Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGES

GREVE DES ENSEIGNANTS- Baabda favorable à la négociation Lahoud décidé à débloquer la situation

En refusant de leur accorder les 60 % que leur octroyait l’ancienne loi dite loi de 53/66, pour des raisons de rigueur budgétaire, et en les sommant de reprendre immédiatement la correction des examens officiels sous peine de licenciement, le Conseil des ministres aura décidé de croiser le fer avec les enseignants du secondaire officiel. Dans la journée d’hier toutefois, un nouvel élément était signalé par M. Talal Merhabi, député du Akkar, qui indiquait que «le chef de l’État compte entreprendre les contacts nécessaires pour débloquer la situation». Par ailleurs, les députés qui ont été reçus hier par le président de la République, faisaient état de «son étonnement» de voir le Conseil des ministres, qu’il n’avait pas présidé, prendre une position aussi radicale. D’après ces mêmes députés, le président Lahoud aurait affirmé être en faveur d’une solution «négociée» prenant en considération les contraintes budgétaires, et opposé à toute mesure «coercitive». Le ministre de l’Éducation, Mohammed Youssef Beydoun, qui avait déjà menacé les grévistes de mesures coercitives, en réussissant à faire adopter sa thèse par l’ensemble du Conseil des ministres, aura repris l’initiative prenant la Ligue des enseignants par surprise. Ces derniers l’ont avoué, admettant qu’ils ne s’attendaient pas à un tel durcissement de la part de l’État. Mais la décision du Conseil des ministres ne signifie aucunement que la bataille est terminée : c’est ce que les enseignants ont annoncé, forts surtout de l’appui de nombreux députés, dont notamment MM. Boutros Harb et Najah Wakim, ainsi que du soutien des syndicats et de diverses parties politiques. Les premiers lycées officiels ont été créés au Liban en 1952. En 1966, ce mouvement était en pleine expansion, ce qui exigeait le recrutement de nouveaux enseignants. Le ministère de l’Éducation nationale et des Beaux-Arts de l’époque a proposé alors aux enseignants, déjà engagés d’assurer 20 heures de cours par semaine, au lieu de 15, moyennant une prime dite «prime à l’enseignement», égale à 60 % de leur salaire de base. Cet accord avait été consigné dans un texte appelé depuis, loi de 53/66. À l’époque, les fonctionnaires des différentes administrations, appartenant à la même catégorie que les enseignants du secondaire, c’est-à-dire la troisième, et titulaires eux aussi d’une licence, touchaient le même salaire, mais la prime de 60 % en moins. Cette situation a duré trente ans, jusqu’en 1996, année où le ministre d’État aux Finances M. Fouad Siniora décidait de supprimer la prime en question sous prétexte d’uniformiser les prestations accordées aux différentes administrations, dont au sein de laquelle le ministère de l’Éducation. M. Siniora faisait voter, dans la foulée, une nouvelle échelle des salaires au sein de laquelle les instituteurs du secondaire se retrouvaient avec le même salaire que les fonctionnaires des administrations, exactement comme en 1966, mais avec les 60 % de la loi 53/66 en moins. Ainsi, un professeur de classe terminale, avec à son actif 35 ans de service, touchait en 1996 1 100 000 LL. Dans la nouvelle échelle des salaires, il perçoit actuellement 1 680 000 LL. Si son traitement avait continué à être réglé d’après la loi dite 53/66, il aurait dû être augmenté de 650 000 LL. (Les chiffres ont été arrondis pour éviter de trop longues explications). Les pourparlers ont été immédiatement engagés entre la Ligue des enseignants du secondaire et le ministère Hariri de l’époque, pour essayer de revenir au statu quo ante. Sans aucun résultat. Les enseignants du secondaire, pour préserver leur droit à l’action, ont entamé une dernière grève de deux semaines, durant les ultimes jours du Cabinet Hariri, se promettant de reprendre le mouvement sous l’actuel mandat, dans le cas où ils n’avaient pas obtenu satisfaction. Ce qu’ils n’ont pas hésité à faire, après la réaction du Conseil des ministres de mercredi dernier. L’attitude de l’État Dans une mise au point publiée par l’Ani, le ministre de l’Information M. Anouar el-Khalil a expliqué que «le Conseil des ministres ne pouvait pas se permettre de déroger aux principes retenus lors de l’élaboration du budget». «Le gouvernement entend respecter la politique de rigueur qu’il a décidée ; si jamais il s’autorisait la moindre dérogation au profit des enseignants, il se verrait confronté à une série de revendications en chaîne, ce qu’il refuse», a notamment précisé le ministre. M. el-Khalil, qui a rappelé que «les revendications des enseignants se refléteront immanquablement sur les 160 000 fonctionnaires de l’État», a ajouté que «les enseignants n’ont pas le droit de se servir de nos enfants et de nos élèves pour les besoins de leurs négociations». Pour sa part, la Ligue des enseignants, tout en affirmant regretter devoir recourir à ces mesures «extrêmes» et tout en soulignant que le boycott de la correction des examens allait se poursuivre, a qualifié la décision du Conseil des ministres de contraire «au respect des libertés publiques et syndicales». Interrogé par L’Orient-Le Jour, le président de la Ligue M. Ahmed Sanjakdar s’est montré optimiste, car pour lui, «ce qui est vraiment en jeu, ce n’est pas l’issue d’une simple grève, mais bien le devenir des libertés publiques au Liban, ainsi que le droit des personnes à se syndiquer et à se mettre en grève pour essayer de récupérer des droits que leur accordent les lois». Par contre, il s’est montré inquiet quant à l’avenir de l’enseignement secondaire au Liban. «Il y a 18 ans déjà qu’aucun professeur du secondaire n’a été cadré. Actuellement, le corps enseignant de ce cycle compte 2 850 membres, avec 1 050 fonctionnaires administratifs. Par contre, le ministère de l’Éducation a engagé 2 800 contractuels qui attendent d’être cadrés à leur tour. Ce n’est pas en recourant à des menaces que l’État encouragera les enseignants à rester à son service», a-t-il fait valoir. Le ministère va-t-il recourir aux contractuels pour briser le mouvement ? «Je ne pense pas qu’une telle solution soit la bonne. Nous sommes en contact permanent avec les représentants de ces contractuels, qui nous ont assurés de leur soutien», a-t-il fait valoir. Par ailleurs les membres du bureau exécutif de la Ligue des enseignants ont été reçus hier par le président de la Chambre, M. Nabih Berry, «à la demande de ce dernier», ainsi que l’a indiqué M. Sanjakdar. «M. Berry a écouté l’exposé détaillé que nous lui avons fait. Il s’est montré compréhensif, et c’est avec lui que nous sommes convenus du principe de la réunion entre le bureau de la Ligue et le ministre de l’Éducation pour tenter d’arriver à une solution», a notamment déclaré M. Sanjakdar. Durant leur réunion d’hier, les membres du bureau exécutif de la Ligue ont «rejeté à l’unanimité le communiqué inattendu du Conseil des ministres, qui a constitué un choc pour l’opinion publique et pour les organisations syndicales et démocratiques». Aujourd’hui, les enseignants tiendront des assemblées générales pour confirmer les options prises par le bureau exécutif de leur Ligue. Jusqu’où ira le bras-de-fer ? Avec l’intervention attendue du président de la République rapportée par les députés et la médiation de M. Berry, on est en droit d’espérer une issue à l’angoisse de 120 000 élèves qui attendent que les épreuves des examens soient corrigées.
En refusant de leur accorder les 60 % que leur octroyait l’ancienne loi dite loi de 53/66, pour des raisons de rigueur budgétaire, et en les sommant de reprendre immédiatement la correction des examens officiels sous peine de licenciement, le Conseil des ministres aura décidé de croiser le fer avec les enseignants du secondaire officiel. Dans la journée d’hier toutefois, un nouvel...