiel est venu préciser qu’il ne s’agissait pas d’une décision définitive mais d’un principe acquis qui sera étudié par une commission ad hoc qui mettra en place un mécanisme de travail et œuvrera à l’analyse des différents aspects du problème . «Le gouvernement n’a fait que confirmer le principe de la réunification, mais rien n’a encore été décidé dans la mesure où les choses ne sont pas encore claires», précise une source proche de Koraytem. Celle-ci dément par ailleurs que le Premier ministre Rafic Hariri soit opposé à l’idée de la réunification proposée par le président de la République, le général Emile Lahoud. Mardi dernier, c’est un véritable revirement de position qu’a effectué le vice-président du Conseil Issam Farès, qui est également président de la commission ministérielle chargée de réunifier les sections de l’UL. Dans un communiqué, il a déclaré que «ce sont les programmes des diverses sections plutôt que les bâtiments ou les sections dans telle ou telle région, que nous allons nous efforcer d’unifier». Interrogé à ce sujet, M. Farès a parlé effectivement de réunification de programmes, d’étude d’un budget pour le renouvellement des bâtiments, de recherches et de développement, de conseil de tutelle mais pas nécessairement de la fusion des campus. Sur ce point, il a répondu que rien n’est encore décidé, que la commission pourrait parvenir à des conclusions inattendues, à savoir aussi bien «une seule université que 5 universités», entendre 5 branches. Retour donc à la case départ. «Ce qui est proposé aujourd’hui est encore très obscur. Le gouvernement est en train de prendre des décisions sans aucune stratégie. Que voulons-nous exactement ? S’il s’agit de la réunification des programmes ou du niveau de l’enseignement, tout cela est bien bon mais encore faut-il préciser les objectifs à l’avance», affirme le sociologue Abdo Kahi. «Par contre, dit-il, si le but est d’uniformiser le savoir, là un danger grave guette l’UL, et l’on s’éloigne du but universitaire qui est celui de former des esprits critiques». Quant à la réunification des bâtiments à proprement parler, M. Kahi est catégorique : «L’université doit se trouver à proximité des gens», selon le principe de la décentralisation, un principe vers lequel tend actuellement la majorité des États. Et d’ajouter : «En fait, une fois la vision clarifiée, la question des bâtiments devient secondaire». Des locaux inadéquats Fadia Kiwan, professeur de sciences politiques, prône la réunification, un projet qui remonte au début des années 90, comme elle l’explique. Pour elle, il s’agit évidemment de rassembler les branches éparpillées, en un ou deux lieux géographiques, en l’occurrence dans les bâtiments de Fanar ou de Hadath, deux campus qui sont la propriété de l’Etat, alors que tous les autres bâtiments occupés par les branches de l’UL sont actuellement loués. «Le but est d’une part de réduire les coûts, et d’autre part de mettre à la disposition des étudiants des bâtiments qui sont dignes d’eux», commente Mme Kiwan qui explique qu’il est aberrant de voir encore des universitaires assister à des cours dans des appartements résidentiels. Pour ou contre la réunification, le problème ne se pose peut-être pas en ces termes. Car tout le monde est d’accord sur le principe d’une université digne et unifiée, dans le sens académique du terme. La question est de savoir pourquoi ajourd’hui, et quelles sont les conditions de cette réunification. Plus important encore, est de se demander quel sera le coût de ce projet pour les étudiants eux-mêmes. Dans quelle mesure ces derniers vont-ils véritablement bénéficier d’une réunification qui finalement ne ferait qu’augmenter leurs frais de transport sans pour autant garantir cette solidarité communautaire prônée dans tous les discours officiels.
Pourquoi cette préoccupation soudaine pour l’UL ? se demande un ancien professeur universitaire. Il n’est pas le seul d’ailleurs. Il sera rejoint par tous ceux qui se sont élevés contre le «principe» de la réunification de l’université décidé en Conseil des ministres jeudi 10 mai. La réunification de l’UL se fera sur le modèle de l’armée, dans le but de réduire l’impact...