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Actualités - CHRONOLOGIES

AVENTURE - À Beyrouth, après l’Europe et une partie du Moyen-Orient - Sept étudiants équatoriens prêchent, à bicyclette - et à travers le monde, la bonne parole écologique

À bicyclette dans un monde de voitures. Autant dire à contre-courant. Un groupe de sept jeunes Équatoriens a décidé, il y a quelques mois, de prendre la route pour semer sur son passage la conscience de la dégradation de l’environnement sur la seule île connue pour abriter l’espèce humaine, la planète Terre. Leurs deux-roues mécaniques les ont menés jusqu’au Liban où ils ont défilé rue Hamra lundi dernier, après avoir fait un tour dans les locaux de notre confrère An-Nahar. Ils nous expliquent, avec leurs mots dénués de tout artifice, les motifs de leur drôle de périple. Si l’idée de sillonner une partie du monde à vélo a fait son chemin dans la tête de ces nouveaux globe-trotters, qui fréquentaient tous le même établissement scolaire il y a encore peu de temps, ce n’est pas par hasard. «Tout a commencé lorsque nous avons parcouru à vélo la distance de 6 000 kilomètres de l’Équateur jusqu’au Brésil, en passant par la Colombie et le Venezuela», nous raconte en français Nicolas (21 ans), rencontré ainsi que ses amis dans l’église du Rosaire qui les accueille durant leur séjour au Liban. «48 personnes étaient du voyage et nous étions soutenus par notre école. L’expérience nous a laissé un souvenir fabuleux». Le souvenir, apparemment, n’a pas cessé de les tarauder puisque sept d’entre eux décident, une fois leur diplôme en poche, de se lancer dans une aventure encore plus folle, encore plus loin, «pour voir d’autres cultures, rencontrer d’autres gens dans des continents différents». Ainsi, Kurikamak (17 ans), Veronica (18 ans), Pablo (18 ans), Camila (19 ans), Federico (19 ans), Manù (21 ans) et Nicolas se mettent en route vers Paris, qu’ils atteignent en avion le 24 septembre dernier. Le groupe parcourt la France et continue son chemin jusqu’en Italie, qu’il traverse «en zigzag». La Grèce est la troisième étape du périple qui les mènera jusqu’en Turquie, en Syrie puis au Liban, dont les cyclistes longent les côtes. Leur destination finale reste Le Caire où ils devront arriver dans deux mois à peu près, après avoir suivi l’itinéraire suivant : de Beyrouth jusqu’à Damas, puis en Jordanie, notamment du côté de la mer Rouge, jusqu’en Égypte. Après, c’est de nouveau l’avion jusqu’à Paris, où ils devront travailler durant deux mois pour regagner leur pays. SOS : forêt amazonienne en danger Leur principale motivation ? «Faire la connaissance de nouvelles cultures, de nouveaux styles de vie sous d’autres horizons», explique Nicolas. «Mais nous espérons aussi faire passer un message écologique : la protection de la forêt et de la nature. Nous voudrions faire prendre conscience de ce qui se passe dans le monde. La pollution qui s’aggrave suscite en nous une profonde inquiétude». La situation écologique au Liban aussi. Les jeunes relèvent la déforestation qui les a frappés, notamment dans la forêt des cèdres millénaires au Liban-Nord, aujourd’hui réduite à sa plus simple expression. Ils sont tristes aussi de constater la pollution de notre beau littoral. C’est d’ailleurs, à l’origine, la disparition progressive de l’un des écosystèmes majeurs de la planète, la forêt amazonienne, que les jeunes Équatoriens connaissent bien, qui a animé en eux le désir de combattre la dégradation de l’environnement chez eux et ailleurs. Comment nouent-ils un contact avec les gens ? Provoquent-ils chez les populations des contrées qu’ils traversent une curiosité en faveur de leur initiative peu commune ? «Nous abordons les gens dans la rue et nous avons parfois la chance de faire l’objet d’articles dans des journaux locaux ou de parler dans des écoles ou des universités», dit Nicolas. «C’est dans de telles circonstances que nous racontons la triste histoire de notre pays, l’Équateur, qui risque aujourd’hui de perdre à jamais l’Amazonie, foyer d’une biodiversité des plus remarquables. Si la destruction continue, dans dix ou quinze ans, cette forêt si importante ne sera plus qu’un souvenir...». L’organisation du voyage a débuté il y a un an, et avec elle l’engagement de plus en plus profond des jeunes à répandre autour d’eux la conscience écologique. Leur premier voyage leur avait auparavant permis d’évaluer les dégâts et d’en parler aux populations rencontrées. Mais ils se sont vite rendu compte que leur message passait mieux s’il est international. Comment les gens réagissent-ils généralement à leurs paroles ? «Les réactions diffèrent, évidemment», raconte Nicolas. «Mais nous sentons le plus souvent que nos récits touchent les personnes à qui ils sont adressés et provoquent en elles une inquiétude quant au futur. Souvent, les peuples n’ont pas idée des périls écologiques dont nous les entretenons». Pas de sponsors, tracas financiers Ce long voyage n’est-il qu’une parenthèse dans leur vie d’étudiants ? Retourneront-ils à la tranquillité des études universitaires après avoir sillonné des terres si étrangères à la leur ? Les jeunes nous répondent alors par la négative, relatant les difficultés pécuniaires dans lesquelles ce projet les a plongés. Pour avoir voulu, courageusement, répandre l’éveil écologique de par le monde et sauver, par le seul moyen qui leur paraît possible, leur belle Amazonie, ils ont été récompensés en n’étant pas pris au sérieux. Résultat : chacun d’entre eux est endetté de 2 000 dollars à la banque, et ils n’ont devant eux que la perspective de travailler longtemps dans leur pays pour rembourser une dette considérée comme énorme en Équateur. Avec une si sombre perspective avant même leur départ de leur pays, il a fallu une bonne dose de volonté et d’idéalisme pour se jeter quand même à l’eau. La recherche de sponsors, si infructueuse en Équateur, ne s’arrête pas, et les jeunes cyclistes écologistes ne perdent pas espoir de rencontrer des bienfaiteurs en chemin. En attendant, pour ne pas augmenter le montant de la dette, ils s’efforcent de limiter les dépenses quotidiennes au maximum, ne dépassant jamais les dix dollars par jour. Comme au Liban, ils sont accueillis dans des églises, dans des foyers ou chez des habitants hospitaliers. Au pire des cas, ils dressent leurs tentes et dorment en plein air. Les contacts dans les villes leur restent tout de même précieux. Les jeunes Équatoriens sont particulièrement bien impressionnés par l’accueil chaleureux qu’ils ont reçu à travers le Moyen-Orient. «L’hospitalité est remarquable dans ces pays», souligne Nicolas. «Les gens se sentent concernés par nous, nous demandent si nous avons froid ou si nous voulons du café. Ils ne nous laissent rien payer. Ça a commencé en Turquie et ça ne s’est jamais démenti depuis !». Rencontrent-ils des problèmes en route ? Sont-ils bien préparés physiquement ? Après tout, parcourir de telles distances à bicyclette... Les jeunes nous racontent que leur condition physique est excellente, mais qu’ils souffrent surtout de problèmes mécaniques. Ils pédalent en moyenne de dix à onze heures par jour. Et le message écologique passe-t-il aux autres, selon eux ? Les cyclistes sont optimistes et pensent que les gens se sentent concernés parce que, après tout, cette situation les touche en premier lieu. Changer un monde d’avions supersoniques, de trains rapides et de fusées interplanétaires, à bicyclette. Il faut avoir vingt ans pour y croire, pour croire que les êtres humains peuvent encore se soucier de la Terre maternelle à laquelle ils doivent de vivre et qui demande du respect. À bien y penser, leur enthousiasme est contagieux... et leur courage admirable.
À bicyclette dans un monde de voitures. Autant dire à contre-courant. Un groupe de sept jeunes Équatoriens a décidé, il y a quelques mois, de prendre la route pour semer sur son passage la conscience de la dégradation de l’environnement sur la seule île connue pour abriter l’espèce humaine, la planète Terre. Leurs deux-roues mécaniques les ont menés jusqu’au Liban où...