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Actualités - CHRONOLOGIES

HISTOIRE - État des lieux en Orient à la veille de l’expansion arabo-musulmane - Le siècle de Justinien et le siècle de Moawiya - -

Nul ne peut contester que l’âge d’or de l’Empire byzantin fut le VIe siècle, Justinien étant empereur. C’était le grand calme générateur de prospérité et de créativité entre deux périodes de grandes mutations. D’un côté le grand empire d’Occident qui bascule dans le néant, de l’autre pointait déjà l’aube de l’islam. Cette période de grâce et d’abondance allait durer pour le Liban jusqu’au milieu du VIe siècle, date à laquelle, suite à un tremblement de terre dévastateur, Beyrouth et le Liban connurent une période de malheurs jusqu’à l’arrivée des Arabes. Le Proche-Orient, Liban, Syrie et Palestine, pouvait être considéré comme une région bénie de Dieu et des dieux, puisque cohabitaient en elle, plus ou moins harmonieusement, le christianisme orthodoxe universel, les shismes, les hérésies ainsi que quelques poches d’idolâtres inconditionnels, nostalgiques des cultes d’Adon et de Baal-dieu du soleil à Afqa, Emèse (Homs), Baalbeck et autres lieux. En effet, les historiens spécialistes de cette période s’accordent à dire que la pénétration du christianisme dans certaines villes ou régions telles que Emèse, Afqa ou Baalbeck connut de grandes difficultés. On n’a trouvé que très peu d’inscriptions chrétiennes à Homs, alors qu’elles sont relativement nombreuses dans la région. Il semblerait que le culte du soleil à Baalbeck et à Homs ait subsisté jusqu’à la fin du Ve siècle. Ce n’est que quelques années avant l’invasion arabe que le christianisme avait réussi à devenir majoritaire à Baalbeck. Il ne faut pas oublier que les villes mentionnées plus haut avaient un caractère sacerdotal et vivaient du pèlerinage et de l’exploitation des oracles. Une économie en pleine expansion René Dussaud admet comme probable l’existence de païens à Homs et peut-être dans d’autres régions jusque vers le milieu du Moyen Âge. Mais à l’époque de la conquête arabe, aucun document ne mentionne la présence des païens dans la ville et la région de l’Emésène, mais seulement la présence de chrétiens et de juifs, et ces mêmes sources notent l’accueil chaleureux fait aux envahisseurs par la population indigène. La prospérité génère la tolérance : et toutes ces communautés vivaient en bonne entente soudées par une économie en pleine expansion. Le blé des plaines de la Syrie et de la Békaa inondait tout l’empire, la production d’olives et d’huile d’olives de la région était rassemblée à Porphyrion (Jiyyé) et était exportée vers tous les ports de la Méditerranée. Les produits artisanaux de luxe, les étoffes teintées de pourpre et les soieries se négociaient à prix d’or. Une vie intellectuelle et culturelle intense s’était développée à Beyrouth grâce surtout à la puissance de cette fameuse école de droit qui édictait les lois de l’empire et qui recevait des étudiants de tout le monde connu à l’époque. Des caravanes sillonnaient les plaines, les déserts et les steppes transportant les marchandises et les idées des ports phéniciens de la Méditerranée jusqu’à la Chine et vice versa. Bref, la région grouillait de monde. Le peuple phénicien s’était peu à peu dissous dans le peuple araméen et les immigrés grecs et romains. Les Araméens de Syrie vivaient en parfaite convivialité avec les Arabes palmyréniens et émésiens, alors qu’en Palestine et en Transjordanie les Nabatéens arabes brillaient par leur civilisation de soleil pétrifié. C’est donc vers ce pays de cocagne, cet eldorado, que les premières vagues de ces missionnaires guerriers de l’islam se dirigèrent. Les quelque trente mille cavaliers fougueux emportés par le zèle du néophyte qui arrivèrent devant les portes de Damas déferlèrent aussi sur les plaines d’Irak, de Syrie, de Palestine et du Liban. Ils investirent donc non pas un territoire inhabité ou rachitique mais, bel et bien, un des endroits les plus peuplés et les plus grouillants d’humanité et d’humanisme de tout l’Empire byzantin et s’il y avait parmi les sujets de Constantinople des populations arabes en Transjordanie et en Syrie, comme nous l’avons déjà signalé plus haut, le gros de la population de cette région était formé d’indigènes, à savoir une population à majorité araméano-phénicienne métissée de greco-romains. C’est d’ailleurs un chrétien araméen, Mansour ibn Sargoun, gouverneur de Damas, qui ouvrit les portes de la ville aux Arabes qui l’occupèrent pacifiquement. Des populations indépendantes Dans ses «Prolégomènes», Ibn Khaldoun montre comment les Arabes n’établissent facilement leur domination que dans les pays des plaines. L’histoire de la conquête du Proche-Orient nous fait voir la justesse de cette observation. Même à la fin du règne de Moawiya, les populations occupant la grande chaîne montagneuse coupant la Syrie du Nord au Sud pouvaient être considérées comme, de fait, indépendantes. Si on étudie d’un peu plus près les mœurs de ces Arabes sortis du désert, on constate très vite combien ces conquérants mirent de temps avant de s’accommoder au séjour des villes dans les provinces de leur nouvel empire. Périodiquement, ils ressentaient l’appel du grand air et du désert et s’en retournaient vers l’Arabie en une «Higra» à rebours. Ce qui risquait de compromettre les résultats péniblement acquis de cette grande expansion de l’impérialisme arabe. On menaça les «déserteurs» des pires châtiments et malédictions, leur faisant comprendre que retourner au désert équivalait au crime d’apostasie, et le bédouin, reprenant sa vie errante, était qualifié de renégat. La conquête arabe au VIIe siècle s’arrêta, vers le nord, à la banlieue d’Antioche ; elle ne dépassa certainement pas le massif de l’Amanus, lequel, pendant toute la période omayyade, constitua la véritable frontière entre la Syrie et l’Antiochie grecque. Les incursions réussies des Mardaïtes, habitants de l’Amanus, vers la Syrie et le Liban au début de l’époque omayyade montrent, combien était précaire la domination arabe sur cette région et le manque aigu d’effectifs militaires purement arabes. Quoi qu’il en soit, les plaines et les côtes de la région furent islamisées en peu de temps. Les habitants sémites avaient accueilli avec beaucoup de sympathie les nouveaux venus qui appartenaient au même groupe racial qu’eux et qui les libéraient de la lourdeur et de l’oppression des Byzantins. Ensuite, la nouvelle religion qui se présentait ne les désemparait pas beaucoup puisqu’elle était perçue comme une secte chrétienne aux dires de saint Jean Damascène. Les habitants s’appliquèrent à apprendre l’arabe et s’arabisèrent rapidement. Cela pour ceux qui avaient embrassé la nouvelle religion. Pour les autres qui étaient restés chrétiens, dans les montagnes, ils ne commencèrent à parler un jargon arabe qu’à partir du XIVe siècle, comme le note Dussaud. La thalassémie Ce que nous voulons un peu éclaircir, c’est que le Liban au VIIe siècle était un pays prospère, riche et avait une densité de population indigène très importante, il ne s’est donc pas vidé d’un coup par une «nuit sans lune» de tous ses habitants, pour se voir repeupler en quelques mois par des tribus entières sorties d’Arabie. D’un autre côté, les démographes assurent que toute l’Arabie au VIIe siècle n’avait pas plus que 500 000 habitants. Il est donc humainement impossible que ceux-ci aient peuplé en quelques dizaines d’années la Syrie, le Liban et la Palestine. Dans un autre domaine, les médecins spécialistes des maladies endémiques et génétiques assurent que là où les Phéniciens sont allés, ils ont laissé derrière eux, transmis par leurs gènes, une maladie qui reste jusqu’à présent incurable et est appelée en Europe «la maladie des Phéniciens» ou thalassémie. Or les statistiques ont prouvé que plus de 90 % des cas de thalassémie traités dans les centres spécialisés au Liban viennent des villes de la côte, Tyr, Sarafand, Sidon, Beyrouth, Byblos, Tripoli et les rivages du Akkar ; ce qui prouve que les vrais descendants des Phéniciens sont les habitants des côtes et non les montagnards.
Nul ne peut contester que l’âge d’or de l’Empire byzantin fut le VIe siècle, Justinien étant empereur. C’était le grand calme générateur de prospérité et de créativité entre deux périodes de grandes mutations. D’un côté le grand empire d’Occident qui bascule dans le néant, de l’autre pointait déjà l’aube de l’islam. Cette période de grâce et...