Rechercher
Rechercher

Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

CONFÉRENCE - Les rapports entre la mondialisation et le traitement des maladies - La santé n’est pas un droit naturel, - mais une question économique

La mondialisation est un concept à la mode. Il fait partie de l’esprit du temps. En quelques années, tous les problèmes sont devenus globaux : finance, économie, environnement, publicité, culture mais aussi santé. Lors d’une conférence tenue à la faculté de médecine, rue de Damas, les professeurs Antoine Courban et Roland Tomb centrent leur réflexion sur la dimension culturelle et politique de la «Santé» et de la «Mondialisation». Un sujet qui relève de la science politique bien plus que de la science médicale. Prenant en premier la parole, le professeur Antoine Courban établit un parallèle entre la mondialisation et la globalisation, seul terme que l’anglais connaît. La mondialisation implique un «processus dynamique», porteur de valeurs universelles, donc respectueux de toutes les identités. Elle supporte des filières qui permettent un partenariat, des échanges et une entraide. Cette dernière est traduite en anglais par l’expression «growing interdependence» (interdépendance locale croissante). En usage jusque dans les années 70, l’expression a été remplacée dans les années 80 par le terme générique de «globalisation». Elle a pour grand théoricien Zbigniew Brzezinski, auteur du Grand échiquier et ancien conseiller du président américain Jimmy Carter. «La globalisation est une gigantesque omnimarchandisation», dit le conférencier. «Elle est par définition un processus englobant tous les secteurs de l’activité humaine, et ce en vertu du holisme. Elle signifie l’effacement des frontières et des spécificités, au bénéfice des superstructures appelées “réseaux” ou SPIN… Cette vision n’est pas la nôtre ; elle résulte d’une lecture marxiste de l’histoire», ajoute le professeur Courban. Citant ensuite Henri Boutin, le conférencier signale que «le global est l’expression d’une dangereuse utopie, celle de l’Empire écologique». Quant à la mondialisation, elle se décline en deux modèles : la «citoyenne» et la «mercantile» qui caractérise le village global. Dans le premier cas, la santé de chacun est de la responsabilité de tous. Dans le deuxième cas, la santé de l’individu n’a de sens que par rapport à l’ensemble dans lequel il est immergé. Or la santé du consommateur se mesure à ses besoins et à ses capacités de consommer. Il est évident que le bien-être d’un habitant de Calcutta n’est pas celui d’un résident de Manhattan. C’est pourquoi, «les valeurs mensongères de globalité et d’équité qui caractérisent le village global s’opposent aux valeurs authentiques d’universalité et de justice qui fondent la Cité des hommes», dit le professeur Courban. Il rappelle que le concept de santé, comme le souligne la déclaration universelle des droits de l’homme, relève de la notion de «droit naturel», de «dignité» et de «l’exigence de justice». Cependant, la globalisation actuelle privilégie une médecine du corps sociale par rapport à celle de l’individu. Le professeur Courban dénonce les risques d’inégalités et d’injustice ; «des risques d’instrumentalisation des professionnels de la santé et de perversion de la médecine» et, par conséquent, «la menace d’un dérapage éthique». Le conférencier devait par ailleurs insister sur l’action locale pour trouver à chaque situation une solution particulière afin que «notre bien-être ne devienne pas l’aumône du capitalisme aux orphelinats de l’humanisme», a-t-il conclu. Globalisation et infections Prenant ensuite la parole, le professeur Roland Tomb, chef du département de dermatologie à l’Hôtel-Dieu de France, a révélé que souvent les patients lui demandent des explications sur la différence entre l’école française ou l’école américaine en médecine. «Il n’existe pas deux modes, deux modèles en médecine, distincts et concurrents, a-t-il dit. Avec la mondialisation de l’information, les communications transcendent les frontières, les cultures et les cadres institutionnels. Dans le domaine de la santé, les informations peuvent être expédiées partout, sans le moindre contrôle. Internet met tout à la disposition de taus». Abordant ensuite le thème de «la globalisation et des infections», le professeur Tomb a indiqué que la mobilité et la migration des populations ont réduit les différences de l’épidémiologie des infections entre les régions. Le sida en est une illustration spectaculaire. Lorsqu’en 1980, à Los Angeles, San Francisco et New York, apparaît la nouvelle maladie, on commence à parler de «Gay cancer». Les «détectives» médicaux se mettent à la recherche du «patient zéro». Il est retrouvé en la personne d’un steward à Air Canada qui aurait infecté 40 des 248 malades américains diagnostiqués avant avril 1982. Grand voyageur de son métier, il avait semé la maladie tout au long de ses escales, à la cadence d’environ 250 partenaires par an. D’autres estiment que le vrai «patient zéro» se trouvait probablement à New York, parmi les marins venus du monde entier fêter le bicentenaire de l’Independence Day. Le professeur Tomb avance le chiffre de 12 millions de personnes mortes du sida, depuis le début de l’épidémie. Le nombre de personnes atteintes, dans le monde, s’élève actuellement à plus de 30 millions d’individus (dont 1,1 million d’enfants de moins de 15 ans). On compte 16 000 cas de sida par jour, soit près de 6 millions de personnes par an. 20 % de privilégiés dans le monde Chapitre épizooties, le professeur Roland Tomb a indiqué que «la fièvre aphteuse a ressuscité les politiques quarantenaires». Vu l’inexistence des mesures médicales, les gouvernements ont répondu par des «mesures de police». Quant à la maladie de la vache folle, dans sa version transmise à l’homme, «on ne peut guère parler d’épidémie, sinon en puissance pour les plus pessimistes», a-t-il signalé. En comptant une centaine de cas en Grande-Bretagne et quelques cas isolés sur le continent, le Dr Tomb s’interroge sur ce nouveau phénomène qu’est «la mondialisation de la panique» et la menace ressentie par le citoyen libanais face à un problème surgit en Écosse. «Les Libanais devraient plutôt être informés des risques réels liés à l’échinococcose et à la trichinose», a dit le conférencier. Côté «mondialisation et transnationales», le chef du département de dermatologie a dénoncé les pratiques monopolistiques des grandes firmes. «Aux USA, de grosses compagnies pharmaceutiques fusionnent avec celles des assurances-maladie pour absorber les hôpitaux, les pharmacies, les cliniques, les maisons de retraite et les cabinets médicaux». Côté «biotechnologies», les transnationales ont fait main basse sur la recherche en génétique et sur tout produit issu de cette recherche. Ce n’est pas la technologie en soi que le professeur Tomb rejette, mais celle fondée avant tout sur «la manipulation, le contrôle et le profit» . Fléau du tiers-monde Le professeur Tomb relève aussi qu’un grand nombre de firmes transnationales écoulent sur les marchés du Sud des produits «carrément toxiques, interdits dans les pays industrialisés». Il donne comme exemple la centrale nucléaire de Batoon, aux Philippines, et la tragédie de Bhopal qui a tué 6 000 personnes et rendu infirmes 200 000 autres. Planchant sur les chiffres, le professeur Tomb indique que «80 à 85% des dépenses de santé du monde sont réservées aux 20% des habitants du globe qui sont citoyens des pays développés». Pour le sida, par exemple, 92 % des dépenses de prévention et de soins se retrouvent dans les pays industrialisés alors que 92 % des séropositifs et malades vivent dans les pays sous-développés ou en voie de développement. «On a fait le pari que la démocratie et l’accès généralisé aux soins seraient dans le sillage du marché, alors même qu’on peut juger chaque jour du contraire», dit le professeur Roland Tomb. Mais «mondialisation et universalité (celle des valeurs, des droits de l’homme, des libertés ) ne vont pas de pair. Elles seraient plutôt exclusives l’une de l’autre», a-t-il conclu.
La mondialisation est un concept à la mode. Il fait partie de l’esprit du temps. En quelques années, tous les problèmes sont devenus globaux : finance, économie, environnement, publicité, culture mais aussi santé. Lors d’une conférence tenue à la faculté de médecine, rue de Damas, les professeurs Antoine Courban et Roland Tomb centrent leur réflexion sur la dimension culturelle et...