Rechercher
Rechercher

Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

Conférence - En présence de Walid Joumblatt et sur l’impulsion de l’Union européenne - Un débat manqué sur l’abolition de la peine de mort

Que l’abolition de la peine de mort soit aujourd’hui un thème à la mode dans certains milieux, au même titre que la mondialisation ou l’alimentation bio, ne semble pas tracasser outre mesure les organisateurs de la conférence abordant ce thème tenue hier à l’USJ. L’objectif premier du directeur du centre d’études sur l’Union européenne, le Dr Chebli Mallat, et des ambassadeurs européens accrédités à Beyrouth qui ont parrainé la conférence – dont les principaux orateurs étaient l’ambassadrice de Suède, l’ambassadeur d’Italie, le doyen de la faculté de droit et de sciences politiques Richard Chémali et Walid Joumblatt –, était d’aboutir à une mobilisation de l’opinion publique en faveur d’une telle abolition. Mais il s’agissait d’un parterre déjà convaincu et le débat véritable n’a pas eu lieu, en dépit d’une tentative en ce sens du ministre Bahige Tabbarah. Dans un pays où les circonstances atténuantes ont été abolies en 1994 –alors que MM. Bahige Tabbarah et Walid Joumblatt étaient ministres – et où plusieurs peines capitales attendent d’être exécutées, le thème de l’abolition de la peine de mort est on ne peut plus d’actualité. L’Union européenne qui milite dans ce sens avec tous les moyens dont elle dispose ne pouvait que s’intéresser à un tel sujet et participer activement à une conférence qui en traite, organisée par le centre d’études sur l’Union européenne, présidé par Chebli Mallat. Mme Anne Dismorr, ambassadrice de Suède au Liban dont le pays préside actuellement l’Union européenne, a été la principale oratrice, mais l’ambassadeur d’Italie, Giuseppe Cassini, lui-même un fervent abolitionniste qui n’a d’ailleurs jamais mâché ses mots à ce sujet avec les responsables libanais, a fait une intervention remarquée, ainsi que le ministre Tabbarah qui a tenté de provoquer un véritable débat sur la question, Mme Nayla Moawad qui a toujours défendu les mêmes valeurs et Joumblatt qui a expliqué pourquoi il est avec l’abolition de la peine de mort. Le seul ennui c’est que l’assistance était plus composée de personnalités en vue, les ambassadeurs européens, le ministre Salamé, les députés Nabil de Freige, Salah Honein et Nabil Boustany ainsi que de quelques magistrats, avocats et intellectuels que d’étudiants et finalement, les propos semblaient circuler un peu en cercle fermé. C’est donc devant un parterre acquis à cette cause qu’ont plaidé Mme Dismorr et M. Cassini, alors que M. Joumblatt a promis, en tant que parlementaire, de préparer une pétition demandant l’abolition de la peine de mort. Un étudiant s’est alors demandé si une telle initiative est possible sans une autorisation préalable de Damas et Mme Nayla Moawad a répondu que s’ils sont appuyés par une opinion publique éclairée et mobilisée, les parlementaires sont très forts et ne tiennent pas compte des ingérences politiques, fraternelles ou autres. «Travaillons ensemble, a-t-elle dit, pour atteindre nos objectifs». De son côté, Joumblatt a rappelé que lorsque les circonstances atténuantes ont été abolies, il s’agissait essentiellement de renforcer «l’aspect terrifiant de l’État et je ne crois pas que la concomitance des deux volets a alors joué». Il a fallu l’intervention du ministre Bahige Tabbarah pour rappeler qu’à l’époque, le Liban était sous le choc d’un crime affreux qui s’était produit dans la Békaa et les habitants de la région souhaitaient faire justice eux-mêmes. Il y a eu alors une immense réaction populaire, demandant à l’État de s’imposer. «C’est pourquoi, nous avons alors choisi de réactiver la peine de mort et de la rendre obligatoire dans tous les cas d’homicide volontaire, afin, entre autres choses, de protéger les magistrats d’une éventuelle vengeance de la part des familles des condamnés. Aujourd’hui, je crois que l’heure est venue de rétablir ces circonstances. Quant à abolir la peine de mort, c’est une autre histoire et il faut voir si la société est prête». Ces propos n’ont sans doute pas plu aux ambassadeurs européens, notamment à M. Cassini qui, en se référant à un ouvrage précurseur en la matière de Cesare Beccaria datant de 1764, a longuement plaidé contre la peine de mort, précisant que si les États sont sanguinaires, les citoyens le seront aussi et que c’est dans les pays qui légitiment les peines les plus atroces que se produisent les crimes les plus atroces. Mme Dismorr, M. Kourkoulas et M. Lecourtier ont abondé dans ce sens, promettant une intensification des efforts de l’Union européenne en faveur de l’abolition de la peine de mort. L’ambassadeur de France a affirmé que l’Union européenne poursuivrait son droit d’ingérence dans la matière et que jusqu’à présent, dans les cas où elle est intervenue, les exécutions ont été suspendues, mais elles pourraient quand même se produire et c’est ce que l’Union ne souhaite pas. L’avocat Ghassan Moukheiber, militant actif des droits de l’homme, a alors fait remarquer qu’il faut aider la société à être prête à abolir la peine de mort. «L’État et les ONG sont responsables d’une telle évolution». Mais là, on a un peu le sentiment de tourner dans un cercle vicieux : si l’État pense que la société n’est pas mûre pour une telle abolition, il ne réagira pas de sitôt estimant avoir d’autres priorités et comment la société pourrait-elle être sensibilisée à ce sujet si aucune campagne d’information n’est menée sur ce thème ? L’ambassadeur d’Italie a tenu à rappeler que depuis l’exécution publique de deux malfaiteurs à Tabarja, en 1998, aucun touriste italien ne s’est plus rendu dans cette localité. Mais ce qu’il n’a pas dit, par délicatesse, est encore dans nos mémoires : les images de cette foule hystérique qui suivait seconde par seconde l’agonie des deux jeunes gens, poussant des cris de joie lorsqu’ils ont rendu l’âme, sont de nature à donner la nausée même trois ans après la scène. Seulement, on n’a jamais entendu un responsable confier qu’il regrettait ce spectacle ou qu’il avait des remords… Il risquerait ainsi de déplaire à des électeurs toujours à la recherche du symbole de la force. Alors, l’abolition de la peine de mort ? Ce n’est pas pour demain. Juste un coup de frein pour faire plaisir à l’Union européenne en cette année de sommet francophone…
Que l’abolition de la peine de mort soit aujourd’hui un thème à la mode dans certains milieux, au même titre que la mondialisation ou l’alimentation bio, ne semble pas tracasser outre mesure les organisateurs de la conférence abordant ce thème tenue hier à l’USJ. L’objectif premier du directeur du centre d’études sur l’Union européenne, le Dr Chebli Mallat, et des...