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Actualités - OPINIONS

Dépeçage

C’est Ghazi Aridi qui le dit : «Jusqu’à quand le Liban restera-t-il une patrie inquiète ? (...) C’est à croire que nous sommes un peuple qui ne sait pas tirer des leçons de son expérience». C’est bien ça. Nous sommes un peuple qui n’a pas tiré les leçons de son passé, qu’il gomme et répète. Redisons-le : tant que nous serons effrayés par notre passé, ce passé sera notre présent. Il est temps de regarder une fois pour toutes les choses en face. Douze ans après le silence des canons, nous ne parvenons pas à en finir avec notre guerre. Le débat politique continue d’être alourdi par les séquelles d’un conflit inachevé que l’on ne réussit pas à clore. Le dépeçage du Liban en secteurs d’influence confessionnels et politiques se poursuit, sous nos yeux, et nous y participons à notre corps défendant, où y assistons, impuissants. Quelle différence entre le pillage du port et celui de l’EDL, du Casino, de l’Université libanaise ou du ministère de l’Information ? Pillage qui a deux faces, politique et économique. «Prélèvements» qui contribuent à notre dépossession politique et à notre ruine. Pourtant, nous devrions faire justice de cette guerre qui, très tôt, a succombé à un processus de criminalisation. Celui-ci a non seulement déformé sa cause, mais l’a trahie. Le débat sur la mémoire de la guerre, sur les milliers de disparus de la guerre, sur les responsabilités de cet anéantissement, est symptomatique d’une situation sans issue. À peine avions-vous commencé à remonter de cet abîme d’oubli que nous y replongeons, incapables de faire face à cette exigence de vérité et de justice. Incapables de donner une réponse claire, courageuse à ceux qui continuent d’attendre la réapparition de leurs pères et frères disparus, engloutis par l’anonymat d’une guerre sans visage qui continue à ne pas dire son nom. (Six mois viennent d’être accordés à une commission présidée par le ministre d’État Fouad el-Saad pour lui donner un suivi). Et s’il fallait chercher un fil conducteur pour interpréter ces incohérences qui nous tiennent lieu de vie politique, s’il fallait chercher un seul mot pour tout comprendre, ce mot serait : trahison. Qui est trahi ? Le Liban. Qui trahit ? Les Libanais. Sans projet fédérateur, sans un passé lucide, sinon cohérent, nous continuons d’errer comme des ombres à la recherche d’un corps, nous continuerons de passer à côté de notre «être-ensemble». Nous coexistons, en attendant mieux, sans jouir de la présence de l’autre, juste en le tolérant. La grande absente, c’est la ville fédératrice, devenue ville-cloison, au lieu d’être une ville pour tous, une ville carrefour des cultures. Dialogue des cultures, sommet de la francophonie ? Parlons-en ! De quel dialogue sommes-nous capables, quand ce que nous voyons se développer, ce sont les ghettos culturels désespérément pauvres de nos mémoires et de nos fantasmes ? Ceux où personne ne rencontre l’autre.
C’est Ghazi Aridi qui le dit : «Jusqu’à quand le Liban restera-t-il une patrie inquiète ? (...) C’est à croire que nous sommes un peuple qui ne sait pas tirer des leçons de son expérience». C’est bien ça. Nous sommes un peuple qui n’a pas tiré les leçons de son passé, qu’il gomme et répète. Redisons-le : tant que nous serons effrayés par notre passé, ce...