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Actualités - OPINIONS

L’examen de passage - «Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne», - Jean-Pierre Chevènement, - ancien ministre français de l’Intérieur

Il a remplacé, depuis novembre dernier, son papa au ministère de l’Intérieur. Et depuis, les signaux, les appels du pied, les regardez-comme-tout-ou-presque-a-changé-grâce-à-moi, tout cela se multiplie, plus ou moins discrètement, plus ou moins régulièrement. Effectivement. Depuis quatre mois, les barrages d’alcootest et les radars se sont intensifiés sur les routes. Très bonne chose – même si tout le monde n’est pas toujours logé à la même enseigne. Depuis quatre mois, les agents des Forces de sécurité intérieure sont plus polis, plus souriants, comme s’ils commençaient à comprendre qu’ils sont loin d’être au-dessus des lois. Très bonne chose – même si le chemin est encore long. Depuis quatre mois, l’arrogance, la suffisance, la fatuité, la certitude démiurgique de pouvoir faire au Liban la pluie et le beau temps sont beaucoup, beaucoup moins présentes. Excellente chose – même si la (légitime) appréhension de voir l’hérédité revenir au galop est toujours présente. Cet officier sanctionné pour avoir bousculé un ingénieur, il y a un mois à l’AIB, cet autre décoré pour son sang-froid et sa maîtrise de la situation lors du sit-in de Tabaris en faveur des prisonniers libanais en Syrie, cette manifestation au Musée qui n’a pas vraiment dégénéré, bref, que des points positifs à inscrire au crédit d’Élias Murr. Points importants à rappeler, à souligner, sans pour autant omettre les dérives rencontrées un peu partout, chaque jour, et à mettre sur le compte d’une baisse d’attention du ministre ou de l’atavisme coriace des Libanais. Sauf que... Sauf que c’est aujourd’hui mercredi que l’on saura, plus encore, si le ministre de l’Intérieur Élias Murr compte bien révolutionner la conception et la réputation de son ministère, ou si tout cela n’est que ronds dans l’eau, poudre aux yeux. Aujourd’hui mercredi 14 mars – date symbolique s’il en est –, et à l’initiative d’un courant politique libanais, une manifestation «pacifique, à la Gandhi», aura lieu, une façon d’exprimer un rejet, on ne peut plus légitime, de l’occupation syrienne. Et depuis hier, l’armée – qui ne dépend certes pas du ministre Murr, mais «on» a décidé de la mettre aux premières loges – s’est surmobilisée, des tanks sont sur le qui-vive, les barrages se multiplient. Tout le monde le sait, les mesures de sécurité relèvent, en principe, de la seule compétence du ministère de l’Intérieur. Qui s’est empressé avant-hier lundi de préciser que le Conseil central de sécurité a décidé «de multiplier les mesures visant à préserver la stabilité dans le pays et la sécurité des citoyens». Que l’on nous explique juste en quoi «une manifestation pacifique, à la Gandhi», menace la stabilité d’un pays ou la sécurité de ses citoyens. Le Conseil de sécurité a également décidé «d’empêcher toutes les activités susceptibles de provoquer la rébellion ( !) et les troubles en cette phase précaire». La phase est précaire depuis des décennies, et la manifestation est un droit inaliénable dans tout pays qui se targue ou s’arroge le label de démocratie. Et une manifestation dans laquelle se reconnaît, publiquement ou en privé mais unanime, la quasi-majorité des citoyens libanais, comment peut-on en dire qu’elle risque de susciter la «rébellion» ? Rébellion contre qui ? Contre quoi ? Armée ou FSI, c’est le ministre de l’Intérieur qui sera, aujourd’hui, sous les projecteurs. Les manifestants – même s’ils n’ont pas eu l’intelligence (ou la bonne foi) de demander une autorisation préalable auprès du ministère – «doivent» pouvoir exercer en toute liberté, à condition que cela se fasse pacifiquement, un de leurs droits les plus élémentaires. C’est l’occasion idéale pour Élias Murr de prouver qu’un novice en politique peut avoir l’étoffe d’un grand homme. Élias Murr – et ce n’est pas trop lui demander – est responsable aujourd’hui de la sécurité et du bien-être de chaque manifestant et de chaque journaliste ou photographe qui marcheront pour protester contre la présence syrienne. Un ministre, qu’il soit de l’Intérieur ou pas, s’il est court-circuité par les grands décideurs, n’a plus qu’un seul choix : fermer sa gueule. S’il veut défendre les prérogatives des Libanais ou les principes de base d’une démocratie et par-là, devenir un grand homme politique, il lui faudra démissionner. À bon entendeur...
Il a remplacé, depuis novembre dernier, son papa au ministère de l’Intérieur. Et depuis, les signaux, les appels du pied, les regardez-comme-tout-ou-presque-a-changé-grâce-à-moi, tout cela se multiplie, plus ou moins discrètement, plus ou moins régulièrement. Effectivement. Depuis quatre mois, les barrages d’alcootest et les radars se sont intensifiés sur les routes....