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Actualités - INTERVIEWS

INTERVIEW - Le vice-président du Conseil confère avec « L’Orient-Le Jour » et rend hommage à Lahoud - Farès : J’adopte le budget 2001, mais j’ai à son encontre beaucoup de griefs

«Mais il est indéniablement rigoureux, il est entouré d’une équipe de grands professionnels, il a envie de faire de grandes choses pour le pays, et puis... il est repu...». Ces mots-là, ce «mais», sont souvent et volontiers répétés par des sources proches de Baabda pour répondre à ceux, nombreux, qui mettent en avant le peu d’expérience politique de Issam Farès. Issam Farès : un allié de la première importance du chef de l’État et un atout majeur pour ce dernier dans son obsession de rééquilibrage des forces au sein de l’Exécutif. Il n’empêche, c’est plutôt en vieux loup de mer particulièrement rompu au jeu périlleux et souvent absurde de la politique libanaise et aux délices de la diplomatie, que le vice-président du Conseil a fait un tour d’horizon, avec L’Orient-Le Jour, de l’actualité sur la scène locale. Est-ce que votre proposition visant à faire le distinguo entre la direction générale de la présidence du Conseil et le secrétariat général du Conseil des ministres tient toujours, à l’heure où la décision de calmer le jeu, de la part des présidents Lahoud et Hariri comme de la vôtre, est clairement affichée ? «Ce n’est pas que je veux l’oublier ou pas. Moi j’ai basé ma proposition sur des critères d’organisation, des critères administratifs, sans aucune arrière-pensée confessionnelle». Corollaire évident : il n’existe aucun texte constitutionnel concernant le poste de vice-président du Conseil que vous occupez, non ? «Certes, mais il s’agit là beaucoup plus d’une question d’us et coutumes et c’est ce que j’ai expliqué dans la note que j’ai distribuée lors d’une réunion du Conseil des ministres. Je n’ai pas retiré cette note, mais nous n’allons plus en débattre. Les prérogatives de mon poste ne sont pas précisées, mais elles existent, et j’ai soulevé ce problème avec le président Hariri». C’est une sorte, aujourd’hui, de jurisprudence Murr ? «Non, ce poste existe depuis 1926 ! Dans tous les cas, je ne voulais pas que ma proposition aboutisse à une crise, je souhaitais que soient organisés les travaux du Conseil des ministres». Dans quelle mesure pouvez-vous dire que votre proposition et la polémique qui a suivi s’inscrivent dans le rapport de force en profondeur auquel se livrent depuis trois mois les présidents Lahoud et Hariri ? «Ça n’a aucun rapport avec moi. Aucun. La crise est née d’un malentendu, lorsque la proposition du budget 2001 a été divulguée dans la presse avant que les membres du Cabinet n’en prennent connaissance». Soit. Mais vous ne pouvez pas occulter cet antagonisme, pratiquement irrémédiable, entre les deux pôles de l’Exécutif, si ? «Si. Vraiment. Quel est cet antagonisme ? Sincèrement, lors des réunions du Conseil des ministres, nous ne ressentons pas ce genre de tensions». Et personne n’outrepasse ses prérogatives ? «Non. La collaboration est totale au sein du Conseil des ministres, personne n’est agressé. Chacun garde ses prérogatives et notamment le chef de l’État, l’autorité suprême qui préside tous les pouvoirs». À propos de Lahoud... Pensez-vous, à l’instar de bon nombre de figures nationales, que ce dernier devrait enfin agir ? «Il fait un excellent travail, il se donne pour le bien et l’unité du pays et il n’a pas la moindre once de confessionnalisme». En diriez-vous autant du Premier ministre ? «Tout ce que je suis en mesure de dire, c’est que le général Lahoud est dénué de tout confessionnalisme. Pour le reste, je n’ai pas à juger». Quels sont vos rapports avec Rafic Hariri aujourd’hui ? «Aujourd’hui ? Je crois que ça va. Nous avons réglé des problèmes il y a deux jours et depuis l’ambiance est excellente». Parlons du gouvernement et de son bilan. Les ministres font leur travail correctement sans se contenter d’expédier les affaires courantes ? «Le mot d’ordre est le dynamisme, vous savez». Oui, mais ça ne suffit pas, si ? «Si. Les intentions sont bonnes, et quoi qu’on dise, le président Hariri est un homme d’action, et qui travaille». Insistant sur la nécessité de régler concomitamment les deux dossiers économique et politique, et sur celle de ne pas en arriver à une crise sociale, Issam Farès s’est employé à mettre l’accent sur les priorités de ce Cabinet dont il est le vice-président – regagner la confiance des gens, des investisseurs, des gouvernements étrangers, de la crédibilité du Liban. Peut-on alors, dans ce cas-là, occulter l’importance d’une réconciliation nationale ? Que pensez-vous, par exemple, de la réunion de Bteghrine, prévue pour aujourd’hui ? «Je n’en sais rien, c’est un déjeuner... Dans tous les cas, ça a toujours du bon une réunion, non ? Et puis qu’est-ce que ça veut vraiment dire : “réconciliation nationale”, ces mots si souvent employés ?». Et les cas de Michel Aoun et de Samir Geagea ? «Je ne peux pas décider à la place de la justice, mais personnellement, humainement, je souhaite que ces deux dossiers soient réglés, certainement». Et au sujet des libertés publiques et de la démocratie ? «Croyez-moi, les libertés au Liban sont très importantes, la région nous envie». Mais on a l’impression que vous êtes encore aux États-Unis... «Vous dites peut-être cela parce que je ne sais pas mentir... Mais si vous me parlez de la France ou des États-Unis, là oui le chemin est encore très long». Le budget 2001 Satisfait du rapport Annan sur la réduction de la Finul, «il y a de l’espoir», et rappelant qu’il appuyait la décision de ne pas envoyer, aujourd’hui, l’armée au Liban-Sud, «elle est présente partout, mais elle ne doit se conformer qu’aux décisions politiques», le maître de Bayno a estimé que l’évolution des relations libano-syriennes permettait l’optimisme et que ce dossier devrait être traité d’État à État. Et le budget 2001, approuvé il y a deux jours, vous êtes d’accord à 100 % ? «L’approbation a été faite au Conseil des ministres, donc je soutiendrai et défendrai ce budget, même si j’ai beaucoup de griefs à son encontre». Lesquels ? «Le plan économique dans son ensemble n’est pas bon. Les Libanais attendent beaucoup de ce gouvernement et j’aurais souhaité qu’il puisse trouver une solution radicale. Ne pas toucher aux dépenses pour ne pas créer un malaise social, ce n’est pas bon. Il faut baisser les dépenses et augmenter les recettes. Il y a quand même un peu de laisser-aller par rapport aux dépenses. Il faut être capable d’assumer ses ambitions ! Il faut que des décisions impopulaires soient prises. Autre chose également : l’agriculture et le tourisme sont les deux secteurs les plus importants et le gouvernement comme le Parlement les négligent totalement. Il est faux de considérer que le budget est uniquement une distribution d’argent. Il faut une étude, en amont, en aval, une vision globale. Or le gouvernement, pour éviter les problèmes sociaux, a décidé de ne pas toucher aux dépenses, de ne pas se consacrer à la croissance – c’est la seule solution. Le vice-président du Conseil adopte le budget 2001, mais Issam Farès le désapprouve». Qu’on se le dise.
«Mais il est indéniablement rigoureux, il est entouré d’une équipe de grands professionnels, il a envie de faire de grandes choses pour le pays, et puis... il est repu...». Ces mots-là, ce «mais», sont souvent et volontiers répétés par des sources proches de Baabda pour répondre à ceux, nombreux, qui mettent en avant le peu d’expérience politique de Issam Farès....