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Actualités - CHRONOLOGIE

OUVRAGE - Archives d'un combat pour la défense des droits de la femme Laure Moghaizel : Un demi-siècle de notre mémoire

L’ouvrage que vient de publier la Fondation Joseph et Laure Moghaizel sous le titre «Laure Moghaizel : Un demi-siècle de lutte pour les droits de la femme» 1947-1997 (Beyrouth, Librairie Orientale, vol.1, 1999, 816 p.) rassemble les archives de Laure Moghaizel qui, avec compétence, détermination et persévérance, a mené un combat sans relâche pour la défense des droits de la femme au Liban durant plus d’un demi-siècle. Il ne s’agit pas d’un livre sur Laure Moghaizel, mais Laure Moghaizel elle-même dans son combat quotidien, à travers des requêtes, des feuillets rédigés sous la contrainte du moment, des comptes-rendus, de vieilles coupures de journaux et des documents divers. Ce n’est pas non plus une histoire du mouvement féminin libanais, mais la matière vivante qui permet la rédaction de cette histoire dans tous ses faits, détails, péripéties, déboires et réalisations. Comment la femme a défendu ses droits? Nous profitons des réalisations des aînés, percevons ces réalisations comme un acquis et risquons d’oublier le courage et l’effort des pionnières et pionniers. Les archives de Laure Moghaizel sont «de chair et de sang», comme le relève Tony Atallah qui a participé au classement de cette documentation. L’histoire vivante d’un combat C’est en janvier 1996 que Laure Moghaizel m’a convié pour me faire part de l’angoisse qui lui pèse : des archives rassemblées depuis 1947 et éparpillées dans une centaine de dossiers, sur de larges et hautes étagères… L’histoire vivante du combat quotidien pour les droits de la femme au Liban, avec les pionnières et pionniers, est là. Appréhension face à cette masse d’archives pétries dans la vie, et enthousiasme de transmettre à nos enfants et petits-enfants un patrimoine authentique qui puisse servir de semence et de ferment pour la jeunesse. La nouvelle génération pourra ainsi mieux se repérer, s’identifier et parachever le travail accompli. Le projet a germé en quelques secondes : transmettre ce patrimoine, sans académisme, sans perfectionnisme, ni scientisme, autant de prétextes pour ne rien faire. Nous allons transmettre ce vécu en deux volumes, afin de reconstituer la mémoire démocratique libanaise altérée par plus de quinze années de guerre, contribuer à réconcilier la nouvelle génération avec l’ancienne, et apprendre aux Libanais, d’après leur propre expérience, comment défendre un droit. Ce qu’on appelle, de façon abstraite, dans la littérature civique le pouvoir citoyen (citizen power) et, dans la littérature sur le développement, la capacitation (empowerment) est concrètement là. La publication des archives de Laure Moghaizel, elle l’a voulue non pour sa postérité, mais comme un témoignage de reconnaissance à tous ceux et celles qui ont œuvré pour l’égalité et les droits de l’homme. Laure Moghaizel me rappelle cette pensée de Montesquieu : «Pour faire de grandes choses, il ne faut pas être au-dessus des hommes, il faut être avec eux». Amale Dibo a mené avec Laure Moghaizel, en pleine maladie, de longs entretiens qui sont retranscris dans l’ouvrage et que Laure Moghaizel n’a pas pu relire. Nous avions aussi envisagé d’inclure dans l’ouvrage des entretiens avec les pionnières encore vivantes. En pratique, l’ouvrage publié fait émerger de grands noms, femmes et hommes : Laure Tabet, Émilie Farès Ibrahim, Jamale Karam Harfouche, Ibtihaj Kaddoura, Wadad Kortas, Olga Arsanios, Mounira Solh, Jawad Osseiran, Abdallah Lahoud…, et aussi des noms modestes, enfouis par-ci par-là, dans une banale relation de presse. Sur la couverture de l’ouvrage une grande photo, publiée par la revue Arabies, de Laure Moghaizel au cours d’une manifestation pour la paix, portant un pigeon devant un mur criblé d’éclats d’obus. On retrouve dans les archives publiées les premiers manifestes exhortant la femme, qui a désormais acquis en 1952 le droit de vote, à se rendre aux urnes; le mouvement de protestation qui a conduit à l’abrogation de la clause subordonnant le droit de vote des femmes à la détention du certificat d’études primaires; le rassemblement de 70 associations féminines du 6 février 1951; la proposition de loi de Mounir Abou Fadel, le 4 mars 1972, pour la fixation d’un quota de représentation féminine (21 députés femmes, sur un total de 121 au Parlement); la requête signée par plus de cent avocats, le 31 octobre 1977, protestant contre l’exclusion des femmes de la magistrature… On y trouve aussi des notes manuscrites, rédigées parfois à la hâte, afin d’agir vite et pour remédier à une injustice flagrante. Une stratégie et une école L’ouvrage constitue un modèle et une école en matière de culture des droits de l’homme et de stratégie démocratique de changement. Présenter une liste de revendications de plusieurs mètres, comme le font encore malheureusement certains syndicalistes, c’est manquer de réalisme et de stratégie. La méthode de Laure Moghaizel est ciblée, circonstanciée, persévérante, harcelante, progressive. Laure Moghaizel relate comme suit «les changements réalisés» : «Nous avons établi en 1949 un plan de travail dans la lignée des efforts des pionnières, en partant d’un bilan de la législation libanaise, à la lumière des conventions internationales et en comparaison avec les législations arabes. Nous avons aussi subdivisé les revendications en étapes, avec une revendication par étape, en fonction de son importance et de son accessibilité. Nous avons formulé une proposition concrète et motivée et avons formé, pour chaque étape, une commission spéciale, qui a coordonné les activités et les contacts». Le fruit de cette stratégie fut plus de dix phases charnières dans la défense des droits de la femme au Liban : les droits politiques (1953), l’égalité successorale (1959), le libre choix de la nationalité (1960), la liberté de déplacement (1974), la suppression des dispositions pénalisant la contraception (1983), la reconnaissance de l’aptitude de la femme à témoigner au registre foncier (1993), la reconnaissance de la capacité de la femme mariée à exercer le commerce sans l’autorisation de son époux (1994), le droit de la femme fonctionnaire dans le cadre diplomatique et mariée à un étranger à poursuivre sa carrière diplomatique (1994), la capacité de la femme mariée en ce qui concerne les contrats d’assurance-vie (1995), et la ratification de la convention pour la lutte contre toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (1996). C’est grâce au soutien de Novib, et de Mme Catherine Essoyan en particulier, que cette œuvre a pu être menée, en partie du temps de Laure Moghaizel. Le premier volume comporte des archives sur les droits civils et politiques (droit électoral, participation aux partis politiques, accès à la magistrature et autres emplois publics…). Le volume 2, qui paraîtra en 2000, contient des archives sur les droits sociaux et économiques.
L’ouvrage que vient de publier la Fondation Joseph et Laure Moghaizel sous le titre «Laure Moghaizel : Un demi-siècle de lutte pour les droits de la femme» 1947-1997 (Beyrouth, Librairie Orientale, vol.1, 1999, 816 p.) rassemble les archives de Laure Moghaizel qui, avec compétence, détermination et persévérance, a mené un combat sans relâche pour la défense des droits de la femme au...