Rechercher
Rechercher

Actualités - INTERVIEWS

Le représentant de Kofi Annan souligne la nécessité de combler le vide sécuritaire - De Mistura : L’opération de déminage, un moyen - de favoriser une présence sociale et humanitaire au Sud

Ils ne seront plus que 2 000 soldats et observateurs en juillet 2002. Ils auront la mission de surveiller la ligne bleue. Dépêchés en 1978 au Liban-Sud, à l’issue de l’opération du Litani et de l’adoption de la résolution 425, les Casques bleus font, depuis, partie du paysage de la zone méridionale du pays. Leur mandat sera reconsidéré, conformément aux recommandations du secrétaire général de l’Onu, Kofi Annan. Dans une interview accordée à L’Orient-Le Jour, le représentant personnel de M. Annan pour le Liban-Sud, Staffan de Mistura, a justifié la réduction des effectifs de la Finul. Il a souligné la nécessité de combler le vide sécuritaire au Sud et qui risquerait d’attiser les tensions. Première mission à accomplir, au stade actuel : le déminage. «Avec les 50 millions de dollars assurés par les Émirats arabes unis, le Sud sera déminé en quatre ans», a promis M. de Mistura, qui précise à ce sujet que l’opération de déminage pourrait paver la voie à une présence sociale et humanitaire, notamment du pouvoir central, dans les régions méridionales du pays. Le représentant personnel du secrétaire général de l’Onu estime, dans ce contexte, que chaque mission de paix est différente. La Finul n’est pas une exception. «C’est une vieille mission de plus de 22 ans. Elle fait partie de l’histoire de l’Onu et de beaucoup d’armées dont plusieurs générations d’officiers ont servi au Liban-Sud», indique-t-il. C’est l’une des missions dans laquelle l’Onu a perdu beaucoup d’hommes. «Du fait de l’ancienneté de cette mission et de la nature de la population libanaise, un lien très particulier a été créé, un attachement certain, entre les soldats et les officiers de la Finul, d’une part, et les habitants», souligne M. de Mistura, ajoutant qu’à cet égard, cette mission de paix «est unique». «Elle est également unique parce qu’elle a changé plusieurs fois de nature. Le nombre de soldats était limité, au départ. Il s’est accru pour atteindre à un moment 5 700 hommes. Les positions des divers contingents ont changé après le retrait israélien. La fonction qu’ils avaient était différente de celle qu’ils assument actuellement et qui pourrait encore être modifiée demain», explique-t-il. Et de poursuivre que «le but de la mission est toujours le même : réduire les tensions». Les liens entre la population et les Casques bleus stationnés au Liban-Sud existent-ils ailleurs ? M. de Mistura indique à ce propos qu’il «existe toujours un lien entre la population locale et les soldats de l’Onu. C’est simple, ils forment une force de paix basée sur la protection des civils». Chebaa, un cas particulier Ce n’est pas une mission ordinaire que celle de représentant personnel de secrétaire général des Nations unies. Un tel poste existe uniquement dans trois pays, dont le Liban. M. de Mistura rappelle que M. Annan «a décidé de nommer un représentant personnel pour le Liban-Sud à cause de l’intérêt personnel qu’il porte à la 425, qui a été à 90 % appliquée avec l’évacuation israélienne du Liban-Sud». Et le diplomate de poursuivre que l’Onu «n’est pas là pour faire un simple acte de présence mais pour éviter l’irruption de points chauds tout au long de la ligne bleue». «Dans la limite du possible, nous œuvrons pour que ces points chauds ne dégénèrent pas et nous essayons de résoudre, anticiper et prévenir les crises tout au long de la ligne bleue», dit-il. Est-ce que vous parvenez à le faire effectivement ? «Récemment, nous avons réussi à le faire à plusieurs reprises, notamment dans l’affaire de Hajjar et du Wazzani, et cela en collaboration avec les autorités libanaises», déclare-t-il. Qu’en est-il de Chebaa ? «Chebaa est un cas à part», note M. de Mistura. «C’est un cas politique et non un point chaud», souligne-t-il. La présence du Hezbollah, à proximité de la ligne bleue, parfois à quelques mètres des postes israéliens, ne peut-elle pas générer des points chauds, capables de devenir explosifs à tout moment ? «À l’exception de Hajjar, la ligne bleue est bien définie par un fil barbelé», indique le diplomate onusien, en notant «qu’effectivement, il existe un bon nombre de positions où le Hezbollah et l’armée israélienne se retrouvent face à face, séparés par une ligne bleue bien visible». Et d’affirmer que «les tensions évitées démontrent l’efficacité de la Finul et l’action modératrice que la mission peut exercer dans cette zone». Mais que peuvent faire les Casques bleus du moment qu’ils sont incapables d’intervenir militairement ? «La Finul n’est pas une force d’interposition, elle est devenue, de facto, après le retrait israélien, une force militaire d’observation de l’Onu», souligne le représentant personnel de Kofi Annan. «Cela n’a pas été décidé. son rôle – de facto – est en train de diminuer», ajoute-t-il. «Il est inconcevable qu’une force de 4 500 hommes, légèrement armés, puisse devenir une force d’interposition, si l’une ou l’autre partie présente des deux côtés de la ligne bleue décide de faire la guerre», déclare M. de Mistura. «À ce jour, elle s’est parfaitement acquittée de sa mission, et les rapports (remis à l’Onu) portant sur les accidents possibles sur la ligne bleue ont été efficaces», note-t-il, en soulignant que «l’on parvient à des résultats plus efficaces grâce au Conseil de sécurité et aux chaînons diplomatiques qu’à travers la présence d’une armée de 50 000 hommes, positionnés sur la ligne bleue et qui auraient quand même des problèmes logistiques». Retrait israélien et application de la 425 Le nombre des soldats de la Finul sera bel bien réduit. Et le rôle de la Finul deviendra celui d’une force d’observation. Sa mission changera ainsi de nature. «Le mandat de la force de paix pourrait rester le même, mais il sera interprété différemment. La Finul deviendra une force d’observation et pas d’interposition», indique M. de Mistura. C’est bien le retrait israélien qui a mené à ce changement de mandat. Évoquant la décision de réduire les effectifs de la Finul, le représentant personnel de Kofi Annan souligne la nécessité de «prendre en considération le fait que le contexte régional est actuellement tendu». Il reste qu’il souligne que «dans la situation actuelle, on ne peut effectuer une réduction drastique de la force de paix». Progressivement, la Finul se repliera sur la ligne bleue. M. de Mistura tient à rappeler à ce sujet que «cette ligne bleue n’est pas une frontière pour le moment». «Elle constitue un point de référence, long de 70 kilomètres», précise-t-il. Jusqu’à quand restera-t-elle une simple ligne et non une véritable frontière ? «Nul ne le sait», répond le diplomate onusien. Existe-t-il une difficulté particulière dans la mission que M. de Mistura remplit au Liban-Sud ? «La difficulté particulière au Liban-Sud réside dans le fait que ce territoire demeure non habité, non développé et plein de mines», répond-il sans hésiter. «Normalement quand un territoire est libéré, des activités humanitaires et économiques sont tout de suite mises en place», explique-t-il. «Mais pour différentes raisons, cela n’a pas eu lieu, et c’est dans ce sens-là que ma mission est très particulière», dit-il. M. de Mistura attribue à un facteur psychologique le fait qu’aucun grand projet n’a vu le jour au Liban-Sud. «La sécurité et la confiance sont absentes», souligne-t-il à ce sujet. «Quand ils voient que les Libanais eux-mêmes ne participent pas à la reconstruction du Liban-Sud, les pays donateurs ne manifestent aucun intérêt pour accomplir cette tâche», affirme M. de Mistura. Le dossier du déminage Mais indépendamment des considérations politiques ou des calculs régionaux, M. de Mistura s’attarde sur un dossier qui lui tient à cœur : le déminage du Liban-Sud. Cette opération porte sur près de 130 000 mines en tout, que M. de Mistura compare à des «soldats, qu’Israël a laissées derrière lui après le retrait». «En ce sens, le Sud n’a pas encore été libéré», affirme-t-il. «Notre intention consiste à y ouvrir une fenêtre, par le biais du déminage, afin d’initier des activités et de donner confiance dans la région», ajoute-t-il. Mais cette confiance ne devrait-elle pas être initiée par le gouvernement libanais? Et puis, comment encourager les pays donateurs et les citoyens libanais à investir dans cette zone quand le gouvernement lui-même n’a pas fait acte de présence ? «La question de la présence du gouvernement ne devrait pas être perçue uniquement comme militaire, souligne M. de Mistura. L’accent a souvent été mis sur la présence de l’armée au Liban-Sud. Et nous avons entendu à plusieurs reprises que le gouvernement n’est pas en mesure d’accomplir la tâche», ajoute-t-il. Et de poursuivre que «dans ce cas, nous comprenons et nous respectons cette décision, mais nous voulons également aider l’État libanais à établir une autre forme de présence dans ce territoire, à savoir une présence judiciaire, humaine, sanitaire, scolaire…». C’est donc sous cet aspect que les activités de déminage sont perçues. Rendre un territoire sûr consiste à le libérer des mines antipersonnelles. «C’est à travers le déminage que nous espérons ouvrir la voie à tout le reste», indique M. de Mistura. Selon lui, «si les fonds nécessaires au déminage sont disponibles, le Sud sera entièrement déminé en quatre ans». Et d’expliquer que dans l’état actuel des choses, les mines plantées sur la ligne bleue n’intéressent pas les démineurs. «Il faudra avant tout déminer rapidement les zones habitées», déclare le représentant personnel de M. Annan, qu’il ne faut pas un personnel nombreux pour déminer, mais plutôt «de nouvelles machines spéciales». Cet équipement pourra être assuré grâce au don de 50 millions de dollars assuré par les Émirats arabes unis. Plusieurs parties seront impliquées dans l’opération de déminage, notamment le gouvernement libanais et ses artificiers, la Finul, les entreprises privées, et les ONG. Et M. de Mistura de rappeler que «toutes les activités de déminage seront déclenchées à partir du 21 mai», soit dans le sillage de la conférence sur le déminage qui se tiendra aujourd’hui même, au palais de l’Unesco. C’est à partir de cette date que les aides et les dons pour régler le problème des mines seront acheminés. Pour attirer des fonds, ne faut-il pas qu’une paix régionale soit signée ? «Ce serait l’idéal, évidemment. Mais en attendant, on ne peut rester les bras croisés», souligne M. de Mistura, qui met en garde contre le fait «que le Liban-Sud devienne une zone vide, une zone qui serait ainsi propice à des activités qui attisent la tension». Le représentant personnel du secrétaire général de l’Onu compte parer au plus pressé en déminant le Liban-Sud. Il insiste sur le fait que «cette activité aura un effet boule de neige et permettra la réalisation d’autres activités humaines et humanitaires».
Ils ne seront plus que 2 000 soldats et observateurs en juillet 2002. Ils auront la mission de surveiller la ligne bleue. Dépêchés en 1978 au Liban-Sud, à l’issue de l’opération du Litani et de l’adoption de la résolution 425, les Casques bleus font, depuis, partie du paysage de la zone méridionale du pays. Leur mandat sera reconsidéré, conformément aux recommandations...