Rechercher
Rechercher

Actualités - ANALYSE

RÉFUGIÉS - Les autorités ont adapté une approche plus humanitaire Quel avenir por les Palestiniens au Liban?

Chose inimaginable il y a quelques mois, les organisations palestiniennes proches de la Syrie font des gestes d’ouverture en direction de l’Autorité autonome ; le spectre de l’implantation des réfugiés palestiniens revient dans le discours politique et l’influence du Fateh de Yasser Arafat dans les camps du Liban-Sud se renforce. Les développements se succèdent à un rythme tellement rapide sur la scène palestinienne ces deux dernières semaines qu’il est urgent d’essayer d’en rechercher les causes et les conséquences. Engagée depuis l’élection d’Ehud Barak dans une offensive de charme en direction de la communauté internationale, la Syrie a encouragé ses alliés palestiniens à emprunter la voie de la modération. Lors d’une réunion, il y a une dizaine de jours à Damas, avec des hauts responsables du Front populaire pour la libération de la Palestine-Commandement général (Ahmed Jibril) et de la Saïka (la branche palestinienne du Baas) en présence de M. Khaled Fahoum, président du Front du salut palestinien (instance chapeautant les groupes hostiles à M. Arafat), le vice-président syrien Abdel Halim Khaddam a conseillé aux organisations palestiniennes de centrer davantage leurs efforts sur l’action politique. Dans le même temps, des communiqués émanant de plusieurs organisations basées à Damas mettaient l’accent sur la nécessité de réactiver l’OLP, alors qu’à Amman, une réunion groupait, pour la première fois depuis des années, des dirigeants du FPLP (de M. Georges Habache) et de l’Autorité autonome. Autre développement significatif : M. Fahoum accordait, le mercredi 21 juillet, une interview à la radio israélienne, tandis que M. Habache visitait Beyrouth pour la première fois depuis 1982. Pour compléter ce tableau, on parle d’une rencontre, au Caire, entre le numéro 2 du FPLP Abou Ali Moustapha et M. Arafat. En parallèle, le Fateh opérait un retour en force dans les camps du Liban-Sud. À la fin de la semaine dernière, l’organisation de M. Arafat a pris totalement le contrôle du camp d’Ain el-Héloué après avoir procédé à des changements importants dans la direction militaire. Des officiers supérieurs compétents et expérimentés, dont certains sont venus de l’étranger, ont été nommés avec pour principale mission de verrouiller les camps. Un million de dollars auraient été transférés pour financer cette opération. Le responsable du Fateh au Liban, le colonel Sultan Abou el-Aïnayne, qui contrôle depuis des années le camp de Rachidiyé près de Tyr, a confirmé ce développement, de même que le dissident du Fateh, le colonel Mounir Maqdah, farouchement hostile aux accords d’Oslo. L’objectif de M. Arafat est clair : récupérer une partie de la carte palestinienne au Liban, en prévision des négociations portant sur le statut final et des pourparlers multilatéraux concernant les réfugiés. Nouvelle approche libanaise Des liens n’auraient pas nécessairement été établis entre tous ces développements si le Premier ministre israélien n’avait pas exclu le retour chez eux des réfugiés palestiniens, chassés de leur terre lors des différentes guerres israélo-arabes. Au lendemain de son sommet avec le président Bill Clinton, Ehud Barak avait déclaré que les réfugiés devaient rester dans les pays d’accueil. Cette prise de position a réveillé les démons de l’implantation. Et depuis, plus un jour ne passe sans que soient exprimées des mises en garde contre l’intégration des réfugiés à la société libanaise. Le dossier palestinien était en fait revenu sur le devant de la scène, il y a quelques semaines, après une série d’incidents sécuritaires qui ont culminé avec l’assassinat à Saïda, le 8 juin dernier, de quatre magistrats abattus dans la salle du tribunal. Deux jours plus tard, une tentative de hold-up contre une banque dans la localité de Damour a été avortée. Le gang était composé de deux palestiniens, membres présumés du groupe intégriste Esbat el-Ansar, basé à Aïn el-Héloué. Les autorités libanaises n’avaient pas attendu ces événements pour modifier leur approche du dossier palestinien, caractérisée ces dernières années par une grande fermeté. Selon des sources libanaises et palestiniennes, ce changement d’attitude s’est traduit par un discours politique nouveau et par une approche plus humanitaire. Sur le plan politique, le président Émile Lahoud a insisté à plusieurs reprises devant ses visiteurs sur le fait qu’une paix juste et globale passait obligatoirement par le règlement du problème des réfugiés palestiniens. Commission mixte Sous l’impulsion du président de la République et du président du Conseil, le gouvernement a décidé d’aborder le sujet tabou des droits civiques et sociaux des réfugiés, complètement occulté lors du régime précédent. La première décision importante prise dans ce domaine est l’annulation du visa obligatoire imposé aux réfugiés inscrits au Liban. Ce visa, décidé en 1995, rendait pratiquement impossible les déplacements des réfugiés entre le Liban et l’étranger et vice versa. Une commission mixte libano-palestinienne a été ensuite formée pour examiner les dossiers en suspens. Elle comprend, du côté libanais, le ministre Issam Naaman et le directeur du département des affaires des réfugiés au ministère de l’Intérieur, Khalil Chataoui. Du côté palestinien, M. Assaad Abdel Rahmane, chef du département des réfugiés au sein de l’OLP et responsable du ce dossier aux négociations multilatérales (auxquelles le Liban ne participe pas), ainsi que Mme Samira Salah Salah, qui s’occupe des affaires des réfugiés au Liban. Selon des sources palestiniennes bien informées, M. Abdel Rahmane a effectué ces dernières semaines trois visites au Liban. Lors de ses deux premiers séjours, il a rencontré MM. Hoss et Naaman. À sa troisième visite, il a été reçu par le président Lahoud. M. Abdel Rahmane était très satisfait de son entretien avec le chef de l’État. «Le président Lahoud s’est montré compréhensif à l’égard de la situation des réfugiés. Il est informé des détails du dossier», a-t-il dit. Lors des réunions de la commission mixte, la délégation palestinienne a remis à M. Naaman un mémorandum comportant des propositions destinées à améliorer les conditions de vie des réfugiés dont voici les plus importantes : – Droit à l’emploi : abolir les permis de travail pour les réfugiés qui devraient pouvoir trouver des emplois dans tous les secteurs à part l’administration publique. Ceux qui sont nés au Liban et ceux qui sont mariés à des Libanaises devraient être autorisés à travailler sans permis. – Éducation : abolir les quotas imposés aux réfugiés palestiniens dans les écoles publiques professionnelles et techniques. – Santé : permettre aux réfugiés palestiniens de se faire hospitaliser dans les établissements gouvernementaux. Rappelons que l’Unrwa ne couvre pas les opérations chirurgicales après l’âge de 60 ans. – Logement : construire des habitations pour les réfugiés chassés des camps pendant la guerre (Tell el-Zaatar, Dbayé, Sabra…). Ce projet serait financé par les indemnités accordées aux déplacés. Permettre l’introduction dans les camps du Liban-Sud de matériaux de construction. Des conditions meilleures Bien que n’ayant pas satisfait à toutes ces revendications, les autorités libanaises ont pris certaines mesures pour améliorer les conditions de vie des réfugiés. L’Unrwa a construit dans les camps de Chatila et d’Aïn el-Héloué plusieurs immeubles pour abriter des dizaines de familles de réfugiés déplacées. Par ailleurs, les habitants des camps peuvent désormais introduire avec beaucoup plus de facilité les matériaux de construction. La Sûreté générale a d’autre part cessé de rayer automatiquement de ses registres les réfugiés possédant un autre nationalité (allemande, canadienne…). Les détenteurs d’une double nationalité étaient obligés à leur arrivée aux frontières libanaises de se désister de l’une d’elles. Le nouveau régime a visiblement opté pour une politique destinée à réduire les pressions exercées sur les réfugiés. Selon un responsable palestinien, cette politique permettra aux réfugiés de penser à autre chose qu’à leur vie quotidienne. Ils pourront ainsi s’occuper davantage de politique et se mobiliser pour réclamer leur retour sur leur terre. Mais des sources politiques libanaises pensent au contraire que l’allègement des pressions sur les habitants des camps est le prélude à leur implantation. Il est toutefois difficile de trancher à ce sujet car l’éventuelle implantation des réfugiés est une décision internationale contre laquelle le Liban ne peut pas faire grand-chose. En attendant, les autorités libanaises peaufinent leurs dossiers. Il y a un an, plusieurs réunions ont eu lieu entre l’Unrwa, la Sûreté générale et le département des affaires des réfugiés au ministère de l’Intérieur pour unifier les chiffres. Sur les 350 000 réfugiés toujours inscrits sur les registres de l’Unrwa, 80 000 auraient été naturalisés depuis les années 50. Une vingtaine de milliers sont détenteurs à l’origine de la double nationalité libanaise et palestinienne (les familles Hout, Siniora, Baba, Zantout…). Entre 30 et 40 mille sont installés définitivement à l’étranger. Il reste donc au Liban environ 210 000 réfugiés. Mais qui a dit qu’au Liban le langage des chiffres est exact ?
Chose inimaginable il y a quelques mois, les organisations palestiniennes proches de la Syrie font des gestes d’ouverture en direction de l’Autorité autonome ; le spectre de l’implantation des réfugiés palestiniens revient dans le discours politique et l’influence du Fateh de Yasser Arafat dans les camps du Liban-Sud se renforce. Les développements se succèdent à un...