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Actualités - CHRONOLOGIES

Débat fiévreux, mais pas de vraie cassure

À partir du moment où la nouvelle édition du Journal officiel paraîtra, les étrangers, à l’exception des Palestiniens, pourront acquérir des biens-fonds au Liban suivant de nouvelles conditions définies dans la loi votée hier au deuxième jour de la réunion parlementaire. À moins, bien sûr, que le chef de l’État ne la renvoie à la Chambre. Le texte est voté au terme d’un long débat passionné qui a montré à quel point la question palestinienne peut encore susciter des réactions contradictoires chez les Libanais. Pas au point de les diviser sérieusement, il est vrai, mais suffisamment véhémentes pour déclencher un débat fiévreux qui, dans le cas de la Chambre hier, s’est fort heureusement terminé en queue de poisson. La cause de toute l’agitation autour du dossier palestinien ? Une petite phrase du projet de loi stipulant qu’«une personne ne détenant pas de pièce d’identité délivrée par l’État auquel elle appartient, ne peut acquérir un bien foncier, de quelque nature qu’il soit, que sur autorisation du Conseil des ministres». Cette clause n’est pas jugée suffisante par une majorité parlementaire, pour empêcher à la longue une implantation des réfugiés palestiniens au Liban. Et si d’ici à quelques années, l’État palestinien est proclamé et Arafat décide de délivrer des pièces d’identité aux réfugiés éparpillés dans le monde arabe ? Tel un leitmotiv, cette question est reprise par de nombreux députés à partir du moment où Walid Eido ouvre le débat en notant que les Palestiniens ont de tout temps acquis des biens-fonds au Liban grâce à des prête-noms, qu’ils vivent dans des conditions inhumaines et que le Liban traite leur dossier d’une manière «qui n’est pas civilisée». Le président de la Chambre sent que l’intervention du député de Beyrouth risque d’envenimer le débat. Aussi s’empresse-t-il de rappeler que le Liban rejette l’implantation palestinienne et de mettre en garde contre toute tension qui ponctuerait l’examen du texte. Mais le mal est fait. Avec sa placidité habituelle, Hussein Husseini fait remarquer que même si un règlement régional est réalisé, le Liban doit continuer de suivre une politique de défense par rapport à Israël. Un des volets de cette politique, dit-il, est de s’opposer au maintien des réfugiés palestiniens dans le pays. «En rejetant l’implantation, nous ne faisons que préserver leur identité», renchérit-il. «Il ne s’agit pas du tout de traiter cette question d’une manière non civilisée», affirme à son tour Neemétallah Abi Nasr, piqué au vif par la remarque de Eido. Ses arguments pour encourager la Chambre à poser des contraintes sévères à l’acquisition de biens-fonds par des étrangers sont, en gros : la densité démographique au Liban est la plus élevée au monde ; avec le chômage, elle favorise l’émigration des Libanais ; la surface exploitable du territoire libanais ne dépasse pas les 5 000 kilomètres carrés. Il trouve quand même que la loi sous étude reste meilleure que la précédente : «Entre deux maux, nous devons choisir le moindre». «J’aurais préféré ne pas entendre cette expression», réplique le chef du gouvernement, qui, dans une tentative de trancher le débat, propose que la clause élaborée par son équipe sur la question palestinienne soit jointe à celle, contestée, de la commission de l’Administration et de la Justice. Le texte initial stipulait qu’«aux termes de la présente loi aucune autorisation (d’acquisition de biens-fonds) qui serait en contradiction avec le texte de la Constitution relatif au rejet de l’implantation palestinienne ne peut être accordée à une personne physique». Mais rien n’y fait et le débat reprend de plus belle. Mohammed Kabbani, Bassem Yamout et Marwan Farès défendent farouchement le droit des Palestiniens à l’acquisition d’appartements. «C’est une question en rapport avec les droits de l’homme. Nous faisons montre de discrimination et de racisme à l’égard des Palestiniens», fulmine Kabbani. «Mais vous donnez l’impression que la salle est divisé en deux camps, ce qui n’est pas le cas puisqu’il y a une unanimité parlementaire pour rejeter l’implantation. Voyons d’abord les intérêts du Liban», Berry tente encore une fois d’adoucir la discussion. En vain. Pendant qu’il parle, Nayla Moawad discute avec Kabbani. «Les femmes interviennent toujours au moment inopportun», lui lance Berry sur le ton de la plaisanterie. Plus sérieux, il explique que le dossier palestinien «constitue un des volets de l’agression israélienne contre le Liban». C’est ensuite au tour de Moawad de prendre la parole. «On s’était entendu pour que vous cessiez de dire “des femmes” (Neswen)» rappelle-t-elle à l’adresse de Berry. Mais pour Boutros Harb, l’heure n’est pas à la plaisanterie. «Si un Palestinien achète un appartement, il n’y a aucun problème, mais si 200 000 acquièrent 200 000 logements, là il y a un véritable problème. Les droits de l’homme ne doivent pas être à notre détriment», dit-il avant de rappeler qu’au Liban certaines lois, religieuses notamment, sont discriminatoires, «à l’égard des femmes par exemple». «Bien dit», réplique Hariri. Saleh Kheir provoque l’hilarité générale en proposant un renvoi du texte en commission. Sa voix se fond dans le brouhaha et les applaudissements qui suivent. On l’entend à peine dire : «Mais c’est pour éviter les surenchères». C’est grâce à Nicolas Fattouche que le débat s’oriente dans une autre direction, plus économique. Le député, hostile à une vente aveugle de parcelles du territoire libanais «parce que celui qui s’approprie la terre, s’approprie les lois et le sort du pays» tient à connaître les surfaces acquises dans le passé par des étrangers, la superficie proposée à la vente et l’impact de cette loi sur le volume des investissements étrangers. Il n’obtiendra pas de réponse. Le débat se prolonge et prend fin avec l’adoption d’une proposition d’amendement de Husseini qui concrétise l’idée émise par Hariri. La nouvelle loi stipule ce qui suit : «Une autorisation d’acquisition d’un bien foncier, de quelque nature qu’il soit, ne peut pas être accordée à une personne qui n’est pas en possession d’une nationalité ou d’une pièce d’identité émanant d’un État internationalement reconnu ou à toute autre personne s’il s’avère que cette autorisation va à l’encontre des dispositions de la Constitution sur le rejet de l’implantation». Soutenu par Nassib Lahoud, Harb engage une véritable épreuve de force pour obtenir que les personnes d’origine libanaise puissent être autorisées à acquérir des terrains au Liban, sans autorisation préalable du gouvernement. Peine perdue. Plusieurs propositions d’amendement sont avancées mais ne passent pas. Seul le Hezbollah, qui proteste contre un article qu’il juge discriminatoire parce qu’il précise la superficie de la bande frontalière, obtient gain de cause : l’article est abrogé. En tout, deux amendements auront donc été introduits au texte de loi. Le Parlement s’attaque ensuite à deux projets de loi. Le premier, renvoyé par le chef de l’État, se rapporte au calcul des indemnités des militaires qui ont pris leur retraite entre 1994 et 1998. Il est fortement contesté par le ministre des Finances qui pense qu’il va entraîner des revendications salariales dans le secteur public civil. Le deuxième, datant du mandat Hraoui, concerne l’exemption des étudiants surdoués des conditions imposées pour la participation au concours d’entrée à la faculté de sciences pédagogiques. Il est contesté par Hariri qui le juge «inéquitable» mais qui, au moment du vote à main levé, n’hésite pas à l’approuver, au grand amusement des parlementaires. Auparavant, la Chambre avait voté en un tournemain six projets de loi qui avaient été renvoyés la veille au gouvernement pour vice de forme et que l’Exécutif lui avait soumis le matin, avec les corrections nécessaires. Le vice de forme se rapporte à l’absence des signatures des ministres concernés. Cette question a d’ailleurs suscité un débat à l’ouverture de la séance, à 18h, entre Mikhaël Daher d’une part et Hussein Husseini, Boutros Harb, Nicolas Fattouche et Antoine Ghanem de l’autre. Pour Daher, il suffit que le projet de loi soit approuvé par le Conseil des ministres et transmis au Parlement pour qu’il soit constitutionnel, du moment que l’autorité exécutive est confiée au Conseil des ministres. L’autre groupe juge, en se fondant sur les articles 53 et 54 de la Constitution, qu’il est impératif que le décret de transmission d’un projet de loi à la Chambre soit cosigné par le ministre concerné et établit une différence entre le décret par lequel un projet de loi est soumis au Parlement et la décision par laquelle il est approuvé en Conseil des ministres. La Chambre renvoie en commission le texte d’un projet d’accord commercial avec les Émirats arabes unis en raison de l’absence de l’exposé des motifs. Pour trancher le débat, Berry propose d’effectuer une étude constitutionnelle sur la question et de communiquer ses conclusions à l’Assemblée. La séance est levée à 21h30. La réunion parlementaire reprendra mardi prochain, avec à son ordre du jour, notamment, le volumineux projet de loi portant amendement du code de procédure pénale ainsi qu’une proposition de loi amendant le texte régissant le service du drapeau.
À partir du moment où la nouvelle édition du Journal officiel paraîtra, les étrangers, à l’exception des Palestiniens, pourront acquérir des biens-fonds au Liban suivant de nouvelles conditions définies dans la loi votée hier au deuxième jour de la réunion parlementaire. À moins, bien sûr, que le chef de l’État ne la renvoie à la Chambre. Le texte est voté au terme...