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Actualités - CHRONOLOGIES

Justice - Les proches des victimes laissent éclater leur colère - La Cour de justice renvoie le procès de Denniyé au 16 mars

Ravalant sa colère, la dame en noir quitte la salle du tribunal en marmonnant, suivie de son mari et de ses proches. Interpellée par le président de la Cour de justice Mounir Honein, qui veut la rappeler à l’ordre, elle se retourne : «Je suis la mère du martyr Flouty et cela fait un an et demi que j’attends que vous rendiez justice à mon fils, mort en accomplissant son devoir national à Denniyé. Si vous continuez ainsi, les coupables ne seront jamais punis». Accablée de douleur, elle se dirige vers la sortie, indifférente aux réactions que ses propos peuvent susciter. Elle ne comprend pas que les procédures judiciaires sont longues et contraignantes. Ce qu’elle sait, c’est que la prochaine audience a été renvoyée au 16 mars et que le procès des 73 inculpés de Denniyé ne risque pas d’aboutir bientôt. Soixante-treize inculpés à juger dans un même procès, il y a de quoi provoquer des confusions et des complications. Pour la seconde audience du procès des incidents de Denniyé, qui avaient fait onze victimes au sein de l’armée libanaise en plus d’une dizaine de civils, la Cour de justice s’est retrouvée une fois de plus devant un véritable casse-tête : entre les 27 inculpés en fuite, les 11 libérés sous caution (dont la plupart ne se sont pas présentés à la notification) et les 11 prévenus en liberté conditionnelle ainsi que les avocats de chacun dont les mandats étaient souvent incomplets, il y avait de quoi perdre son latin. Les 5 juges ainsi que le procureur Addoum et son adjointe Mme Kaddoura ne s’y retrouvaient plus, alors que dans la salle, les proches des 24 inculpés arrêtés et ceux des victimes se regardaient comme des chiens de faïence. Dans cette atmosphère électrique, la tolérance, le dialogue et autres thèmes chers ces temps-ci aux Libanais, semblaient totalement hors de propos. Même si officiellement et officieusement, cette face-là du Liban personne ne veut la voir. L’ampleur du fossé Tout le monde veut faire comme s’il n’y avait aucun conflit confessionnel entre les Libanais, oubliant qu’il y a 13 mois, le pays a failli basculer dans la tourmente, les intégristes musulmans lançant un mouvement de rébellion et s’opposant à l’armée. Les plus violents combats avaient d’ailleurs eu lieu dans le village chrétien de Kfarhabou, faisant de nombreuses victimes parmi les soldats et les habitants du village. D’ailleurs, deux des prévenus en liberté conditionnelle sont des habitants de Kfarhabou qui avaient tiré sur les assaillants, après avoir perdu épouse et belle-mère. C’est dire que l’affaire est bien plus compliquée qu’on ne cherche à le laisser entendre et il suffit de rester quelques minutes en compagnie des proches des victimes pour comprendre l’ampleur du fossé qui sépare les habitants d’une même région. Les Hadchiti par exemple ont perdu un fils dans la bataille. La mère, un foulard noir roulé à l’ancienne sur la tête, a l’air tout droit sortie d’une séquence des années 20. Vivant dans un village du «jurd», elle ne fait pas dans la nuance et les regards qu’elle jette sur les proches des inculpés, hommes barbus et femmes voilées, expriment mieux que les mots la répulsion qu’elle leur voue. Pour elle, c’est clair, si la justice ne suit pas son cours, les hommes de son village sauront réclamer vengeance. Son fils est mort alors qu’il servait dans l’armée et elle a consacré le meilleur d’elle-même à l’élever dans l’amour de son pays et le respect du devoir. Comment, dans ce cas, ne se sentirait-elle pas frustrée aujourd’hui, alors que le procès semble traîner en longueur et que les mesures de sécurité très strictes lui paraissent uniquement destinées à la faire taire ? Si Mme Hadchiti n’en finissait plus de marmonner, avec son franc-parler de montagnarde, la famille du colonel Naddaf, enlevé avant d’être retrouvé décapité, est restée discrète et digne, voulant surtout respecter la mémoire de son fils qui croyait avant tout en son devoir. Lors de la seconde audience donc, comme pour la première, le spectacle était bien plus dans la salle que dans le box des accusés et la cour s’est contentée de faire l’appel des 73 inculpés dans une tentative pour pouvoir décider définitivement lesquels juger par défaut. Mais comme il faut continuer à respecter les délais légaux de notification, l’affaire va encore prendre du temps et la prochaine audience a été renvoyée au 16 mars. D’où l’immense mécontentement des parents des victimes, imperméables aux contraintes judiciaires. N’ayant pas pu se défouler contre les parents des inculpés ou contre les inculpés eux-mêmes en raison du déploiement massif de soldats dans la salle, isolant pratiquement les deux camps, ils ont laissé éclater leur révolte en descendant les escaliers ou devant l’entrée du Palais de justice. Un an et un mois plus tard, les blessures provoquées par les incidents de Denniyé continuent de saigner et ce procès, qui s’annonce long et compliqué, pourrait connaître d’importants rebondissements.
Ravalant sa colère, la dame en noir quitte la salle du tribunal en marmonnant, suivie de son mari et de ses proches. Interpellée par le président de la Cour de justice Mounir Honein, qui veut la rappeler à l’ordre, elle se retourne : «Je suis la mère du martyr Flouty et cela fait un an et demi que j’attends que vous rendiez justice à mon fils, mort en accomplissant son...