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Actualités - OPINIONS

En guise d’adieu -

Ma dernière visite au président Hélou, comment l’oublier ? L’ancien président de la République me paraît fatigué : il se déplace difficilement, éprouve du mal à articuler. Mais il n’a rien perdu de sa lucidité et de sa verve. Il résiste héroïquement à la vieillesse qui le mine. À chaque fois que nous nous rencontrons, il me déclame des vers que sa mémoire prodigieuse a emmagasinés. Il me raconte avec humour sa visite à l’Académie française en compagnie du général de Gaulle, en mai 1965. Il sait par cœur le discours prononcé par le Général lors de son voyage historique à Paris : De Gaulle y salue le Liban, «nation indépendante, prospère et cultivée». «Aujourd’hui, hélas, les trois adjectifs nous font cruellement défaut», soupire Charles Hélou. Il ouvre la Bible, posée devant lui. Il relit le passage où le Christ condamne la loi du Talion en déclarant à ses apôtres : «Priez pour ceux qui vous persécutent… Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense aurez-vous ? Les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas autant ?» Ses yeux s’illuminent. On sent l’émotion profonde qui le gagne à la lecture de ces paroles bouleversantes. Lui qui fut ambassadeur du Liban au Vatican et ami de Jean Guitton a écrit, pendant la guerre, des textes d’une grande beauté, empreints d’un humanisme chrétien qui se fait rare dans la littérature contemporaine. Il suffit de les relire pour apprécier la relation privilégiée qu’il entretenait avec Dieu. Et mesurer son attachement au Liban qui l’incitait à se révolter contre le «silence souillé de connivence» des grandes nations qui abandonnaient le pays du Cèdre à son sort. En songeant au président Hélou, je me demande souvent comment un pays comme le Liban – rongé par l’obscurantisme et par l’esprit féodal – a eu un jour l’idée de placer un érudit à la tête de l’État. Ce qui, également, m’a toujours frappé chez l’ancien président, c’est son insistance, trente ans après les accords du Caire, à vouloir s’expliquer sur les circonstances exactes qui ont entouré ces accords. L’histoire jugera. Quel que soit son verdict, elle ne pourra que s’incliner devant les grandes qualités de cœur et d’esprit de cet homme d’exception. Sur un plan personnel, je ne puis que regretter amèrement l’absence de cet être cher (mais «l’absence, nous enseigne Ungaretti, n’a de règne que sur les apparences» ! ), et exprimer mon éternelle gratitude à l’égard de cet aîné qui, depuis mes premiers écrits (il avait préfacé La Honte du survivant), n’a jamais cessé de m’encourager. Je lui avais dédié la médaille que j’avais remportée, en 1997, aux Jeux de la Francophonie. «Votre récompense donne la preuve qu’il faudra toujours compter avec notre littérature libanaise d’expression française et que notre culture est bien vivante», m’avait-il écrit. Adieu, Monsieur le Président. Votre titre, «Excellence», vous l’avez mérité jusqu’au bout.
Ma dernière visite au président Hélou, comment l’oublier ? L’ancien président de la République me paraît fatigué : il se déplace difficilement, éprouve du mal à articuler. Mais il n’a rien perdu de sa lucidité et de sa verve. Il résiste héroïquement à la vieillesse qui le mine. À chaque fois que nous nous rencontrons, il me déclame des vers que sa mémoire...