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Actualités - OPINIONS

L’engrenage

L’un après l’autre, les voyants rouges sont en train de s’allumer, les contrôles laborieusement mis en place à Oslo de sauter. Le raidissement qui avait suivi la débâcle électorale des travaillistes et l’avènement d’un véritable gouvernement de guerre, que l’on s’est dépêché de qualifier de Cabinet d’union nationale, n’a pas tardé à céder la place à une reprise de l’intifada, d’abord timide puis de plus en plus violente, suivie d’opérations de guérilla dont les auteurs allaient s’enhardissant, côté palestinien ; à ce qui, côté israélien, prend des allures de ratonnade en règle, culminant, mais ce n’est là qu’un constat tout provisoire, avec l’assassinat avant-hier de cinq policiers, abattus de sang-froid dans leur abri de tôle de Beitouniya, à l’entrée de la zone autonome de Ramallah. Il est de bon ton aujourd’hui de faire assumer au seul Yasser Arafat la responsabilité des «occasions manquées», lui qui, ne cesse-t-on de répéter, avait rejeté en juillet dernier les propositions faites à Camp David. C’est oublier qu’avant de quitter le pouvoir, Ehud Barak avait pris soin de torpiller toutes les balises d’un accord à venir et même, en discréditant aux yeux des Arabes l’image du président de l’Autorité palestinienne, une aléatoire reprise du dialogue. Le reste, c’est-à-dire le coup de grâce porté à un processus de paix à la vérité déjà moribond, Ariel Sharon allait s’en charger. Une chose est sûre : l’actuel Premier ministre de l’État hébreu n’est pas, loin de là, un homme à surprises. Son programme d’action, pour primaire qu’il soit, présente à tout le moins l’avantage de la clarté. Ne céder aucun pouce des territoires conquis au fil des guerres, œuvrer à accélérer le mouvement d’immigration et surtout refuser tout projet de création d’une Palestine, même si elle ne devait pas dire son nom, le tout agrémenté d’une relance de la «sionisation» parmi les jeunes. Voilà pour les grandes lignes, le reste devant être l’affaire des militaires. Comment s’étonner après cela que l’homme se retrouve à l’heure actuelle prisonnier de sa propre logique ? Ayant, dès le premier jour, placé la barre à son niveau le plus haut, il lui est pratiquement impossible d’agiter ne fut-ce que la menace d’une quelconque escalade. Pour l’instant, la population approuve dans une proportion de 63 % l’action du gouvernement, encore que quelques réticences se manifestent ici et là, à l’occasion par exemple de l’expédition punitive de la nuit de dimanche à lundi, qui fait écrire au très sérieux Maariv : «Israël élargit de façon systématique les limites du conflit (…). C’est à croire que quelqu’un dans l’armée a craint de voir la journée de la Nakba se passer trop calmement». Et le Yediot Aharonot de renchérir : «Désormais, on tire pour tuer». Dépassé, le vieil Abou Ammar l’est de son côté un peu plus chaque jour par l’aile dure de son propre mouvement, le Fateh, mais aussi et surtout par les jeunes du Hamas, révoltés par la gabegie et le clientélisme des responsables qui prétendent les gouverner. Perché en équilibre de plus en plus incertain au sommet d’une hiérarchie qu’il a lui-même édifiée au fil des ans, forcé de pratiquer un difficile autant que périlleux exercice de funambulisme, il lui faut depuis quelque temps recourir à cette démagogie dans laquelle il excellait tant par le passé mais qui porte de moins en moins et qui, en outre, n’est pas pour plaire à l’étranger. Comment par exemple faire admettre qu’il pourra, même un jour lointain, obtenir à la fois – pour ne citer que ces revendications – la réintégration dans leurs foyers des réfugiés et le retour aux frontières du 4 juin 1967 ? Aux deux protagonistes, l’Amérique a déjà fait savoir jusqu’où ils pouvaient aller trop loin. C’était, on ne saurait l’oublier, lors de l’incursion à Gaza, le 17 avril dernier. À l’époque, l’Administration Bush était intervenue pour exiger et obtenir un retrait immédiat, alors que les généraux israéliens promettaient de rester dans la bande autonome «des jours, des semaines, des mois si nécessaire». Depuis, il n’y a plus rien eu, ou presque, sinon quelques vagues promesses de Washington et de timides gestes en faveur de la paix. Entre les velléités monroïstes – il est des légendes érigées en doctrines qui ont la vie dure… –, une crise économique qui s’inscrit en dents de scie sur tous les graphiques du bon docteur Greenspan et, s’agissant du Proche-Orient, l’unique crainte, obsessionnelle, d’une résurgence du danger irakien, les États-Unis semblent accréditer l’idée, ô combien inquiétante, qu’ils veulent, formule mitterrandienne, «donner le temps au temps». Seulement d’ici que ce facteur-miracle fasse son œuvre – douteuse hypothèse –, le sang continuera de couler, les chances de réconciliation de s’estomper, le bilan des victimes du cycle attentats-répression de s’alourdir. Alors, Gribouille pas mort ?
L’un après l’autre, les voyants rouges sont en train de s’allumer, les contrôles laborieusement mis en place à Oslo de sauter. Le raidissement qui avait suivi la débâcle électorale des travaillistes et l’avènement d’un véritable gouvernement de guerre, que l’on s’est dépêché de qualifier de Cabinet d’union nationale, n’a pas tardé à céder la place à une...