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Actualités - ANALYSES

Des palabres qui ne donnent rien de bien concret - En vedette : le dialogue pour le dialogue

Il y a eu la visite de M. Sleiman Frangié à Bkerké, la rencontre de Tripoli entre Mme Nayla Moawad, MM. Omar Karamé et Walid Joumblatt. Puis le déjeuner de M. Georges Haoui à Bteghrine. Il y a aussi, en permanence, des contacts entre presque toutes les parties, en coulisses. Mais jusqu’à présent, il faut bien le reconnaître, toute cette agitation reste d’ordre purement verbal et se résume donc à des palabres qui ne donnent rien de bien concret. Surtout pas un quelconque front d’opposition raisonnablement structuré, comme certains en avaient pronostiqué la naissance avant les agapes montagnardes de samedi. Une fausse couche qui s’explique par deux raisons, un peu paradoxales : – Tout d’abord, le mot d’ordre, venu d’en haut et d’ailleurs, est que dans la phase régionale actuelle il est impératif de mettre les querelles intestines en veilleuse, pour promouvoir la détente. De la sorte, alors que certains leaders tiraient à boulets rouges sur le régime il y a à peine deux petites semaines, on les entend à présent affirmer qu’ils sont tout disposés à «dialoguer», le mot magique, avec lui. – Ensuite, et peut-être bien surtout, les contempteurs du pouvoir n’ont pratiquement rien en commun, sur le plan politique s’entend. Ils ne partagent qu’une même soif de ce «dialogue général», même s’il ne doit s’établir finalement qu’entre sourds. Faisant dans la simplicité, sinon dans le simplisme, l’un des théoriciens de la nouvelle école de Taëf affirme gravement que «si l’on ne se parle pas, on se dispute». On voit difficilement comment, à moins que ce soit par sémaphore. Cet éminent analyste rend ensuite hommage, involontairement sans doute, à l’esprit de la politique politicienne en expliquant que «lors d’une rencontre marquée par la bonne chère et la bonne humeur, comme le banquet de samedi, chacun suit une pente naturelle d’aménité conviviale. Ce qui fait que chacun peut exprimer son point de vue en étant écouté d’une oreille bien plus sympathique que critique. Et chacun va donc se montrer désormais disposé à mettre de l’eau dans son vin». Ce qui n’est peut-être pas recommandable sur le plan gastronomique ou festif, mais atténue certainement les griseries d’ordre personnel et les pulsions agressives des uns ou des autres. Mais que des symboles de la gauche et de la droite puissent se serrer la main, avant de s’attabler autour d’un bon mezzé, ne change pas grand-chose quant au fond. C’est-à-dire ne leur permet pas de s’entendre sur un programme commun minimal. C’est ce que note, dans un sourd ricanement, un ministre qui pense comme Ionesco qu’«il suffit de caresser un cercle pour qu’il devienne vicieux. Ainsi la rencontre de Bteghrine, aussi amicale ou chaleureuse qu’elle fût, a finalement mis en relief l’inconciliabilité flagrante des participants bien plus que leurs dénominateurs communs. Ils tournent donc bien en rond dans un cercle vicieux, s’ils prétendent vouloir former un front. Sans compter que le président Karamé et Mme Moawad leur ont fait défaut, alors que leur présence aurait modifié les donnes du tout au tout». Ce loyaliste souligne ensuite que «les participants ont beau se montrer prudents et souligner en chœur que la rencontre était marquée du sceau du dialogue et non de la contestation, l’opinion n’en retient qu’une seule image, celle d’une opposition qui cherche à s’organiser en front uni. Mais l’échec est évident. À preuve que certains participants ont tout de suite fait barrage lorsque d’autres convives ont commencé à critiquer le régime, ce qui a jeté un certain froid dans l’assistance. À partir de là, ajoute cette personnalité, on ne peut pas s’étonner que le vague projet Haoui de préparer un congrès national, qui sous-tendait la rencontre, soit tombé à l’eau : comment voulez-vous que des pôles, qui n’arrivent pas à dialoguer vraiment entre eux, organisent un dialogue national ?». Il faut cependant préciser à ce propos que les propositions du dirigeant communiste ont été enterrées vives, bien avant le déjeuner de samedi, par les présidents Nabih Berry et Rafic Hariri, qui les ont rejetées d’une même voix, d’un même élan «légaliste». En soutenant que c’est le Parlement qui tient lieu dans ce pays, si hautement démocratique, de congrès national permanent. D’autant plus valablement que les forces qui récusent la communauté de destin avec l’alter ego décideur en sont pratiquement exclues. Mais si l’on excepte les tenants directs du pouvoir, l’idée du congrès national titille ou séduit à des degrés variables un large spectre de forces politiques de l’Ouest (ou du Nord) comme de l’Est (ou du Sud). À tel point que, selon un parlementaire influent, «le jour où les rencontres politiques seront axées sur le dialogue national et ne seront plus taxées d’oppositionnisme invétéré, elles produiront d’une façon naturelle le front recherché. Même si cela ne devait pas agréer au pouvoir ou aux décideurs». Ce qui revient en somme à dire, que pour faire de l’opposition, il faut faire semblant de ne pas en faire. La tentative de Bteghrine va d’ailleurs un peu dans ce sens-là. Car non seulement on y a évité les déclarations incendiaires, mais encore on n’y avait pas invité le Bloc national, le PNL, les Fl ou le courant aouniste. Mais apparemment, cette précaution n’a pas suffi, car la réunion a quand même été qualifiée d’opposante.
Il y a eu la visite de M. Sleiman Frangié à Bkerké, la rencontre de Tripoli entre Mme Nayla Moawad, MM. Omar Karamé et Walid Joumblatt. Puis le déjeuner de M. Georges Haoui à Bteghrine. Il y a aussi, en permanence, des contacts entre presque toutes les parties, en coulisses. Mais jusqu’à présent, il faut bien le reconnaître, toute cette agitation reste d’ordre purement...