Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

TRIBUNE Péril en la demeure

Notre justice est, depuis quelques années, une justice malade au chevet de laquelle il est grand temps de se pencher. Avec l’arrivée du général Émile Lahoud au pouvoir, l’espoir que soit restaurée la confiance du citoyen dans sa justice était à la mesure de l’ambition du président de la République d’édifier un État de droit. La nomination d’un magistrat aussi intègre et compétent que le président Joseph Chaoul au ministère de la Justice ne pouvait que renforcer cet espoir de voir notre justice plus indépendante, plus efficace, plus respectueuse des droits de l’homme. Mais voilà : malgré les progrès enregistrés par le gouvernement dans sa lutte contre la corruption, des circonstances malheureuses sont venues semer le doute dans les esprits : 1) Certains dérapages regrettables dans l’affaire des antiquités. 2) Le crime odieux de Saïda qui a coûté la vie à quatre magistrats. 3) Le tapage médiatique autour de la «disparition» d’un dossier du bureau d’un magistrat. 4) Certaines arrestations «sélectives» qui ont créé un climat malsain et donné le sentiment d’une véritable «chasse aux sorcières», rappelant ainsi cette réflexion sévère de Stephen Hecquet : «La justice, cette forme endimanchée de la vengeance»... 5) Le non-respect dans certaines affaires (comme l’affaire de l’ancien administrateur de la ville de Beyrouth) des règles élémentaires de la procédure pénale et des principes fondamentaux de la Déclaration universelle des droits de l’homme consacrés par notre Constitution, ce qui a ressuscité dans les esprits le souvenir des erreurs commises, sous l’ancien régime, dans les affaires Debbas et Bardawil. 6) Le manque de juges, aggravé par le départ à la retraite, il y a quelques jours, de plusieurs magistrats importants. 7) L’instruction de certains dossiers par des autorités non compétentes, ce qui a poussé l’ancien membre du Conseil constitutionnel Sélim el-Azar à présenter une plainte en ce sens devant le Conseil supérieur de la magistrature. 8) L’incursion du droit pénal dans des affaires à caractère purement administratif, phénomène dangereux qui n’est pas sans rappeler la «furie répressive» dénoncée par le professeur Bouloc en France dans le domaine du droit des sociétés. Le ministre Chaoul a déjà réagi avec vigueur pour mettre de l’ordre au Palais de justice. La levée de l’immunité des magistrats est nécessaire, mais elle n’est pas suffisante : ce dont nous avons besoin c’est une réforme en profondeur de notre justice qui engloberait la refonte de plusieurs lois inadaptées (code de procédure pénale, code pénal, code des douanes...) dans le sens d’un plus grand respect des droits de l’homme et la présomption d’innocence ; la délimitation claire des pouvoirs du parquet et du tribunal militaire ; l’activation de l’inspection judiciaire ; la révision du système pénitentiaire (relevant du ministère de l’Intérieur) ; la nomination de nouveaux magistrats pour mettre un terme à la lenteur des tribunaux ; le contrôle plus strict des actes de la police judiciaire ; la nomination aux postes-clés de magistrats consciencieux, compétents et indépendants, capables de donner un élan nouveau à notre justice... Le plan établi par le ministre Chaoul a toutes les chances de concrétiser cette réforme. L’opinion publique dans son ensemble le soutient sans réserve. Elle réclame qu’on donne à notre Garde des Sceaux la liberté et les moyens nécessaires pour mener à bien sa mission, et exige une justice à la mesure de l’ambition du président Lahoud. Pour que le Liban devienne enfin – est-ce trop demander ? – un véritable État de droit.
Notre justice est, depuis quelques années, une justice malade au chevet de laquelle il est grand temps de se pencher. Avec l’arrivée du général Émile Lahoud au pouvoir, l’espoir que soit restaurée la confiance du citoyen dans sa justice était à la mesure de l’ambition du président de la République d’édifier un État de droit. La nomination d’un magistrat aussi intègre et...