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Actualités - CHRONOLOGIES

BEYROUTH-PARIS - Les hommes d’affaires français manifestent un intérêt teinté d’appréhensions pour les investissements au Liban - Hariri promet d’intervenir personnellement - pour résoudre les tracasseries d’ordre administratif -

Journée placée sous le signe de l’économie, hier, pour le chef du gouvernement et la délégation qui l’accompagne à Paris, au deuxième jour de leur visite officielle en France. La réunion que M. Rafic Hariri a tenue tôt le matin avec les hommes d’affaires français, autour de la table du petit déjeuner à la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, a mis en relief l’intérêt que le secteur privé français porte aux investissements au Liban. Un intérêt teinté toutefois de beaucoup d’appréhensions que M. Hariri s’est efforcé de dissiper en exposant longuement à ses interlocuteurs le programme en voie d’application par son équipe pour faciliter les placements dans le pays tout en tentant de résorber le déficit budgétaire de l’État. Le chef du gouvernement, qui avait abordé le même sujet la veille avec le président Jacques Chirac et son homologue français, Lionel Jospin, est revenu à la charge hier, au cours de la conférence de presse qui a suivi la réunion de la CCIP, pour expliquer le procédé par lequel le Liban espère pouvoir alléger le poids de sa dette publique. Il faut comprendre qu’aucune offre gratuite ne sera faite à Beyrouth, en ce sens qu’il n’est pas question d’effacer une partie des emprunts contractés par le Liban, de prolonger les délais d’échelonnement ou de réduire les taux d’intérêt servis sur la dette, mais de l’aider à mieux s’organiser pour assainir ses finances. M. Hariri s’explique : «Le déficit budgétaire de l’État s’élève à 50 ou 51 % dont 43 % vont au service de la dette, ce qui signifie que 86 % de notre déficit servent à financer la dette publique et c’est énorme. En moyenne, l’État paie un peu plus de 12 % d’intérêts pour la dette interne et externe. Avec l’aide des institutions internationales et des pays amis, il est possible d’obtenir des fonds à des taux bonifiés, qui contribueront à réduire la facture payée par l’État pour le service de la dette et influeront directement sur le déficit budgétaire. Simultanément, les fonds qui seront réunis grâce aux projets de privatisation (totalisant près de 5 milliards de dollars) seront aussi utilisés pour réduire le poids de la dette publique, ce qui entraînera automatiquement une baisse des taux d’intérêt et par voie de conséquence, un assainissement des finances publiques. Le déficit budgétaire est directement lié au service de la dette publique et le gouvernement entend se servir de tous ses contacts avec les organisations et les pays amis pour trouver les meilleurs procédés, appliqués partout dans le monde, afin de réduire le poids de notre dette». Confiant, surtout depuis que M. Chirac lui avait annoncé mercredi qu’il avait pris contact avec les présidents de la Banque mondiale, de la Commission européenne, de la Banque européenne d’investissements et le Japon, pour les encourager à contribuer à l’allègement du poids de la dette, M. Hariri a assuré que le Liban n’aura aucun problème à obtenir des prêts à des taux bonifiés et à réduire ainsi le poids de ses obligations financières. Volonté de la France d’accroître sa présence Le chef du gouvernement avait développé le même raisonnement, mais en résumé, devant les hommes d’affaires réunis à la CCIP avec, en prime, tout un exposé détaillé sur les facilités fiscales et administratives accordées aux investisseurs étrangers, sur lesquels le Liban compte pour stimuler son économie et parvenir à réduire son déficit budgétaire. Les représentants de 103 compagnies privées françaises étaient présents au petit déjeuner de travail. Leurs questions reflétaient un intérêt accru pour les projets de développement et de privatisation proposés par le gouvernement et une curiosité encore plus soutenue à l’égard de la réforme législative dans le domaine des affaires. Cet intérêt s’est également exprimé dans l’allocution du président du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), Ernest-Antoine Seillière, qui a souligné, dans son mot de bienvenue, la volonté des entreprises françaises d’accroître leur présence au Liban et de s’engager dans le processus de privatisation qui doit être lancé dans quatre mois dans le pays (selon les explications du chef du gouvernement, plus tard). Même son de cloche auprès de M. Michel Franck, président de la CCIP, qui a affirmé que «l’engagement de la France en faveur du Liban ne se dément pas en dépit d’un environnement régional instable», avant de rappeler que la France est le deuxième fournisseur et le troisième client du Liban. Les questions posées par les hommes d’affaires français à M. Hariri traduisaient dans le même temps une connaissance presque parfaite des complications du système administratif et législatif (domaine des affaires) libanais. C’est ainsi que M. Hariri s’est vu plusieurs fois contraint de donner des explications sur la réforme des douanes, cette bête noire des fabriquants français, en répondant aux questions relatives à des tracasseries précises au niveau de l’exportation vers le Liban. Tant et si bien qu’à la fin, il n’a pas pu s’empêcher de lancer à ses interlocuteurs : «Notre loi sur les douanes date de 1949, comme la vôtre. Elle a d’ailleurs été presque calquée sur vos textes. Mais vous, vous les avez changés par la suite. Le problème, c’est que vous avez oublié de nous le dire», provoquant l’hilarité générale. Porte ouverte au Sérail M. Hariri semblait tellement soucieux d’encourager les compagnies françaises à ouvrir des succursales au Liban ou à financer toutes sortes de projets dans le pays, qu’il a même invité ses interlocuteurs à prendre directement contact avec lui, au cas où ils se heurteraient à des difficultés administratives au Liban. «Vous vous heurtez presque tous aux mêmes problèmes et nous sommes prêts à les régler sans tarder, car nous considérons que les relations avec la France sont d’une grande importance. Vous pouvez me joindre personnellement en appelant au Sérail. Ma porte sera toujours ouverte pour vous». Il leur avait auparavant fourni les chiffres précis des impôts fixés sur les revenus et les bénéfices des sociétés et annoncé la prochaine reprise par le CDR d’une série de projets d’infrastructure pour 500 millions de dollars. M. Hariri a aussi informé les exportateurs qu’à partir d’avril, toutes les formalités qu’ils étaient censés entreprendre auprès de l’ambassade du Liban à Paris, seront supprimées. Le chef du gouvernement n’a pas pu toutefois donner des explications précises aux personnes soucieuses d’en savoir plus sur les normes de qualité appliquées dans le pays et qui se plaignaient dans le même temps du non-respect des cahiers des charges. Pour les normes de qualité, il a expliqué qu’une étude est en voie de préparation et que le Liban suit traditionnellement les normes françaises et européennes. Pour le non-respect des cahiers des charges, il a insisté sur le fait que son gouvernement est en train de régler ce problème, mais sans donner davantage de précisions. Un axe double À Paris – comme à Tokyo la semaine dernière, ou dans toutes les capitales arabes et occidentales qu’il a déjà visitées, c’est sur deux axes complémentaires que le chef du gouvernement est intervenu pour promouvoir les investissements français au Liban et obtenir un plus fort engagement de la France dans le processus de redressement économique du pays : l’axe officiel qui s’est exprimé par ses entretiens avec les dirigeants français ainsi que par les pourparlers bilatéraux des neuf ministres qui l’accompagnent avec leurs homologues français. L’axe privé qui s’est exprimé par sa rencontre avec les représentants des principales compagnies françaises, dont certains n’ont pas hésité à désigner comme étant «particulièrement intéressant» le tableau brossé par M. Hariri sur le panorama des affaires au Liban. Le chef du gouvernement n’a pas non plus caché sa satisfaction quant aux résultats de sa visite à Paris, sur le double plan politique et économique, dans la conférence de presse qu’il a tenue ultérieurement au siège de la CCIP. Mais s’il a répondu volontiers à toutes les questions qui lui ont été posées, il y en a une sur laquelle il n’a pas été possible de lui arracher un commentaire: il s’agit de la pétition signée par les 62 parlementaires français et des deux projets de motion, reprenant les mêmes idées que la pétition (application de la 520, respect des libertés...) en voie de préparation au Sénat et au Parlement européen. «Lorsqu’elles seront votées, on verra», s’est-il contenté de répondre, le sourire aux lèvres. Quant à la pétition, il continue de l’ignorer, dans un souci évident de ne pas attiser le débat autour de la présence syrienne au Liban. Sur la teneur de ses discussions avec les autorités françaises, le chef du gouvernement est resté, de manière générale, plutôt discret pour ne pas dire vague. Bien sûr, il a exposé les grandes lignes des sujets évoqués mais sans plus. Il a fallu insister en l’interrogeant sur les discussions engagées avec les autorités françaises au sujet du dossier du blanchiment d’argent et des accords avec le Gafi, et sur le bien-fondé des informations selon lesquelles des sanctions seraient prises à l’encontre du Liban au cas où il ne signerait pas ces accords avant juin, pour qu’il dise : «Ce n’est pas là un instrument de travail pour une organisation internationale (en allusion aux sanctions). De toute façon, la loi sur le blanchiment d’argent sera promulguée avant juin». Et le sort du secret bancaire? «Nous nous sommes mis d’accord avec le Gafi pour former une commission formée du gouverneur de la Banque centrale, d’un magistrat et du président de la commission de contrôle des banques», a-t-il déclaré sans plus de précisions. M. Hariri s’est montré beaucoup plus loquace lorsqu’il a abordé encore une fois le dossier régional. Il a de nouveau plaidé vigoureusement en faveur de l’instauration d’une paix régionale, sur base du respect des résolutions et de la loi internationales, tout en réaffirmant qu’il se méfie toujours du Premier ministre israélien élu, Ariel Sharon, qu’il a accusé implicitement de vouloir mêler Beyrouth à ses problèmes et de chercher ainsi à provoquer le Liban. «Nous n’avons rien à voir avec ce qui se passe en Israël», a-t-il insisté en rejetant ainsi la thèse israélienne selon laquelle l’assistant de M. Yasser Arafat, assassiné il y a quelques jours, est lié au Hezbollah. «L’État hébreu veut impliquer le Liban. C’est tout. Nous avons pourtant bien dit que nous ne voulons pas faire de la provocation et nous sommes d’accord avec la Syrie sur ce point. Mais si quelque chose se produit dans la région, a-t-il dit en réponse à une question sur d’éventuelles représailles dans la région, nous engagerons des contacts avec tous nos amis dans le monde pour leur expliquer que c’est Israël qui cherche à faire de la provocation». Diplomate, le chef du gouvernement l’est sans doute : à la journaliste qui lui demandait de commenter le fait que le secrétaire d’État américain Colin Powell n’a pas inclus le Liban dans sa prochaine tournée régionale, il a répondu, un brin malicieux : «Il n’a pas dit qu’il allait venir, c’est vrai, mais il n’a pas non plus dit qu’il allait exclure le Liban» de sa tournée. À un autre qui lui a demandé s’il est parvenu à convaincre les autorités françaises de son point de vue concernant le déploiement de l’armée au Sud, souhaité par Paris et refusé par le Liban, il s’est contenté de dire : «La France soutient le Liban et comprend ses raisons. Nous ne cherchons pas la provocation et nous voulons mettre Israël dans une situation qui le poussera à vouloir réaliser la paix» et à ne pas se contenter d’assurer la sécurité de sa frontière. Par cette conférence de presse, le chef du gouvernement a clôturé son programme politique et économique à Paris. Il est attendu ce soir à Beyrouth, mais auparavant, et dans un geste qu’il a voulu surtout symbolique parce qu’une nouvelle page s’est ouverte dans les relations entre le Liban et la France, M. Hariri a planté un cèdre dans le parc du château de Versailles, où une brève réception a été donnée en son honneur.
Journée placée sous le signe de l’économie, hier, pour le chef du gouvernement et la délégation qui l’accompagne à Paris, au deuxième jour de leur visite officielle en France. La réunion que M. Rafic Hariri a tenue tôt le matin avec les hommes d’affaires français, autour de la table du petit déjeuner à la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, a mis en relief...