Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGES

ARCHÉOLOGIE - Des sites qui servaient de références sont laissés à l’abandon - Les grottes du Liban ont livré un matériel préhistorique unique au monde

On dit souvent que le Liban est habité depuis la nuit des temps. Mais grâce aux technologies actuelles peut-on dater plus précisément l’apparition de l’homme dans notre région ? Et l’homme qui y vivait nous ressemble-t-il ? Quel était son mode de vie ? Où et comment vivait-il ? Beaucoup de questions auxquelles seule la science de la préhistoire peut répondre. Malheureusement, au Liban, les fouilles et les recherches qui ont connu leur heure de gloire avant la guerre sont aujourd’hui négligées. Ainsi, les sites qui servaient de références aux datations de la préhistoire dans tout le Moyen-Orient sont aujourd’hui à l’abandon, menacés par des carrières. Conséquence, les fouilles et l’étalonnage se font désormais ailleurs. Le pays des Cèdres est complètement hors circuit. «La préhistoire est la plus large période de l’histoire de l’humanité, elle s’étend sur deux millions d’années, explique Corine Yazbek préhistorienne et professeur à l’Université Saint-Joseph. L’homme a existé bien avant cette période, mais il n’avait pas d’outils fabriqués. L’étude des objets en pierre taillée permet de dater les sites et de comprendre l’évolution de l’homme préhistorique», poursuit-elle. Car les formes des silex ont changé au cours des millénaires. De grandes pierres lourdes à bord tranchant, ils sont devenus des lamelles et des éclats grands de quelques centimètres coupants. Toutefois, les signes de l’évolution de l’homme préhistorique ne se limitent pas à ces objets mais englobent tout un mode de vie. De nomade chasseur-cueilleur au paléolithique inférieur (de 2,5 millions d’années à 250 000 ans), l’homme est devenu un habitant des grottes au paléolithique moyen et supérieur (de 250 000 à 45 000 années de notre ère) pour finir par se sédentariser dans des villages et donner ainsi naissance à la civilisation. «Au Liban, on retrouve des traces de l’homme préhistorique dans toutes ces périodes suivant deux axes bien localisés, explique Corine Yazbek. Le premier est celui du littoral et le second se situe à l’intérieur du pays, dans la Békaa. Les sites de surface sont nombreux et les grottes ont livré un matériel unique au monde et essentiel pour la chronologie de tout le Moyen-Orient», assure-t-elle. Mais les recherches menées sont restées incomplètes par manque de matériel. Ainsi, il est pratiquement impossible de déterminer la physionomie exacte de l’homme préhistorique qui a vécu au Liban. Car les restes d’ossements humains trouvés à Ksar Akil et à Ras el-Kalb ne permettent pas la reconstitution d’un squelette. Quant aux études relatives au climat, à la faune et à la flore pendant cette période, elles sont quasi inexistantes et cela par manque de recherches. Les seules données fournies sur la faune sont celles de Ksar Akil qui révèlent l’existence de daims, de cerfs et de chèvres sauvages au paléolithique supérieur. Dans ce domaine de recherches, le pays des Cèdres est en retard sur tout le Moyen-Orient, surtout par rapport à Israël et à la Syrie où les sites préhistoriques sont devenus des références dans le monde entier. Les recherches en préhistoire au Liban Il est triste de constater ce retard au Liban, surtout que les recherches y ont débuté au XIXe siècle, avec seulement un léger décalage par rapport à l’Europe. Si les orientalistes ont été les premiers à signaler les sites de cette période, les pères jésuites ont été les premiers à les fouiller. En fait, c’est bien grâce à eux que l’étude de la préhistoire a connu son essor au Liban. Leurs «excursions» de prospection sur l’ensemble du territoire ont permis d’inventorier de multiples sites aujourd’hui disparus. Certains d’entre eux ont effectué de sérieuses recherches scientifiques dans ce domaine. Le père Zummoffen par exemple est considéré comme le père de la préhistoire libanaise, ayant étudié cette période au XIXe siècle, alors que l’époque phénicienne était la seule évoquée dans les salons beyrouthins. Son livre La Phénicie avant les Phéniciens demeure une référence surtout pour la première carte géologique du Liban. En hommage à son travail, les scientifiques ont donné son nom à certains abris sous roche qu’il a découverts. Le travail du père Zummoffen sera poursuivi par la communauté des jésuites. Le père Fleish a travaillé sur les Sables de Beyrouth. Ses publications sont considérées actuellement comme une référence car ces sites ont disparu. Quant au père Francis Hours, il a découvert l’unique habitat préhistorique au Liban. Beaucoup d’autres jésuites ont collaboré aux recherches entreprises par leur communauté. Leur travail si fructueux a permis l’ouverture d’un musée sur la préhistoire à l’USJ. À partir des années 60, les recherches en préhistoire vont se systématiser au Liban grâce aux missions des universités américaines et européennes en collaboration avec la DGA. Le travail de ces équipes a permis de classer les sites trouvés comme étant parmi les plus importants au monde. Ksar Akil servait de datations de référence pour tout le Moyen-Orient. Mais avec le début de la guerre, toutes les fouilles ont été suspendues et elles n’ont pas repris depuis. «En 1995, l’Unesco a envoyé un expert au Liban pour un état des lieux sur les sites préhistoriques. Dans son rapport, il a écrit que la situation est alarmante pour de très nombreux sites», assure Mlle Yazbek. Mais il est toujours possible pour les préhistoriens de rattraper le retard du Liban dans ce domaine. Nombreux sont les abris sous roche qui n’ont pas été prospectés par les jésuites ou les missions universitaires, et multiples sont les cours d’eau à côté desquels l’homme aurait pu s’installer. Il faut juste financer les prospections et les fouilles des équipes des préhistoriens libanais qui, depuis des années, poursuivent leurs études à l’étranger. En fait, avoir ces jeunes spécialistes dans le pays serait très prometteur pour le développement de cette science. Et il semble que les jésuites eux-mêmes montrent encore un intérêt particulier pour cette période. L’USJ est dotée actuellement d’un musée de la préhistoire et l’inauguration d’un institut de préhistoire est prévue depuis quelques années déjà. Avec beaucoup de bonne volonté et peu de moyens financiers, nos aïeuls pourraient enfin livrer quelques-uns de leurs précieux secrets.
On dit souvent que le Liban est habité depuis la nuit des temps. Mais grâce aux technologies actuelles peut-on dater plus précisément l’apparition de l’homme dans notre région ? Et l’homme qui y vivait nous ressemble-t-il ? Quel était son mode de vie ? Où et comment vivait-il ? Beaucoup de questions auxquelles seule la science de la préhistoire peut répondre....