Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGES

L’artiste arabe

L’Arabe, il est vrai, n’interdit jamais tout à fait à l’artiste la représentation de la vie animée qui tressaille parfois furtivement aux murs des palais et des mosquées de l’Espagne et du Maroc. Il obéissait seulement à la répugnance instinctive, pour tout ce qui est forme vivante, des peuples monothéistes modelés par le désert. La religion ne comprime l’instinct qu’aux époques de déchéances. Aux époques de force, l’instinct l’entraîne où il lui plaît d’aller. L’art musulman avait, en Égypte ou en Syrie, la nudité, la tristesse et la grandeur du désert. Au fond des antres frais du Maghreb et de l’Espagne où les califes venaient écouter les philosophes et respirer l’odeur des citronniers après la moisson militaire, il paraissait fait de blocs d’or broyés dans des caillots de sang. Aux Indes, il laissait envahir les mosquées par la marée matérielle du monde. Sur les plateaux de l’Iran, il était comme un champ de fleurs. La Perse ne ressemblait pas plus aux plaines de sable de la Méditerranée orientale, qu’aux vallées andalouse ou marocaine que l’ombre dure et la flamme se disputent éternellement. Dans les hautes régions de l’Ouest qui bordent le désert central, au-dessus des poussières, à trois mille mètres plus près des étoiles que la surface de la mer, l’air a la transparence et la limpidité des glaces. Le vent y moire des prairies blanches, des prairies roses, des nappes de pavots, des champs de céréales qui parcourent, du printemps à l’automne, toutes les nuances incertaines allant du vert tendre au jaune d’or. Les ciels où volent des pigeons, les nuages, ont de ces tons naissants qu’on voit aux fleurs des arbres. Les villes y sont noyées de roses. Quand on approche d’elles, leurs dômes ovoïdes, leurs dômes renflés, leurs assemblées de dômes tournoyants, leurs longs minarets droits qui fusent des taillis de cyprès et de platanes apparaissent comme des souvenirs déjà noyés d’incertitude. Bleu de turquoise, rose éteint, vert pâle, jaune effacé, le mirage a pris l’apparence d’une aquarelle aérienne peinte avec la vapeur d’eau sur le fuyant horizon par l’imagination des artistes qui suivent, de caravansérails en oasis, le sentier des caravanes. De près, ce sont des murs qui croulent, des coupoles lézardées, des minarets dont les entrelacs blancs et noirs s’écaillent. ce sont des ruines. Mais ce sont des ruines fraîches. L’émail qui les revêt, le vieil émail chaldéen que la Perse ancienne avait fait connaître à la Chine et que la Chine rapportait à l’Iran par les hordes tartares, l’émail a gardé, par-dessus l’enduit silicaté qui recouvre la brique, tout son éclat glacé. Des violets, des bleus, des bruns, des blancs d’ivoire, des lilas, des jaunes, des verts y brillent purs ou s’y combinent en buissons de roses, en fleurs d’anémones ou d’iris par-dessus les inscriptions blancs et les arabesques d’or. La chair pulpeuse, l’épiderme nacré des fleurs gonflent les guirlandes vivantes qui se marient là où l’arabesque abstraite des Arabes affirmait ses combinaisons. Sous la haute ogive des portes encadrées d’une croûte d’émaux où les turquoises, les améthystes, les lapis font ramper les phosphorescences de leurs lueurs atténuées, sous la couronne intérieure des dômes mollement arrondis qui ne connaissent pas l’élan mystique du désert, les ornements alvéolaires ruissellent de stalactites. Parfois l’intérieur des coupoles miroite de plaques de verre et de prismes associés. Élie Faure Histoire de l’art, l’art médical.
L’Arabe, il est vrai, n’interdit jamais tout à fait à l’artiste la représentation de la vie animée qui tressaille parfois furtivement aux murs des palais et des mosquées de l’Espagne et du Maroc. Il obéissait seulement à la répugnance instinctive, pour tout ce qui est forme vivante, des peuples monothéistes modelés par le désert. La religion ne comprime l’instinct...